Journal de bord d'une confinée à Ajaccio : Changer les couleurs du temps

Depuis la mi-mars, et l'instauration du confinement dans le pays, l'une de nos journalistes raconte ses journées. Ce vendredi, il est question d'une balade, de couleurs et de la poésie des scènes de la rue.

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► Retrouvez le chapitre 43 : Chapitre 44 : Changer les couleurs du temps
Je voulais marquer ce 1er mai. Un jour de télétravail chômé, l’idée me plaisait bien. Un jour rouge qui aurait dû être vert - quand depuis 44 jours, on écrit au quotidien - un mélange des couleurs digne du moment. Je me suis plantée devant ma bibliothèque pour tirer le « petit livre » de référence de Pastoureau, spécialiste du propos.

Puis, j’ai tourné les pages jusqu’à tomber sur le ton « libéré, délivré » du moment, couleur « espoir » jamais si bien nommée. J’ai lu le titre : « Le vert, celui qui cache bien son jeu ».
 

La rose des vents…

Avant d’aller plus loin et perdre le nord (comme la carte gouvernementale hier), j’ai décidé, sans en référer aux « grandes autorités mal géo-localisées » de me mettre en vert. Ou plutôt d’aller le voir, sur fond de bleu, sans rouge aux lèvres, pour chasser le noir dans la tête, bref : d’aller marcher, à peine levée.

Sur le bord de mer de la deux-fois-deux-voies, je suis tombée sur le tee-shirt vert pétant d’Antoine, mon copain belge, un triathlète. Avant, on se croisait à Bisinao, pour le brunch dominical de la sortie VTT. Dit comme ça, on pourrait imaginer que je pédalais aussi, mais non, je n’assurais de ma présence que la partie repas du programme, quand Antoine jouait de la guitare.

Mon Dieu, comme c’était bien, la grande terrasse en bois, le menu végane-charcuterie pour le mélange des genres, la nature (oh, le chant des oiseaux) et Antoine qui enchaînait les morceaux ! Là, il m’a juste expliqué son parcours sportif sur périmètre restreint, la tour des Salines en toile de fond et le bruit des voitures en prime. La dernière fois que j’ai filmé Antoine, on mariait notre amie commune sur l’esplanade d’une maison en pierre (la même qui accueillait nos brunchs). Là, dans un décor urbain, je l’ai fait parler de son parcours d’animal en cage. Oui, parce qu’il m’a dit, « j’ai l’impression d’être un hamster à courir ainsi en rond ». Il était vert ! (de bon ton, donc).


Un peu plus loin, sur la ligne droite du bord de mer, juste en bas de la « descente » qui « monte » à France3 (j’aime bien l’idée d’aller dans le même sens que les géographes de la veille, cluster en haut et zone détendue en bas), j’ai aperçu une voiture de la station (ViaStella).

Je me suis dressée de tout mon long en fixant le véhicule, tellement insistante que le conducteur m’a identifiée, certainement interpellé par ma posture en chien d’arrêt. Je ne vous explique pas le « coucou » appuyé que j’ai adressé à Jennifer qui devait partir filmer !

Le 1er mai férié n’est qu’une illusion dans la profession. Par exemple, aujourd’hui, Pauline, en plus d’écrire les siens, va mettre en page ce papier. Un papier, où j’explique que je suis partie me balader. Je comprends qu’elle puisse voir rouge, Pauline, vraiment, en me lisant ! Pastoureau le met bien en exergue : le rouge, c’est « le feu et le sang, l’amour et l’enfer », une vraie duplicité. Pauline peut bien m’aimer d’écrire un papier, un peu moins de ce que j’écris dedans, pendant qu’elle reste devant son écran !

Ma vie en rose…

Si vous insistez, on peut également aller vers les demi-couleurs de ma promenade, histoire de donner dans la nuance. Les demi-couleurs sont dans le livre de Pastoureau, je n’invente rien. Le « gris pluie », ciel blanc éclaté de la météo du jour (8h du mat en bord de mer moche) et le « rose-bonbon » que j’ai voulu mettre dans ma vie grâce aux pigeons. Parce qu’après avoir croisé Antoine, m’a pris comme une envie de nature.

Un refrain tournait en boucle, « je voudrais changer les couleurs du temps, changer les couleurs du monde… ». Pour changer mon monde urbain en nature, je n’ai rien trouvé de mieux que de faire s’envoler les congénères de Juliette-la-tourterelle qui étaient tranquillement occupées à becter du pain sur un trottoir. Un vol d’oiseau, rien que pour moi ! S’inventer une poésie, je sais faire, même si les autres ne la comprennent pas toujours vraiment ! (ma « vie en rose », je vous en fais quand même cadeau dans une vidéo).

Je ne pouvais compter que sur ma poésie pour me sortir de ce 1er mai couleur pâle. Et sur le street-art matérialisé par cette autre « bandera », cette femme sur un mur qui laissait sa posture à ma libre interprétation : « on pourra peut-être porter le masque en bandeau !». Je l’ai croisée juste avant les tourterelles, elle a dû aider à souffler comme un vent de liberté.

D’ailleurs, trois personnes en ont fait les frais avant les oiseaux. Trois personnes qui discutaient sur les quais du port Charles Ornano. Il y avait des sacs posés à terre autour d’eux. D’un de ces sacs, j’ai vu dépasser des palmes (de plongée), spontanément, en passant, j’ai souri en leur lançant, « je vous avertis, si vous partez en bateau, j’embarque avec vous ». Ces personnes ont souri. L’un des hommes à dit d’une voix douce et chaude à soigner les bleus au coeur, « c’est, vrai ? Allez, c’est pour bientôt ». Il aurait rajouté, « et on ne mettra pas de masques, c’est promis », je l’aurais embrassé !


Certains ont dû se dire que c’était même pour maintenant les sorties en mer, et remiser leurs bouquins scolaires au placard. A moins qu’il s’agisse de cette opération qui consiste à abandonner des livres dans les lieux publiques, ouvrages qui passeront, ainsi, de mains en mains, cependant pas la meilleure idée en temps de confinement. En tout cas, une méthode de Français traînait sur un trottoir, échouée là, dans un moment où l’éducation reste obligatoire mais pas l’école, celle dont on prend le chemin.
 

Le mien de chemin, je ne l’ai pas terminé dans le rouge, loin de là. De toute façon, j’étais partie pour une mise au vert. Et je l’ai trouvé, ce vert (et blanc), en bas de chez moi, en ce 1er mai : l’épicerie du coin de la rue vendait du muguet ! Je me disais en rigolant que ceux qui la tenaient (l’épicerie) n’avaient pas perdu le nord. Pas comme les géographes de la carte d’hier. Mais, en même temps, pouvait-il en être autrement ? J’ai vécu avec un bastiais (nord), il disait toujours, « je monte à Ajaccio (sud) ». Parce qu’il faut monter (un col) avant de descendre. Comment voulez-vous que le gouvernement s’y retrouve finalement !
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