Journal de bord d'une confinée à Ajaccio : You know what, I’m happy (birthday) 

Depuis la mi-mars, et l'instauration du confinement dans le pays, l'une de nos journalistes raconte ses journées. Ce dimanche, il est question d'anniversaire qu'on oublie ou que l'on fête comme on peut. 

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► Retrouvez le chapitre 38 :  

  • Chapitre 39 : You know what, I’m happy (birthday) 


J’ai vu s’afficher un énorme gâteau sur la page Facebook. Un 50 avec des fraises partout. La pâtisserie donnait le ton, pas besoin des bougies. Je me suis dit, « mince, je n’savais pas ». Je suis nulle en anniversaire. Je ne retiens pas les dates.

Dernièrement, mon ami Victor a lancé au téléphone, « tu n’aurais pas oublié quelque chose ? », avec quand même une pointe de reproche dans la voix. J’ai réfléchi mais rien n’est venu. Juste l’ombre d’un soupçon d’une date passée à l’as mais - tellement je n’étais pas certaine - je ne me suis pas avancée.
 

En décalé…

Ensuite, je m’en voulais même un peu d’avoir zappé son anniversaire. Ce n’est pas comme si je connaissais Victor depuis la veille. Je disposais pourtant de trois jours de temps pour ne pas me rater complètement, sachant que, le concernant, naissance, enregistrement auprès de l’Etat Civil et date apparue un jour sur un papier officiel s’étalent sur soixante-douze heures de cette année-là.

Mais rien ne m’est venu, pas même l’anecdote que Victor jure m’avoir racontée cent fois. Possible, on se connait depuis trente ans ! Pour me rattraper, quelques jours plus tard, je lui ai préparé une entrée, un plat, un dessert (trois jours, trois éléments d’un même repas) : tarte aux herbes (un peu dure), purée (un peu ratée) et gâteau au chocolat (valeur sûre normalement).

J’ai joint à mon menu (il est passé le chercher) la « boîte à souris » (ndrl : voir pages précédentes du journal) que j’avais fabriquée sur mon temps manuel et dans laquelle j’avais glissé un masque en tissu avec ce petit mot, « ton cadeau ne m’a rien coûté mais il est de cette drôle d’époque. Je t’aime fort ». J’ai reçu deux heures plus tard une photo de mes préparations et de mon cadeau avec, en réponse, un « moi aussi je t’aime fort ».

J’ai tout de même frolé la correctionnelle après tout ce que Victor m’offre comme présence ! Mais, cette année, pas de changement de dizaine, moindre mal ! Je vais noter la (les) date(s) pour l’année prochaine…
 


Hier, par contre, il s’agissait bien d’un changement de dizaine. J’ai donc appelé ma copine-trop-chouette pour lui souhaiter un joyeux anniversaire. Je lui ai, dit « je ne savais pas, j’ai juste vu le gâteau sur Facebook ». L’énorme gâteau fantasmé qui servait uniquement de carte postale en la circonstance. Elle m’a dit en rigolant, « j’ai crû que je devais passer le récupérer, mais non ! ».

Elle en avait commandé un à la pâtisserie de son quartier qu’elle devait partager avec ses enfants, « on a oublié de demander les bougies alors on a improvisé ». Elle a précisé, qu’on se rattraperait plus tard, comme pour mieux se donner une autre occasion de boire (en meute). J’ai lancé, « si on déplace le calendrier des anniversaires comme on déplace le calendrier religieux, on va être bien occupé après le déconfinement, il va falloir poser des vacances ». On a ri même si, au fond, le cœur n’y est pas vraiment. Elle n’a pas vu ses parents depuis trop longtemps. On tient la route mais les émotions nous rattrapent sur ce genre d’événement.
 

A la chaîne…

Et c’est au tour de Juliette (la mélomane) de fêter aujourd’hui ses 19 ans. Plein de choses étaient prévues pour l’occasion – parce que ses parents pensent toujours à tout – mais l’événement s’est réduit comme peau de chagrin.

Alors, ce matin, j’ai pris ma plus belle voix (c’est-à-dire, de toute manière, pas la meilleure) pour enregistrer un « joyeux anniversaire » par message. Un refrain de mon ton cassé, à peine réveillée, dont la justesse laisse à désirer. Il est juste avec le cœur en tout cas, il ne reste plus que ça.

Et, comme par hasard, avec le printemps, on enchaîne les « happy birthday » chantés. J’en connais un autre qui, demain, passera une dizaine. Un qui travaille. Un infirmier en milieu hospitalier. Sa femme lui a demandé l’autre jour, « ils vont te préparer un petit truc tes collègues ?». Parce que, dans l’esprit, ces fameux collègues peuvent constituer le regroupement qu’il n’aura pas pour ses 50 ans.

Il y avait presque une touche de nostalgie dans la question. Une manière de matérialiser l’idée du, « à plus de trois (papa, maman, l’enfant), ça peut être sympa ». J’ai vu les images de celui de ma copine Karine, musique à fond dans le salon, boule à facettes, verre de champagne à la main… à cinq sur le dance floor. On peut y apposer le mot « mémorable » sans problème. On ne le réalise pas encore, mais on se fait des souvenirs sans commune mesure avec les précédents !

Pour revenir à l’anniversaire de demain, je m’interroge. Prendre ma plus belle plume pour écrire une lettre ? Réitérer mes prouesses vocales du matin ? Cuisiner une frangipane (il adore ma frangipane même après les Rois !) ? L’inonder de bêtises (sur son grand âge) comme il le fait chaque fois après avoir lu mes papiers ? Demander à notre ami José (chansonnier en chef depuis le confinement) de nous sortir une play-list ?  Organiser un dance-floor en visioconférence ?

Bref, j’ai retourné toutes les idées sans vraiment en retenir une. Je me rends bien compte que l’envie est ailleurs. Alors, peut-être que sa femme a raison, les 50 ans avec les collègues du milieu hospitalier, en plein COVID-19, il pourra le raconter après. Peut-être qu’il faut retenir uniquement l’originalité du contexte, pas la fête dont on aurait rêvé. 

D’ordinaire je râle, parce qu’on ne peut rien faire en extérieur, mais, cette année, je ne suis pas malheureuse d’être née en février. Parce qu’on n’était pas encore en confinement, en février. Et comme il y avait de surcroît, un 29 cette année (oui, en plus du reste je suis née une année bissextile), on pouvait le marquer. Aucune fête n’était pour autant programmée :  je prenais l’avion le lendemain aux aurores pour le boulot. Mais, je me rappellerai l’an prochain qu’il est important de ne rater aucune possibilité de rassemblement convivial parce qu’un virus peut débarquer à l’improviste et empêcher la vie de se dérouler normalement (de la normalité d’avant, j’entends).
 

Ton demi-siècle tu l’as fêté en quelle année, toi ? Mon ami pourra répondre fièrement, « en 2020, entre l’avant et l’après ». L’avant on sait à quoi il ressemblait, l’après, on verra bien. Pour l’heure, de l’urticaire me vient, rien que de l’imaginer, cet après.

En tout cas, ce n’est vraiment pas de chance, pour les chiffres ronds jusqu’au mois de mai. Et après ? Ma réponse : on sera encore sûrement loin des « Happy Days » ! («Bree », on croise les doigts pour tes quarante ans !)
 
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