Mort du petit Marcellu: changement de version, conditions d’intervention, les éléments de l’affaire du décès du bébé

Dans une lettre adressée à sa hiérarchie, un ambulancier des urgences de l’hôpital d’Ajaccio - présent lors de la prise en charge de la maman du petit Marcellu - explique avoir fait une fausse déclaration dans son rapport circonstancié de l’intervention. Dans cette affaire sensible, la famille du bébé décédé a mis en cause le centre hospitalier Notre-Dame de la Miséricorde. Le parquet d’Ajaccio a ouvert une enquête pour "homicide involontaire contre X".

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La lettre a été rédigée par l’ambulancier du SAMU qui avait pris en charge la maman du petit Marcellu, le 4 avril dernier à Ajaccio.

L’homme l’a adressée à sa hiérarchie le 10 juin, soit un mois et demi après le décès du nourrisson survenu le 25 avril à Marseille, où il avait été transféré en urgence après sa naissance 21 jours plus tôt à l'hôpital Notre-Dame de la Miséricorde. Depuis, ses parents ont publiquement mis en cause le centre hospitalier ajaccien, pointant un "défaut de prise en charge" de la mère. Alors enceinte de huit mois, elle souffrait de douleurs abdominales et avait appelé les secours.

Dès les premières lignes de la missive - que France 3 Corse a pu consulter -, l’ambulancier "déclare avoir rendu un faux rapport" à son supérieur du SAMU (Service d'aide médicale d'urgence). Il écrit : "par un souci de conscience et surtout pour l'ensemble de la famille et leur enfant Marcellu aujourd’hui décédé, je me dois de rétablir certaines vérités." Il fait référence ici à son compte rendu initial, écrit à la suite de l’intervention du 4 avril au domicile des parents.

"Je l'ai rédigé sans réfléchir aux conséquences et j'ai de ce fait, pour ainsi dire, menti sur les symptômes de la maman", explique-t-il, avant de développer :

"En effet, contrairement à ce que j'ai écrit dans mon précédent rapport lors de notre intervention, la maman était prostrée au sol, adossée à son beau-père, pas très communicante et dans un gros état de fatigue. Elle avait des difficultés respiratoires avec par moments, une sensation d'étouffement. Elle était extrêmement faible tout au long de notre intervention avec les bras tombants, le regard dans le vide, souvent les yeux fermés, le teint pâle et une transpiration abondante."

Si les faits remontent au printemps dernier, cette affaire très sensible a récemment pris un tournant médiatique. Lors d’une conférence de presse organisée le 21 novembre à Ajaccio, la famille de Marcellu a, par le biais de son avocat, pointé la "responsabilité médicale" de l’hôpital d’Ajaccio et "une méprise sur la gravité de la situation lorsqu’ils sont intervenus au domicile de la mère".

Le décès du bébé a également engendré l’ouverture d’une enquête administrative interne de la part de l’Agence régionale de santé de Corse. Une procédure classique lorsqu'un "événement indésirable grave associé aux soins" (EIGS) est signalé. Contactée, l’ARS ne souhaite pas s’exprimer tant que l’instruction est en cours.

"Constantes pas normales"

Dans sa lettre datée du 10 juin, l’ambulancier des urgences explique que, lors de l’intervention du 4 avril, les constantes - à savoir la prise de la tension et du pouls - "n’étaient pas normales du tout", selon lui.

Là aussi, il avait écrit le contraire dans son premier rapport (auquel France 3 Corse également eu accès). "L'intégralité des constantes indiquées dans mon précédent rapport m'avait également été communiquée par le docteur [présent lors de l'intervention, ndlr]", explique-t-il. Et d’ajouter :

"Pour être plus précis, les constantes prises dans l’appartement étaient bien celles indiquées dans mon rapport initial. En revanche, concernant l’évaluation à 2/10 du niveau de douleur de la patiente, je dirais plutôt que nous étions sur une échelle beaucoup plus haute (7/8)."

L’homme "affirme qu’aucune transmission avec la régulation [soit avec le médecin régulateur du SAMU chargé de coordonner les opérations à distance, ndlr] n’a été faite" par l’équipe sur place.

"J'ai pris connaissance du rapport circonstancié du docteur lors de la réunion du 30 mai, dans lequel celui-ci indique avoir fait une régulation par talkie-walkie. Je peux vous affirmer que cela est faux, car j'étais le seul à posséder un talkie-walkie sur le lieu de l'intervention."

Il souligne également que "le docteur n’avait pas médicalisé le VSAV des pompiers", et dit "ignorer les raisons" de ce choix, précisant que "cette décision appartenait au médecin lui-même".

Toujours selon l’ambulancier, ce même docteur lui aurait transmis des éléments de langage au sujet d’un "nouveau bilan et d’une consultation gynécologique ainsi qu'une échographie" concernant la maman du petit Marcellu. Ces éléments, le membre du SAMU dit les "avoir rajoutés docilement sur [son] rapport mais qu’à aucun moment [il] n’avai[t] vu, ou entendu le docteur dire ou écrire cela aux pompiers, avant le départ vers le centre hospitalier d'Ajaccio".

Ces nouvelles déclarations constituent une mise en accusation du médecin présent sur les lieux lors de la prise en charge de la maman. Pour l'heure, nous ne connaissons pas la position du docteur à ce propos, ce dernier n’ayant pu être joint malgré nos tentatives.

Selon nos informations, il exercerait habituellement sur le continent. En avril dernier, il effectuait une garde aux urgences d’Ajaccio.

La semaine dernière, lors de la conférence de presse, l’avocat des parents de Marcellu avait accusé l’établissement hospitalier d’avoir demandé à "certains membres de l'équipe de secours de falsifier des rapports".

"Nous avons la certitude que l’hôpital a voulu maquiller ses fautes", avait déclaré Me Jean-Christophe Coubris devant les médias.

Plainte pour "menaces de mort"

Depuis la mort du nouveau-né, les relations entre le couple de parents et la direction du centre hospitalier sont tendues. L’établissement a porté plainte contre le père de l'enfant pour "menaces de mort" contre le directeur de l’hôpital, Jean-Luc Pesce.

Les parents de Marcellu, qui "demandent sa démission", n’ont quant à eux pas déposé plainte contre l’établissement ajaccien. Devant la presse, ils avaient cependant précisé qu’ils pourraient le faire en fonction des conclusions rendues par un collège d’experts auquel ils devraient confier le dossier.

En attendant, la famille a missionné un expert indépendant agréé. Ce dernier a déjà rendu ses conclusions : dans un passage que France 3 Corse a pu consulter, son rapport pointe un défaut de prise en charge des secours et évalue ses conséquences à "une perte de chance de survie néonatale de Marcellu autour de 75%".

En début de semaine, l’affaire a également pris une tournure judiciaire. Le procureur de la République d’Ajaccio a ouvert une enquête pour "homicide involontaire contre X". Ce sont désormais les policiers de la direction départementale de la sécurité publique de Corse-du-Sud qui vont devoir mener les investigations en se plongeant dans cette délicate affaire.

Concernant l’ambulancier du SAMU, il a été convoqué par la direction de l’hôpital de la Miséricorde à la suite de la modification de sa version initiale du déroulé de l’intervention. Ce revirement lui aurait été reproché et - selon nos informations - il aurait été menacé de sanctions administratives par le directeur de l’établissement.

Dans ce dossier sensible, où plusieurs questions restent pour l'instant sans réponse, l’enquête judiciaire qui vient de débuter tentera de déterminer les responsabilités concernant la tragique disparition du petit Marcellu.

Le centre hospitalier dénonce un "tapage médiatique calomnieux et injustifié"

Dans un communiqué de presse transmis ce vendredi 1er décembre à notre rédaction, le centre hospitalier d'Ajaccio se défend par l'intermédiaire de son avocat.

L'hôpital indique avoir vu à trois reprises la famille, "et notamment le père du jeune Marcellu", afin de "recevoir tous éclaircissements sur les conditions de la prise en charge de sa compagne". Des rencontres à l'occasion desquelles "les responsables administratifs, médicaux et soignants se sont inclinés devant la douleur de cette famille", et au cours desquelles "nul n'a cherché à fuir une quelconque responsabilité dans l'issue malheureuse qui est intervenue", assure le courrier. 

Plus encore, le directeur, "sitôt averti des conditions de la prise en charge, a déclaré l'incident à l'Agence régionale de santé, le qualifiant même en événement indésirable grave associé aux soins, ce type de signalement revêtant un caractère très exceptionnel".

Démonstration faite, donc, estime le cabinet qui conseille dans cette affaire le centre hospitalier, que "loin de chercher à dissimuler des informations, médicales ou autres, la direction du centre hospitalier a spontanément pris le parti de transparence la plus totale". 

Une "bienveillance de principe" qui ne vaut pour autant pas reconnaissance de responsabilité, qui "ne pourra être éventuellement établie qu'après une enquête approfondie et expertise portant sur les modalités et conditions de prise en charge de cette jeune maman". 

"Loin de chercher à dissimuler des informations, médicales ou autres, la direction du centre hospitalier a spontanément pris le parti de transparence la plus totale". 

"Elle ne saurait non plus justifier la diffusion, par médias interposés, de propos portant gravement atteinte à la réputation du centre hospitalier d'Ajaccio, ainsi qu'à l'honneur et la considération de l'ensemble des personnels médicaux, soignant et de la direction du centre hospitalier", continue le courrier.

Dans ce contexte, l'hôpital tient à indiquer "de la manière la plus solennelle", insiste l'avocat, "qu'aucune instruction n'a été donnée pour "maquiller" le dossier médical, comme cela a imprudemment été avancé par la famille et son Conseil, ni par la hiérarchie médicale et soignante des agents ayant contribué à cette prise en charge, ni, a fortiori, par la hiérarchie administrative et la direction".

Ainsi, le centre hospitalier souhaite, "laissant toute liberté à la famille d'entamer les actions qu'elle jugera utiles, que soit mis un terme immédiat à la diffusion des propos infondés mettant gravement en cause l'intégrité de l'établissement et la conscience professionnelle de tous ceux qui y servent". À défaut de quoi, conclut le message, la direction se réserve le droit d'engager "toute action qu'exigerait la poursuite de ce tapage médiatique calomnieux et injustifié."

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