Le discours d'Emmanuel Macron devant l'assemblée de Corse, jeudi 28 septembre, a été suivi avec intérêt par les Corses. Mais ses propos ont été truffés de termes qui peuvent paraître nébuleux pour qui n'est pas constitutionnaliste. Voilà un petit lexique pour mieux s'y retrouver.
Constitution
"Pour ancrer pleinement la Corse dans la République et reconnaître la singularité, son insularité méditerranéenne, ce rapport au monde et son rôle dans l'espace qui est le sien, nous devons avancer. Et il faut pour cela l'entrée de la Corse dans notre Constitution, c'est votre souhait, je le partage et je le fais mien". (E.Macron, 28 /09/23)
La Constitution de la Ve République est la "plus vieille et la plus durable de notre histoire", a rappelé Emmanuel Macron devant les élus insulaires.
Elle est "un ensemble de textes juridiques qui définit les institutions de l'Etat et organise leurs relations. Elle peut aussi rappeler des principes et des droits fondamentaux. Elle constitue la règle la plus élevée de l'ordre juridique". La Constitution organise le rôle des trois pouvoirs, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Elle organise également les liens qu'ils entretiennent, notamment la manière dont ils se contrôlent les uns les autres.
Capacité normative
"Je suis favorable à ce que soit étudiée la possibilité pour la Collectivité de Corse de définir des normes sur des matières ou des compétences transférées. Cette capacité normative devra évidemment s'exercer sous le contrôle du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel". (E.Macron, 28 /09/23)
La capacité normative est le pouvoir donné à la Collectivité de Corse d'édicter des normes qui s'imposent à tous sur l'île. En clair, la CdC se verrait attribuer de nouvelles compétences. Mais reste à savoir dans quelle mesure, ainsi que l'évoque le constitutionnaliste Benjamin Morel sur Public Sénat : "Soit on est sur le modèle calédonien avec un pouvoir réglementaire et législatif propre. Mais là, on sort du cadre de la République, car la Nouvelle Calédonie s’inscrit dans un processus de décolonisation. Soit on est sur un modèle polynésien avec un pouvoir réglementaire dans tous les domaines. Et on va quand même très loin dans l’autonomie. La Polynésie ne fait pas partie de l’Union européenne. La troisième interprétation, la plus probable, c’est un statut de spécialité législative. C’est-à-dire un pouvoir réglementaire dans des domaines particuliers et dans le cadre d’une délégation législative votée par le Parlement".
Loi organique
"Je souhaite, donc, que le travail avec le Gouvernement puisse mener à un texte constitutionnel et organique, ainsi soumis à votre accord, d'ici six mois. Et c'est bien sur la base de celui-ci que nous pourrons engager le processus de révision constitutionnelle, puis organiser la consultation en Corse, et à l'issue préparer le projet de loi organique qui mettra en œuvre cette nouvelle étape". (E.Macron, 28 /09/23)
Les lois organiques n’interviennent que dans les domaines et pour les objets limitativement énumérés par la Constitution. L'objet d'une loi organique est généralement de préciser l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, en application d’articles de la Constitution. Les lois organiques se situent au-dessus des lois ordinaires mais sous les lois constitutionnelles dans la hiérarchie des normes.
Révision constitutionnelle
"Au terme de cette révision constitutionnelle, comme dans l'intervalle qui nous en sépare, je souhaite que l'État et la Collectivité de Corse continuent leur travail commun avec engagement et exigence". (E.Macron, 28 /09/23)
L'article 89 de la Constitution permet une révision de la Constitution, et définit la procédure qu'il faudra suivre. Pour que le texte soit modifié, il faut :
- l'accord du président de la République et du Gouvernement
- l'accord de l'Assemblée nationale et du Sénat
- l'accord des citoyens par référendum, ou celui du Congrès, qui réunit les deux chambres, et doit valider la révision aux 3/5e des suffrages exprimés
Depuis la Constitution du 4 octobre 1958, qui a instauré la Ve République, 24 révisions de la Constitution ont été actées.
Autonomie
"Au fond, ayons l'audace de bâtir une autonomie à la Corse, dans la République. Cette autonomie doit être le moyen pour construire, ensemble, l'avenir sans désengagement de l'État. Ce ne sera pas une autonomie contre l'État, ni une autonomie sans l'Etat, mais une autonomie pour la Corse et dans la République". (E.Macron, 28 /09/23)
À cinq reprises, le chef de l'Etat a prononcé le mot d'autonomie dans l'enceinte de l'Assemblée de Corse. Un signal fort, mais de quoi exactement ? Cela reste à définir, alors qu'Emmanuel Macron veut, il l'a dit, "bâtir un référentiel qui soit pleinement Corse".
Le dictionnaire Le Robert propose une définition claire, et simple : "droit de se gouverner par ses propres lois, à l'intérieur d'un Etat". Ces derniers jours l'ont prouvé, en ce qui concerne la Corse, cette définition risque fort de nécessiter quelques appendices...