En fin de semaine dernière, deux apiculteurs de Corse-du-Sud ont été victimes d'un vol de onze ruches d'abeilles. En Corse, les colonies seraient régulièrement la cible de convoitises. En partie à cause de la renommée de l'AOP "Miel de Corse".
"C'est voler le travail des gens", se désole Michel Artily. Producteur de miel à Murzo depuis près de 40 ans, il a eu la mauvaise surprise, en fin de semaine dernière, de découvrir que onze ruches de son cheptel ont été volées.
Pour lui, il est évident qu'il s'agit de l'œuvre de connaisseurs : "On ne vole pas des ruches comme ça. Il faut être du milieu, avoir une certaine habitude pour manier les habitacles. C'est quand même assez dangereux. Ils ont dû venir à plusieurs et charger les ruches à l'arrière d'un seul véhicule", estime Michel Artily avant d'ajouter : "sinon, ils en auraient peut-être pris davantage."
L'apiculteur a commencé modestement au début des années 1980. Après le succès de ses produits, il a agrandi ses capacités jusqu'à 200 ruches. Avec les années, il a décidé de diminuer son activité et de revenir à 40 colonies.
"C'est un coup au moral de perdre des ruches que j'avais installées en personne, il y a 42 ans. Mais cela a aussi des conséquences économiques. Une ruche représente entre 15 et 20 kilos de miel par an. C'est un manque à gagner sur des années", se désole le producteur.
"Un manque de considération"
Une plainte a été déposée par Michel Artily, après le vol de ses ruches : "Mais je ne me fais pas d'illusions. L'enquête n'aboutira pas. Il y a un manque de considération autour de ces vols", ajoute-t-il.
Ce n'est pas la première fois que des ruches sont volées sur l'île. Depuis la naissance de l'AOP miel de Corse en 1993, les pillages s'enchaînent : "ce n'est pas nouveau mais j'ai l'impression que cela a tendance à s'intensifier", remarque sa femme, Brigitte Artily.
Elle aussi utilise le miel de la production familiale pour réaliser de la cosmétique à base de produits naturels. Mais elle ne souhaite pas évoquer ses pertes personnelles : "je préfère que ces vols servent à généraliser ce qui se passe en ce moment."
"Nous ne sommes pas les seuls à en avoir été les victimes. C'est un réseau qui sévit sur la Corse, depuis la création de l’AOP. Le miel est devenu quelque chose de très attractif", explique Brigitte Artily : "ce qui est dérangeant, c’est qu’on ne se rend pas compte des importantes mannes financières derrière l'appellation."
Des protections tous azimuts
"Ne plus retrouver ses ruches du jour au lendemain, ça a un préjudice moral, mais aussi financier très fort", appuie Pierre Torre, ex-président du syndicat AOP "Miel de Corse".
Les vols ne sont pas si rares, selon l'apiculteur de 58 ans : "le mois dernier, une dizaine de ruches avaient déjà été volées. L'année dernière également." Rien de comparable, cependant, au début des années 2010. Entre 2014 et 2015, environ 250 colonies avaient été dérobées, se souvient une salariée du syndicat.
"C'était quelque chose de très inquiétant. Par la suite, on a décidé de mener une campagne d'achat de balises GPS", se rappelle Pierre Torre. Depuis, de nombreuses ruches sont équipées de boîtiers de détection qui alertent le producteur en cas de mouvement.
"Certains apiculteurs ont même équipé leur terrain de caméras cachées. Des équipements de vidéosurveillance sont aussi installés près des maisons, des grillages, des ateliers. Ce n'est pas normal d'en arriver là", constate Pierre Torre, qui a lui-même équipé ses ruches de moyens de défense.
Force est de constater que les dispositifs sont encore insuffisants. L'ex-président du syndicat aimerait qu'un des voleurs soit interpellé et que sa condamnation dissuade les autres malfaiteurs. Mais depuis le début de sa carrière, Pierre Torre ne se rappelle d'aucune arrestation d'un voleur de ruches.