Lors de la première séance de l'Assemblée de Corse depuis la réélection d'Emmanuel Macron à l'Elysée, Gilles Simeoni est revenu sur les événements politiques des dernières semaines sur l'île, et a confirmé que le processus de discussion enclenché en mars dernier reprendrait dans les prochaines semaines.
A 11h35, après les questions orales d'usage, Gilles Simeoni prend la parole, en rappelant que cette séance de l'Assemblée de Corse est particulière, "puisqu'elle se tient quelques jours après l'élection du président de la République, une élection déterminante, pour l'avenir de la Corse".
Un scrutin déterminant puisque, il y a un mois à peine, s'initiait un processus de négociations entre l'île et Paris, que beaucoup ont qualifié "d'historique". Un processus qui a été interrompu avant même d'avoir commencé, en raison de l'incertitude concernant le prochain locataire de l'Elysée, mais surtout à la suite de manifestations violentes sur l'île, qui ont poussé Emmanuel Macron à estimer que les conditions n'étaient pas réunies pour mener ces discussions...
Renouer le dialogue
Femu a Corsica, le parti de Gilles Simeoni, s'est abstenu de toute consigne de vote, contrairement à 2017, où il avait soutenu le candidat Macron. La raison, "l'ambiguïté" du président sortant. Le président de l'exécutif revient sur ce choix : "le programme d'Emmanuel Macron, ses déclarations de campagne, n'ont fait aucune référence au processus de négociation, à son contenu, pas plus qu'à une solution politique globale pour la Corse, ni à une perspective d'autonomie de plein droit et de plein exercice, voulue par une majorité de Corse et soutenue par l'association des régions de France... Comment dans ces conditions s'étonner que de nombreux Corses, et notamment dans l'électorat nationaliste, aient opté pour un vote sanction en faveur de Marine Le Pen ? Comment s'étonner que de nombreux Corses, en leur âme et conscience, aient décidé de ne pas donner ou renouveler leur confiance à Emmanuel Macron ?"
Le premier mandat d'Emmanuel Macron a été pour la Corse celui des occasions manquées.
Gilles Simeoni
Pour le président de l'exécutif, "c'est le même mécanisme politique qui a conduit la plupart des régions et départements d'outre-mer, qui avaient pour la plupart choisi le candidat Macron en 2017, à le désavouer massivement en 2022."
Si Gilles Simeoni déplore le score du RN en Corse au second tour, il estime que c'est, "à titre principal, le fruit amer, vénéneux, de la politique menée par l'Etat depuis 5 ans en Corse". Et le leader nationaliste de faire la liste de tous les engagements pris par Emmanuel Macron, en 2017, et qui n'auraient pas été tenus, au premier rang desquels celui du rapprochement des prisonniers.
Nouveau départ ?
Mais pour autant, Gilles Simeoni, lors de ce discours devant l'hémicycle, entend envoyer un message à Paris : "Nous gardons à l'esprit ce qui s'est passé pendant 5 ans, mais nous sommes plus que jamais déterminés à construire une solution politique dans un cadre démocratique, par le dialogue avec Paris, le gouvernement, et l'Etat".
Et le deuxième mandat doit être "celui qui permettra de clore définitivement un cycle de 50 ans basé sur la logique de conflit, et sur la négociation de ce que nous sommes collectivement, et qui nous permettra de construire une société, un pays démocratique, émancipé, rayonnant, développé économiquement".
La première réunion effective pourrait se tenir le 18 ou le 19 mai.
Gilles Simeoni
A toutes celles et à tous ceux qui se demandaient, depuis quelques semaines, si le processus est toujours d'actualité, Gilles Simeoni apporte une réponse : "La première réunion effective pourrait se tenir le 18 ou le 19 mai, entre les élus de la Corse, et le ministre Darmanin, s'il est confirmé dans la mission qui lui a été donnée en amont de l'élection présidentielle."
Le président de l'exécutif devrait s'entretenir prochainement au téléphone avec celui que l'on présente comme le nouveau monsieur Corse. L'occasion de "purger les difficultés issues des dernières semaines".
Parvenir à parler d'une voix
Reste maintenant à se mettre d'accord sur l'attitude à adopter, et sur le discours à tenir, face au gouvernement. C'est le sens de la prise de parole de Paul-Felix Benedetti, leader de Core in Fronte : "il faut remonter à Paris avec une demande qui soit une unanimité du moment, et qu'on n'ait pas à chercher un arbitrage, au niveau ministériel et étatique, qui ne pourra se faire qu'au détriment de l'intérêt de la Corse. J'ose espérer qu'on puisse partir de Corse avec un socle commun unanime, et si ce n'est pas le cas, qu'on parte sur une matrice patriotique qui soit unanime".
Une tâche qui ne paraît pas simple, tant les mouvements nationalistes, depuis le schisme des dernières territoriales, peinent à parler d'une même voix. Sans parler de l'opposition de droite, qui affiche sa bonne volonté, mais n'est pas prête à toutes les compromissions. Ainsi, si Jean-Martin Mondoloni, d'Un Soffiu Novu, assure qu'il "faut regarder vers l'avenir, et nous avons dit que nous serons très actifs dans le processus qui s'engage", il prend soin de préciser que la droite sera "bien plus présente sur le volet social que sur le volet symbolique".
Avanzemu, à travers l'intervention de Xavier Luciani, affiche d'autres priorités : "la notion de peuple, de co-officialité pour la langue, sont non-négociables. Il faut rentrer dans une époque qui soit celle de la reconnaissance d'un peuple et d'une nation en Méditerranée".
Quant à Josepha Giacometti, de Corsica Libera, qui siège au côté d'Avanzemu, elle fait de la reconnaissance du peuple corse, de ses droits à vivre sur sa terre, du statut de résident ou de la co-officialité le seuil minimum acceptable pour engager des discussions...
On le voit, Gilles Simeoni risque d'avoir fort à faire, au cours des trois semaines qui viennent, pour harmoniser tout cela.