Plus payés depuis trois mois, quinze employés d'Aiò TV ont saisi la juridiction civile. La web-télé est en cessation d'activité. La décision des prud'hommes a été mise en délibéré au 23 mars prochain.
Mercredi 9 février, le conseil des prud’hommes d’Ajaccio a examiné la requête déposée par quinze salariés d’Aiò TV. Ces derniers n’ont plus perçu leurs salaires depuis le mois de novembre. « Pour la période allant de juin à octobre, nous avons été payés, précise l’un des employés. C’est à partir de novembre que l’on n’a plus rien touché. »
Basée à Mezzavia, Aiò TV fait partie de l’association AJMS Fratellenza fondée en 2005 à Ajaccio par Patrick Vallerent. Mercredi, le président-directeur général n’était pas présent à l’audience, ni représenté par son avocat. Selon nos informations, une procédure de dissolution de l’association est en cours depuis le 31 décembre 2021.
Cessation d'activité
Dans une lettre datée du 30 décembre - que France 3 Corse a pu consulter -, Patrick Vallerent a notifié aux salariés la cessation d’activité de la web-télé à partir du 1er janvier 2022 : « Cette décision a été prise suite aux difficultés financières que subit la chaîne depuis des mois, écrit le PDG. […] Nous effectuerons les déclarations qui conviennent pour l’ensemble de la masse salariale de façon à ce que les salariés puissent prétendre aux allocations chômage. »
Si, d’entrée de jeu, on avait eu le refus de l’ADEC et de la CDC, on ne serait pas lancé. Aujourd’hui, on paie les résultats de tout ça.
Patrick Vallerent, créateur d'Aiò TV
Joint par téléphone, Patrick Vallerent indique « n’avoir reçu aucune aide des collectivités ». « On nous a promis monts et merveilles et on n’a rien eu, poursuit le fondateur d’AJMS Fratellenza. L’ADEC (Agence de développement économique de la Corse) nous avait promis une couverture à 70% et elle n’est jamais arrivée. Nous étions même allés voir les banques. Si, d’entrée de jeu, on avait eu le refus de l’ADEC et de la CDC, on ne serait pas lancé. Aujourd’hui, on paie les résultats de tout ça. »
26 salariés dont 17 CDI
Accessible via un abonnement de 4,99 € par mois, Aiò TV était censée émettre ses programmes sur Internet à partir de la fin de l’année. Dès le mois de juin, l’équipe composée de 26 personnes - dont 17 CDI - avait commencé à préparer les premiers contenus. Des tournages avaient été réalisés en amont, notamment pour une émission qui devait être diffusée le 24 décembre. Des contacts avaient également été pris avec une chaîne de Dubaï en vue d’un partenariat.
On se doutait qu'il y avait un loup. Nous n'étions pas dupes.
Une employée d'Aiò TV
Finalement, aucune image tournée en amont ne passera à l’écran, Aiò TV n’ayant jamais émis sur Internet. « On se doutait qu’il y avait un loup, nous n’étions pas dupes, confie une employée de la web-télé. On nous a promis de nous payer pour Noël mais la paie n’est jamais arrivée. On a reçu nos fiches de paie mais pas l’argent. On a arrêté d’aller au travail depuis le 17 décembre.»
« Je n’ai rien contre les salariés et je comprends leur démarche, déclare Patrick Vallerent. Je les avais prévenus qu’il fallait trouver des annonceurs, ils ne m’ont pas pris au sérieux. Ensuite, ils ont crié au loup.»
Contactée à plusieurs reprises, l’avocate des quinze salariés n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Une procédure pénale
L’association AJMS Fratellenza fait également l’objet d’une procédure pénale en cours d’instruction à Bastia : « Cela concerne le financement et le remboursement d'aides Covid pour l’organisation de festivals qui ont été annulés à cause de la crise sanitaire, précise Michal Solinski, avocat de l’association. Nous sommes en train de fournir des éléments justificatifs.»
En attendant, le 15 février, le tribunal doit également statuer sur la liquidation judiciaire d’AJMS Fratellenza et donc d’Aiò TV. « Si cette décision était remise en cause, cela pourrait retarder le licenciement des salariés et donc la procédure aux prud'hommes », fait remarquer une source proche du dossier.
Le jugement du conseil des prud'hommes a été mis en délibéré au 23 mars prochain.