Surtaxe des résidences secondaires : Pietrosella veut forcer la main du gouvernement

Jusqu'à 60 % de taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Un décret de la loi de finances 2023 élargit cette mesure aux petites communes touristiques. Le problème, c'est que l'Etat en repousse la publication. Un choix qui irrite Pietrosella. La commune espère passer en force.

Avec près de 10 kilomètres de plage bordées de paillotes sur le golfe d'Ajaccio, la commune de Pietrosella est sans surprise l'une des destinations phare des touristes en Corse. La population estivale de la commune explose durant la saison, en raison des nombreux campings alentour, d'une part, mais également du nombre spectaculaire de résidences secondaires au regard du parc de logements...

60 % de résidences secondaires

Les derniers chiffres de la FNAIM, à ce titre, sont éloquents. Pietrosella affiche un taux spectaculaire de 59,12 % de résidences secondaires.

Le tourisme est un marché, et, comme pour les nombreuses autres communes du bord de mer en Corse, il a des conséquences : 

Au cours des trois dernières années, le prix du mètre carré est monté de plus de 26 %. Pour acheter une maison, l'année dernière, il fallait compter 7.136 euros le mètre carré. Et pour acquérir un appartement, la facture s'élevait à 5.889 euros le mètre carré. Des tarifs qui, selon un cercle loin d'être vertueux, ne cessent de grimper en raison de la rareté des biens en vente à Pietrosella.

Le mois dernier, trois attentats étaient commis dans la commune, contre deux résidences secondaires et un immeuble en construction, signés du tag GCC, où Ghjuventù Clandestina Corsa, une organisation clandestine qui dénonce, entre autres, la spéculation immobilière.

Surtaxer

La mairie de Pietrosella l'affirme, elle veut inverser la tendance. Parmi les mesures envisagées, "l'achat de logements pour une mise en location à moindre prix via [son] Organisme Foncier Solidaire, lancé en 2023". Le but, explique le maire, Jean-Baptiste Luccioni, dans un communiqué de presse, "favoriser l'installation de jeunes actifs et de familles" sur son territoire. 

Un projet ambitieux, mais qu'il faut financer. 

Pour cela, le Conseil municipal a délibéré, le 17 février dernier, en faveur d'une taxe d'habitation sur les résidences secondaires extrêmement élevée, à hauteur de 60 %. Une mesure qui serait plus ou moins douloureuse selon l'endroit de la commune où se situe votre résidence. Selon le communiqué de presse, la taxe pourrait représenter "700 euros par an pour une maison sur le littoral, mais seulement 150 à 200 euros pour une maison au village de Pietrosella"

Les élus veulent prendre de soin de mettre en avant le côté "social et solidaire" de cette taxe, "pour permettre une meilleure acceptation de celle-ci par les concernés et de rééquilibrer les rapports de force envers les personnes en recherche de logement permanent et les propriétaires de résidences secondaires"

Rétropédalage ?

Le problème, c'est que la loi n'autorise pas encore Pietrosella à imposer cette surtaxe. Pour l'heure, seules les communes appartenant "à une zone d'urbanisation continue de plus de 50.000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logement" ont la possibilité d'appliquer une surtaxe allant de 5 % à 60 %". Et la commune corse est loin du compte, avec moins de 1.500 habitants. En Corse, seules Bastia et Ajaccio sont concernées. 

C'est un acte volontariste

Jean-Baptiste Luccioni

On vous explique pourquoi Pietrosella a pris cette délibération, malgré tout : 

Récemment, la loi de finances 2023 a été modifiée pour permettre à 4.000 communes qui ne faisaient pas partie du périmètre initial d'instaurer cette surtaxe, même si elles ont moins de 50.000 habitants. La plupart sont des communes soumises à une forte pression touristique, au bord de mer, mais également à la montagne. Un décret qui, selon le communiqué de presse de Pietrosella, permettrait à la municipalité de le faire. 

Seulement voilà : le 7 février dernier, lors de la séance de questions au gouvernement, Gabriel Attal, ministre chargé des comptes publics, a annoncé que la publication du décret serait repoussée jusqu'au printemps 2023, pour une application en 2024. 

Symbole

On imagine que l'information est arrivée jusqu'à Pietrosella. La délibération de son Conseil municipal, dix jours plus tard, est loin d'être une erreur d'appréciation, à en croire Jean-Baptiste Luccioni. "C'est une action volontariste. On souhaite que l'Etat sorte de le décret d'application tel qu'il s'y est engagé lors de la Loi de Finance"

Avec une telle décision, le maire emboîte le pas de l'association nationale des communes du littoral, qui dès le 7 février, parlait de "rétropédalage" du gouvernement, et espère faire plier le gouvernement. 

Alors que le pays vit au rythme tumultueux de la réforme des retraites, et que la représentation nationale ferraille autour du texte, le challenge est de taille. Difficile d'imaginer que Gabriel Attal revienne sur sa décision. 

Mais la majorité municipale, par une telle délibération a surtout eu l'opportunité de faire connaître de manière officielle sa feuille de route en matière de logement et de spéculation immobilière, et d'envoyer un message rassurant à ses administrés. 

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