"Il est préférable de renforcer le droit de préemption existant des communes" : des maires réagissent à la proposition de loi contre la spéculation immobilière en Corse

La proposition de loi adoptée en première lecture vendredi 4 février à l'Assemblée nationale pour lutter contre la spéculation immobilière en Corse va-t-elle aider les communes concernées ? Plusieurs maires de villes touristiques réagissent.

Le village vacances de Lava est un "cas d'école" pour le maire d'Alata. Cent-quarante-quatre bungalows se partagent dix hectares de terrain "les pieds dans l'eau" dans le golfe de Lava. La commune aurait souhaité acquérir l'ensemble pour 4,6 millions d'euros.

"A notre sens c'est vendu en-dessous du prix des domaines, commente Etienne Ferrandi, le maire divers gauches d'Alata. La commune a exercé son droit de préemption, la Communauté d'agglomérations du pays ajaccien est favorable à l'exercice du droit de préemption, nous avons sollicité l'Office foncier, qui malheureusement n'a pas les moyens financiers de nous aider dans cette démarche-là. Vous êtes devant un cas d'école comment concrètement quand on est dans cette situation comment on fait ?"

Un village vacances comme "cas d'école"

Pour lui, la loi proposée vendredi 4 février par les députés nationalistes corses à l'Assemblée nationale et votée par la plupart des groupes parlementaires manifeste des "motivations louables" face au problème de la spéculation immobilière. Mais elle lui semble incomplète : "Nous avons déjà deux outils important : le droit de préemption des communes et l'Office foncier qui est l'outil pour éventuellement mettre en œuvre le droit de préemption. La question ce n'est pas à mon sens nouveau droit de préemption. La question elle est de donner les moyens à l'office foncier de répondre aux sollicitations des communes quand elles le demandent pour réguler au plus près de leur territoire le marché. Transférer automatiquement au niveau de la collectivité de Corse cette compétence-là ne me semble pas efficient d'autant que nous avons vu la rédaction de la loi un risque d'inconstitutionnalité qui risque d'être posé."

C'est en partie ce qu'avait souligné la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault lors des débats à l'Assemblée nationale, quand le gouvernement a donné un avis défavorable à la proposition de loi.

"Je pense qu'il est préférable de renforcer le droit de préemption existant des communes, qui est déjà un socle législatif important et donner les pleins pouvoirs, les pleins moyens financiers à l'office foncier pour qu'il réponde aux sollicitations des communes", poursuit Etienne Ferrandi.

Une taxe en question

Les moyens financiers sont le deuxième volet de la proposition de loi sur la spéculation immobilière. Elle propose en effet une taxe sur les résidences secondaires à partir d'un certain montant et dans certaines zones en tension. Le produit de cette taxe reviendrait à l'Assemblée de Corse.

Le maire de Pietrosella, Jean-Baptiste Luccioni considère que les communes devraient toucher cette taxe.Car la "Collectivité de Corse n'a pas la compétence de l'aménagement du territoire." A Pietrosella, les résidences secondaires représentent 50% des logements. 

"Moi, à titre personnel, qui suis décentralisateur, qui suis autonomiste, qui pousse vraiment pour que le principe de subsidiarité soit mis en œuvre à tous les niveaux, je ne pense pas qu'il faille que ça s'arrête au niveau de la Collectivité de Corse. Il faut que ça descende jusque sur les territoires et que chaque collectivité qui a la compétence générale puisse activer ces compétences."

Selon lui, si la Collectivité de Corse devait, avec le produit de cette taxe, mettre en œuvre des zones réservées à l'habitat permanent, comme le prévoit le texte, il y aurait un risque d'inconstitutionnalité, en raison du principe de non-tutelle d'une collectivité sur autre.

Une date qui "restera dans les annales"

Dans le Cap Corse, à Sisco, le maire Ange-Pierre Vivoni exerce souvent son droit de préemption. Lui, veut croire en l'avenir de la loi porté par les députés nationalistes corses, qui n'a pour l'heure été adoptée qu'en première lecture.

"Le 4 février 2022 restera dans les annales en Corse, estime Ange-Pierre Vivoni. Et même en France continentale parce que les députés ont eu le courage de voter unanimement contre la spéculation et ça faisait longtemps qu'on attendait cela."

La proposition de loi sur la spéculation immobilière doit maintenant être débattue au Sénat, qui pourra amender le texte. La question de la conformité du texte avec la constitution pourrait se poser, car c'est à ce titre que le gouvernement a justifié à la loi proposée.    

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