L'Omu di Cagna est un sommet montagneux parmi les plus atypiques de toute la Corse, curiosité géologique perchée à 1200 mètres d'altitude et point de vue incomparable sur l'extrême sud. C'est aussi une zone ancestrale d'estive pour les bergers, que plusieurs familles ont décidé de mettre en valeur, comme un trésor de notre mémoire collective.
Sur le plateau de Bitalza, depuis plus de 200 ans, on célèbre la Vierge Marie.
Chaque année, la période de l'Assomption fait se réunir tous les descendants de ceux qui les premiers sont montés en estive ici : les Milleliri.
"Les gens de Raghino, de Sotta, de Borivoli, de Vacca montaient l'été en estive ici pour échapper aux fièvres liées à la présence des moustiques. Ces bergeries datent d'avant 1800. Les familles Milleliri sont propriétaires du plateau de Bitalza par un arrêt de la cour impériale de Bastia de 1856", explique Simon Milleliri, président de l'association pour la préservation et l'avenir du plateau de Bitalza.
"On montait à l'époque à dos d'âne"
Si l'homme connaît si bien cette histoire, c'est qu'il a commencé à monter dans la casedda familiale dès ses 6 ans avec son père. Et si le paysage a bien changé, ses souvenirs, des dizaines d'années après, sont intacts.
"Tous ces arbres-là n'étaient pas là il y a soixante ans, c'était une plaine. On montait à l'époque à dos d'âne, la piste date de 1974", raconte Simon Milleliri.
À sa retraite, le chirurgien-dentiste s'est promis une chose : redonner vie au hameau de son enfance. C'est en partie grâce à l'action de l'association qu'il préside que la piste pour accéder au plateau a été restaurée dans l'année. Dorénavant, les habitués peuvent revenir.
"Je montais avant, mais il n'y avait pas autant de monde que maintenant et je souhaite qu'il y en ait encore plus", se réjouit Marie Jeanne Neru, descendante des Milleliri.
Indivision
Mais pour restaurer les 53 bergeries, un problème se pose : tout le plateau s'est transmis en indivision. Et de nombreux descendants de Milleliri ont laissé leurs maisons familiales tomber en ruine.
"On a fait la recherche de tous les descendants, indique Patrick Tramoni, vice-président de l'association pour la préservation et l'avenir du plateau de Bitalza. L'objectif serait de demander si des personnes sont intéressées. Si c'est le cas, elles peuvent reprendre la maisonnette, sinon, l'association demandera que les ruines reviennent dans son giron".
Le prochain chantier sera de taille : retrouver l'aspect d'origine du plateau en y installant un berger. Un projet à long terme, soutenu par la mairie de Sotta.
Mais avec si peu de pâturages disponibles, impossible d’avoir une activité agropastorale viable.
"Pour la recréer, il faut qu'on fasse reculer la forêt qui a gagné sur le plateau, parce qu'à l'époque le plateau allait très loin au niveau superficie, il y a peut-être une vingtaine d'hectares à gagner", estime Simon Milleliri.
Un projet patrimonial mais qui permettra aussi de réduire le risque d’incendie en faisant reculer la forêt et en nettoyant ce maquis très difficile d’accès pour les pompiers et les sapeurs forestiers.
Le reportage au plateau de Bitalza de Clément Tronchon et Yann Richard :