Alors qu'il y a un an, une terrible tempête frappait la Corse et causait cinq décès, les autorités reviennent sur la solidarité qui leur a permis d'affronter la crise. Aujourd'hui, l'objectif est de mieux se préparer aux catastrophes à venir.
"Ça nous est tombé dessus, on a rien compris." Jean-Michel Galanti est chef du centre de secours de Piana. La tempête d’août 2022 a laissé des traces indélébiles dans sa mémoire mais sur le coup, pas le temps de réfléchir. L’urgence était d’abord d’assurer la sécurité de tous les pompiers présents à la caserne. "J’avais dix gars à l’intérieur, on ne savait pas si on allait sortir vivants de là-dedans, raconte-t-il. J’avais un saisonnier bloqué dans le chalet. Le plus important, c’était d’aller sauver les gens, et de pouvoir sortir de cette caserne."
Pas d’autre choix pour pouvoir sortir les engins de secours que de découper les portes à la disqueuse."On avait tous les rideaux (anti-tempête) qui étaient cassés, deux grands pins qui étaient devant la caserne qui sont tombés sur des véhicules."
Ici comme partout sur l'île, tout le monde est sous le choc : la Corse n’était pourtant, jusqu'à 8h, qu’en vigilance jaune "orages et pluies-inondations". Dehors, les villages sont sens dessus-dessous. Les télécommunications sont perturbées à cause des intempéries, les habitants sont désemparés face au désastre. A Vico, le maire de la commune François Colonna se souvient : "Nous étions coupés du téléphone, personne n’a pu m’avertir. C’est quand j’ai vu dégâts que j’avais chez moi à Vico que je suis sorti dans le village et que j’ai vu les dégâts : des tuiles qui étaient parties des toits, qui étaient tombées."
Les interventions compliquées par le réseau coupé
Pour les pompiers du territoire, difficile d’intervenir sans communications. "La perte la plus lourde qu’on ait eu à subir pendant les interventions est celle du réseau téléphonique, et du coup la capacité des gens à passer un appel de secours", témoigne Jean-François Tosi, chef du groupement territorial Nord. A Piana, Jean-Michel Galanti explique que "les gens venaient se manifester" à la caserne.
Si en interne, les pompiers peuvent déployer des postes de commandement, et "reconstruire des réseaux radio" selon Jean-François Tosi, certains ont aussi eu d’autres réflexes. A Piana, "pas mal de pompiers n’arrivaient pas à joindre la caserne, ils ont réintégré le centre de secours eux-mêmes", raconte le chef de centre. Il salue la coopération entre les différents services. "Les communes, la DDE, les forestiers sont venus nous prêter main forte. Ca nous a vachement aidé."
"Une solidarité extraordinaire"
Pour François Colonna, c’est aussi grâce à une "solidarité extraordinaire" que sa commune a pu surmonter la catastrophe. Au camping Sagone, la chute d’un arbre sur un bungalow a entraîné la mort d’une adolescente de 13 ans. Le maire souligne la réactivité des habitants pour accueillir les sinistrés d'une colonie de vacances. "J’ai été surpris très agréablement par la réaction de la population. Nous avions des tas de jeunes en colonie de vacances en déshérence, qui n’avaient plus de toit, plus de tentes, et qu’il a fallu récupérer. Nous les avons récupéré avec leurs animateurs sur Vico dans la salle des fêtes, il y a eu une solidarité extraordinaire, la population s’est mise à leur service pour les animer, les nourrir, les loger."
Le collège a ouvert ses cuisines, et c’est toute une organisation qui s’est alors mise en place. "Ca nous a paru naturel d’accueillir des gens qui étaient complètement paumés, avec une effervescence dans le camping que vous imaginez¸ continue-t-il. Je pense que c’est une réaction humaine, on ne pouvait être que touchés par ce qui s’était produit et ce qu’ils avaient vécu. Ça devait être pour eux assez perturbant et psychologiquement difficile."
La nécessité de mieux se préparer pour l'avenir
Aujourd’hui, dans un contexte de changement climatique, le but pour les autorités est de mieux se préparer à ce genre d’évènement."La commune est en train de mettre en place, et rendra prochainement sa copie, un plan de sauvegarde […] qui sera transmis à la préfecture, de façon à ce qu’ils aient des référents pour répondre, en cas d’adversité à nouveau, à cela", déclare le maire de Vico. Au camping Sagone, on a d’ores-et-déjà revu l’organisation au sol. "Cela fait maintenant un an qu’ils travaillent et ont déposé un permis de construire pour déménager le camping de cette zone avec certaines incertitudes, tempêtes, inondations, pour que le camping soit à l’abri de tous ces futurs phénomènes."
De son côté, le SIS a aussi adapté ses entraînements. "Dans les exercices hors-sec qu’on a eus à réaliser quelques mois plus tard, comme celui dans les calanques de Piana, la Préfecture a intégré la composante "tempête et perte de réseau"", explique Jean-François Tosi. Les constructions des futures casernes devraient aussi être plus adaptées, et le déploiement des téléphones satellites, indépendants des antennes-relais terrestres, poursuivi.
Des risques imprévisibles à prévoir
"Aujourd’hui, on parle d’une tempête avec vents violents, mais on ne sait pas à quoi on va être confrontés demain. Les crises sont multiformes, on va de l’attentat terroriste au risque naturel, et on sera certainement soumis à des choses qu’on n’a peut-être pas encore imaginées", analyse le chef du groupement territorial Nord. Pour lui, les solutions restent entre autres, de mieux connaître les risques auxquels nous sommes exposés pour mieux les gérer, mais aussi l’entraînement intra et interservices. "On entend tous parler du réchauffement climatique, il faut se préparer à être surpris, à être adaptable."
Propos recueillis par Jean-Philippe Mattei