Le procureur général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence Jean-Marie Huet a suggéré vendredi que les dossiers de criminalité organisée, trop complexes et présentant selon lui des risques de pression, soient jugés aux assises par des magistrats professionnels, et non plus par des jurys populaires.
"Il me semble que le moment est venu (...) pour que tous les crimes commis en bande organisée ou à tout le moins les assassinats (...) soient jugés dans les mêmes conditions que les crimes de trafic international de stupéfiants", a déclaré Jean-Marie Huet, procureur général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence lors de son audience solennelle de rentrée."Est-il raisonnable, dans des affaires de très grande complexité, de leur imposer de siéger pendant des semaines, voire des mois?", s'est interrogé le magistrat.
Lundi, le procureur général près de la cour d’appel de Bastia, Franck Rastoul, devrait lui aussi prendre la parole à ce sujet lundi, à l’occasion de son audience solennelle de rentrée : « Les magistrats qui traitent avec conviction, année après année, ces faits de criminalité organisée en Corse, et sur le continent aussi, constatent cette difficulté, cette exposition objective à des phénomènes de crainte des jurés », estime-t-il. Pour lui, il ne s’agit pas d’une proposition de circonstance mais d’un point de vue qu’il avait déjà soutenu en 2014, dans un rapport privé.
Pour éviter les pression, les affaires de trafic international de stupéfiants, ainsi que les affaires de terrorisme ou de trahison et d'espionnage, sont aujourd'hui jugées par une cour d'assises spéciale, dont le jury est composé uniquement de magistrats professionnels.
Dans les affaires de droit commun, le jury est mixte, composé de trois magistrats et de six (en première instance) à neuf (en appel) jurés populaires.
Un contexte de forte pression
Plusieurs affaires instruites par la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille, qui traite ces dossiers complexes liés au grand banditisme méridional et corse, ont abouti à des relaxes ou à des condamnations pour des délits connexes.Le dernier en date est l'acquittement prononcé en novembre à l'encontre des jumeaux corses Dominique et Marc Pantalacci dans une affaire de tentative d'assassinat à l'encontre de l'ex-dirigeant nationaliste Yves Manunta.
L’avocat Camille Romani a notamment défendu Nizar Feddaoui jugé pour l’assassinat d’Yves Manunta ou Guy Orsoni, jugé jugés pour deux assassinats, tous deux acquittés. Il craint qu’en l’absence de jurés populaires, les magistrats ne s’accordent entre eux : « Les magistrats de la JIRS et ceux du parquet général d’Aix en Provence spéculent sur une solidarité de corps qui se satisferait ainsi d’approximations, de spéculations complètement hasardeuses pour asseaoir des décisions de culpabilité. »