La Corse est la région de France métropolitaine où la population croît le plus fortement, rapporte l'Insee. Une croissance démographique exclusivement due au solde migratoire, quand le solde naturel est négatif. Entretien avec Antonin Bretel, auteur de l'étude.
Au 1er janvier 2019, la Corse enregistre 340.440 résidents, soit 20.232 personnes de plus qu'en 2013.
Une croissance de 6,3% en six ans, qui fait de l'île la région métropolitaine au plus haut taux de croissance démographique, indique une récente étude de l'Insee, l'institut national de la statistique et des études économiques. Une population qui se concentre majoritairement sur les espaces urbains - 53% des Corses résident dans 12 communes, soit 180.641 habitants -.
Entretien avec Antonin Bretel, co-auteur de l'étude Insee.
Quels sont les principaux enseignements de cette étude ?
Antonin Bretel : Ce qu’on retient avant tout, c’est une forte hausse de la population, +6,3% en six ans, à raison de +1% par an. Cette augmentation, elle n’est pas nouvelle, cela fait plus de vingt ans qu'on l'enregistre. Sur la période 2013-2019, on constate d'ailleurs un ralentissement de cette augmentation : sur la première décennie du 20e siècle, on était plutôt autour de 1,2% d’augmentation de la population par an – voire même plus sur certaines années -.
Également, il faut mettre en perspective cette augmentation par rapport à celle enregistrée dans d'autres départements. Les départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud font partie des plus dynamiques, mais on constate tout de même un dynamisme encore plus important sur d'autres départements de taille équivalente ou plus petits, mais qui ont une population plus nombreuse. On peut prendre comme exemple la Haute-Garonne, qui enregistre +1,3% d'augmentation sur la période (avec 1.423.290 habitants au 1er janvier 2019, soit 23.251 supplémentaires en six ans).
Comment s'explique cette augmentation de la population ?
A.B : La Corse continue d'avoir sa spécificité régionale, c'est-à-dire un solde naturel négatif depuis 2013, avec une population vieillissante [La Corse est en 2019 la région qui abrite la part la plus importante de seniors, et la part la plus faible des moins de 25 ans de France métropolitaine, selon une autre étude Insee sur la période 2013-2019 datée de mars 2021. Au 1er janvier 2021, 25% des Corses ont moins de 25 ans, 51 % ont entre 25 et 64 ans et 24 % ont au moins 65 ans. Les projections prévoient un vieillissement de la population qui devrait s'accentuer d'ici 2050, pour atteindre 35% de seniors] et peu d'enfants par foyer [En 2019, 2.851 bébés sont nés en Corse, soit une baisse de 7,6% depuis 2011. Il s'agit de la région de France métropolitaine où le taux de natalité est le plus bas : 8,3 naissances pour mille habitants].
L'indice conjoncturel de fécondité est largement inférieur au niveau national, mais c'est une problématique qu'on retrouve assez largement sur le bassin méditerranéen, en Italie notamment.
Sur la période 2013-2019, on enregistre un taux d'accroissement naturel de -1,1% en Corse, contre +1,8% en moyenne sur le territoire métropolitain. De fait, l'augmentation de la population est uniquement expliquée par des mouvements migratoires.
En grande majorité, il s'agit d'actifs, entre 25 et 40 ans, qui viennent du Continent pour prendre un emploi en Corse, et ont des enfants en bas âge [Parmi ces derniers, en premier lieu, des habitants de Provence-Alpes Côte d'Azur : selon une étude Insee de 2020 s'intéressant au recensement de la population en 2016, près d'un tiers des arrivants sur l'île étaient originaires de la région PACA. En seconde position, l'Île-de-France, qui représente 18% des arrivées. Plus encore, les départs de Corse sont peu nombreux, et ne compensent donc pas ces arrivées : seulement 1,5% de la population moyenne qui déménage ailleurs.]
Comment se répartit cette population sur le territoire ?
A.B : On note des pôles urbains qui concentrent la majorité de la population. Par là, on parle des grandes villes, mais aussi les espaces ruraux sous leur influence.
Les deux pôles urbains d’Ajaccio et de Bastia représentent un habitant sur deux, mais on se rend compte que ce ne sont pas les villes en elles-mêmes qui ont la plus forte variation de population, mais les bassins qui les entourent. Après, il y reste toujours la question, autant pour le grand Ajaccio et le grand Bastia de la possibilité d’avoir du foncier encore disponible pour accueillir ces populations.
Mais on voit bien qu'on fait face à une économie qui est résidentielle et vient répondre à des besoins locaux de la population sur le territoire. Plus il y a de tourisme, plus il y a d’emploi, plus il y a de locaux, de résidents, donc c’est plutôt un cercle vertueux.
À quoi peut-on s'attendre pour les prochaines années ?
A.B : Les projections que nous avons effectuées laissent imaginer un vieillissement assez important de la population, un taux de fécondité encore en baisse, donc un solde naturel toujours négatif, et une poursuite de cet excédent migratoire. Mais il reste à déterminer le possible impact de la crise sanitaire sur ces questions : est-ce qu'on peut s'attendre à une évolution des comportements, qui fait suite par exemple aux restrictions de déplacements ?
Aujourd'hui on ne peut pas encore dire si la pandémie a eu et aura une conséquence sur l'évolution des migrations. De la même manière, nous avions projeté 1500 centenaires en Corse à l'horizon 2050, est ce que ce sera toujours la réalité, cela reste à voir. Ce qu'il faut bien retenir, c'est qu'il s'agit avant tout d'exercices de projection, et que la situation est toujours susceptible d'évoluer.