[Documentaire inédit] Michel Rocard, portrait d'un combattant de la paix, amoureux de la Corse

Homme de conviction, du parler vrai, réformiste et visionnaire, Michel Rocard a marqué la politique française. Celui qu'on désignait comme le leader d'une "deuxième gauche", a occupé les plus hautes fonctions de l'Etat sans jamais atteindre la présidence de la République. Deux ans avant sa mort en 2016, il rédige un texte testamentaire intitulé "J’irai dormir en Corse". Un retour émouvant sur son parcours politique et une déclaration d'amour à la Corse à découvrir dans un documentaire inédit à voir le 2 mai à 20h45 sur ViaStella et à partir du 25 avril sur France.tv

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2 juillet 2016, l'ancien Premier ministre de François Mitterand, Michel Rocard décède à l'âge de 85 ans.  Lors de ses obsèques à Paris, son fils va livrer son dernier témoignage, un texte de 5 pages intitulé "J'irai dormir en Corse". Des lignes d'une étonnante sincérité, dans lesquelles l'homme d'Etat revient sur ses convictions politiques, son combat pour la paix et expose sa dernière volonté : reposer à Monticello. Un choix dicté par son amour pour sa femme Sylvie, originaire de ce village de Balagne, mais aussi par le lien particulier qu'il a entretenu avec la Corse tout au long de sa carrière.

"Michel avait fait tout ce qu'il avait pu pour essayer de faire bouger certaines choses, de faire comprendre un peu sur le continent les problèmes réels de la Corse".

Sylvie Rocard

Interview France 3 Corse ViaStella en 2017 - Propos recueillis par Marie-Françoise Stefani

En témoignent les nombreuses réactions de la classe politique insulaire à l'annonce de son décès. "Il fut un humaniste convaincu, un homme d'État, et un ami sincère de la Corse et de son peuple", a écrit le président du conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni ou encore "un homme courageux, visionnaire et qui aimait la Corse" pour Jean-Guy Talamoni, alors Président de l'Assemblée de Corse. 

1968 et 1988, 2 années clées qui lient Michel Rocard et la Corse

L'histoire entre la Corse et Michel Rocard débute dès 1968. Alors que la France est secouée par les événements de mai 68, le secrétaire général du tout jeune PSU (Parti Socialiste Unifié) organise sur l'île une rencontre entre des cadres de son parti et des étudiants, pour évoquer la violence en politique et dans l’histoire.
Déjà, son esprit réformiste et sa volonté de lutter contre le colonialisme ont été remarqués. En effet, 10 ans plus tôt, Michel Rocard, envoyé en Algérie pour enquêter sur les camps de regroupement, avait rédigé un rapport dénonçant le déplacement massif et les mauvais traitements infligés à la population par l'Armée Française. Publié dans "France Observateur" et "Le Monde", ce document lui a valu les foudres de Michel Debré, alors Premier ministre et le début de son opposition avec François Mitterand.  

▶ Extrait : 1968, le 1er "contact" entre la Corse et Rocard

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Réunion du PSU en 1968 en Corse : les réactions d'Edmond Simeoni et Simon Renucci ©France 3 Corse ViaStella / Les productions du Triton


De ce son sejour sur l'île en 1968, Michel Rocard dira : "Tous les soirs et le dimanche, pour moi, découverte de cette merveille du monde, la Corse, qu’habitaient deux bonnes centaines de militants PSU… Paysans, historiens, chercheurs, animateurs du nationalisme non violent prirent à cœur d’être mes instructeurs. Je découvris la violence de l’histoire corse, ne l’oubliais plus, j’appris surtout à la connaître et à la respecter."
En juin 1988, alors qu'il vient d'être nommé un mois plus tôt Premier ministre de François Mitterand, Michel Rocard signe les accords de Matignon, entérinant les droits de la Nouvelle-Calédonie à l’autodétermination. C'est la méthode Rocard : chercher le consensus, soutenir le droit des peuples et bâtir la paix. Dès lors, sa volonté de favoriser la décentralisation et sa réflexion sur les territoires en font un homme providentiel pour le problème corse. "Le seul homme politique qui ait jamais compris quelque chose à la Corse, c'était Michel Rocard" déclarait Edmond Simeoni.

▶ Extrait : 1988, les accords Matignon et la décentralisation, Michel Rocard combattant de la paix 

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Les accords de Matignon en 1988 est la 1ère action de Michel Rocard en qualité de Premier Ministre. De la Nouvelle-Calédonie à la Corse, il porte une réflexion profonde sur les territoires, comme le souligne François Hollande. ©France 3 Corse ViaStella / Les productions du Triton

C'était sans compter les ambitions de François Mitterand qui a préféré confier la mission de la décentralisation à Pierre Joxe, plus proche d'une vision conventionnelle du socialisme. D'ailleurs, son épouse Sylvie revient sur cette époque et prècise à ce sujet : "Michel pensait que l'on avait été un peu injuste avec la Corse et lorsqu'il était à Matignon il espérait s'occuper de la Corse. M. Joxe, ministre de l'Intérieur et ami du président de la République, lui avait fait savoir: "La Corse c'est moi !".
1 an plus tard en 1989, alors que des conflits sociaux agitent l'île et que les revendictions portent sur la cherté de la vie, Michel Rocard fera un discours à l'Assemblée Nationale qui marquera les esprits. Au-delà de la problèmatique du moment, il traversera les siècles pour dénoncer le poids de l'histoire dans les relations entre la France et la Corse.

▶ Extrait : 1989, le discours devant l'Assemblée Nationale

La Corse n'a jamais quitté Michel Rocard. En 2000, Il publiera "Corse : jacobins ne tuez pas la paix !",, une tribune qui encourage la poursuite du processus de paix suite à l'assassinat du Préfet Erignac. En 2004, alors qu'il est tête de liste PS en Corse aux élections européennes, il obtient le score historique de 28%, résultat jamais obtenu en 35 ans de carrière politique. Enfin, en 2015, quelques mois avant sa mort, il participait à une conférence-débat à l'Assemblée de Corse sur la recherche d'une solution politique définitive pour l'île. 

3 questions à... Jean-Michel Djian, réalisateur du documentaire

Le documentaire "Moi, Michel Rocard, j'irai dormir en Corse", le premier consacré à cet homme politique emblématique de la Ve République, utilise le texte écrit par Michel Rocard avant sa mort comme fil conducteur pour décrire son parcours politique mais aussi sa personnalité. 
On y découvre de larges citations lues par l'acteur Jean-Pierre Darroussin, des images d'archives, des interviews de Michel Rocard et des entretiens avec sa femme Sylvie, des célébrités comme Jacques Dutronc ou Michel Fugain, des hommes politiques (François Hollande, Nicolas Sarkozy, Daniel Cohn-Bendit) et des membres de son équipe lorsqu'il était Premier ministre.
Le réalisateur Jean-Michel Djian a répondu à nos questions. 

Vous avez déjà réalisé plusieurs documentaires sur de grands hommes politiques français, comme De Gaulle, Mitterand ou Hollande, Pourquoi avoir choisi Michel Rocard pour ce documentaire ? Quel a été le déclic ?

J’ai un lien particulier avec cette figure politique. Elle m’a fait aimer la politique à une époque où les débats d’idée avaient une certaine tenue, c’était dans les années 80. Je l’ai donc connu avant qu’il ne soit nommé Premier ministre en 1988 par François Miterrand et ce fut par l’intermédiaire d’une autre grande figure de la pensée humaniste: Stéphane Hessel, l’un des  grands amis  de Rocard. Plusieurs années durant j’ai  participé aux  débats organisés dans le cadre des Clubs Convaincre. Et puis j’ai eu la chance de pouvoir lui consacrer trois ans avant sa mort, et alors que sa santé physique déclinait, un entretien de 4 heures pour France  Culture. Un grand moment qui s’est terminé dans un restaurant où nous avons continué hors micro une conversation qui a duré encore deux heures de plus… Et là nous avons parlé de sa nouvelle passion pour les chiens et les chats de sa femme Sylvie, mais aussi beaucoup de l’avenir de l’Afrique, c'était vraiment émouvant.

Selon vous, quel regard porterait Michel Rocard sur la politique française actuelle ?

Celui qu’il commençait à porter quelques mois avant sa disparition en juillet 2016. Il considérait les acteurs de la vie politique "dépourvus d’idées et de courage, incapables d’inscrire leur action dans un temps long". Il était sévère avec les médias "plus préoccupés des arrières-pensées que de pensée". Il ne dirait pas autre chose aujourd’hui. Au fond c’était un enchanteur désenchanté ! Et c’est d’ailleurs le titre que j’ai retenu du livre que je lui consacre en sus du documentaire (sortie le 4 mai en librairie aux éditions du Cherche midi). Ça lui va tellement bien !

Avez-vous une anecdote à nous confier sur le tournage de ce documentaire ?

La joie  inattendue qu’a eu Jacques Dutronc à s’exprimer sur Michel Rocard à Monticello, quand je suis allé le rencontrer. Je n’imaginais pas, et bien peu de gens je crois non plus, la complicité qu’il pouvait exister entre ces deux personnages. Il y avait vraiment une amitié qui s’est construite en Corse avec lui, (comme avec Michel Fugain d’ailleurs). Mais quand on connait Dutronc, on sait sa détestation de la politique, alors on est surpris. Et puis surtout quand il me dit : "J’ai voulu lors de son inhumation à Monticello en 2017 dire tout fort pendant la cérémonie un Rocard sinon rien !, évidemment ça jette un froid et pourtant c’est ce que je pensais". 

??? "Moi, Michel Rocard, j'irai dormir en Corse", un documentaire écrit et réalisé par Jean-Michel Djian
Coproduction France 3 Corse ViaStella / Les Productions du Triton
À voir mardi 2 mai à 20h45 sur ViaStella et disponible sur France.tv à partir du 25 avril

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