Le loup, espèce "strictement protégée" devient par décision de la Convention de Berne, une espèce "protégée". Les éleveurs sont rassurés et les défenseurs de la faune sauvage dénoncent une décision scientifiquement infondée.
Il avait presque disparu, mais en quelques décennies, le loup a de nouveau colonisé l'Europe. Mais cela a créé des tensions avec le monde agricole qui s'était habitué à paître en paix. Sans prédateurs. La cohabitation est aujourd'hui difficile. Les éleveurs militent pour un contrôle plus strict de sa présence, alors que les associations de défense des animaux sauvages tentent de démontrer l'intérêt de cette dernière. Le déclassement du niveau de protection du loup en Europe marque une nouvelle étape dans l'histoire de sa cohabitation avec les hommes.
Cela ne va pas changer grand-chose
Dominique Humbert, président de l'Observatoire du loupà l'AFP
Cette modification de la Convention de Berne rentrera en vigueur dans seulement 3 mois, sauf si un tiers au moins des pays signataires, soit 17 états, s'y oppose. Elle ne pourrait entrer en vigueur que dans les pays qui n'ont formulé aucune objection. Le président de l'Observatoire du loup, Dominique Humbert, se veut rassurant : "cela ne va pas changer grand-chose".
Les prélèvements sont déjà autorisés, par dérogation, et dans certaines circonstances afin de protéger des troupeaux. Le nombre de prélèvements est encadré par un chiffre national déterminé par arrêté ministériel. Ensuite, viennent les conditions définies par les préfectures : il faut déterminer les communes concernées, et identifier les troupeaux attaqués, qui doivent au préalable avoir été protégés.
Une pétition lancée
En France, la population est estimée à mille individus, mais elle aurait déjà décliné de 9%. C'est un premier signal d'alarme selon les défenseurs de l'espèce.
Une pétition vient d'être lancée le 3 décembre, sur la plateforme change.org : Protégeons rigoureusement tous les loups gris en France et en Europe. En 3 jours, elle a déjà rassemblé plus de 20 000 signatures. Son auteur, inconnu du grand public, se définit comme "profondément concerné par la vie sauvage et en particulier les loups".
En 2024, 59 loups abattus dans les Alpes-Maritimes
Depuis le début de l'année, la préfecture des Alpes-Maritimes, a dénombré 665 attaques de loup. Ces dernières ont fait 1613 victimes. Par comparaison, en 2023, le bilan était de 772 attaques pour 1837 victimes ; cela a entraîné 762 945 € d'indemnisations versées aux éleveurs.
Parmi eux, Jacques Courron, éleveur ovin à Gourdon (Alpes-Maritimes). Son troupeau comprend 550 bêtes et subit l'un des plus grands nombres d'attaques du département, soit près d'une vingtaine chaque année. Il déclarait en octobre dernier, dans une revue spécialisée : "Je lutte sans répit depuis 25 ans contre les prédateurs". Suite à l'annonce du déclassement, il affirme que "cela ne changera pas grand-chose, parce que ça reste une espèce protégée (...) ça ne va pas faciliter les tirs, ça ne va pas augmenter le nombre de loups à prélever."
Cela va juste permettre de ne pas attendre qu'il y ait de gros dégâts sur les exploitations. Faire moins les pompiers, faire un peu de préventif dans les endroits où on sait qu'à telle période de l'année, il va y avoir des attaques
Jacques Courron, président de la fédération ovine des Alpes-MaritimesA France 3 Côte d'Azur
L'office français de la biodiversité a réalisé un recensement de la population lupine. Il existerait 18 à 20 meutes sur le territoire maralpin. Une meute correspond à un groupe composé soit d'un couple et de leur progéniture, soit d'au moins trois adultes. Deux meutes se localiseraient sur un territoire transfrontalier avec l’Italie et 5 proches des départements du Var et des Alpes-de-Haute-Provence.
"Un précédent dangereux"
En octobre dernier, le Premier ministre, Michel Barnier, ancien ministre de l'Agriculture, avait estimé qu'une nouvelle évaluation officielle du nombre de loups en France, mi-décembre, pourrait être un possible "moment clé" qui pourrait permettre d'augmenter les prélèvements.
En outre, il se félicitait que la réflexion se faisait "moins d'idéologie et plus de pragmatisme au niveau européen", l'UE venait de donner son accord pour abaisser le statut de protection du loup.
Actuellement, les dérogations permettent déjà d'abattre près de 20% de la population de lupine. Pour la LPO, association de protection des animaux, c'est une mesure "absurde" :
Déclassement du #loup : un recul dangereux pour la biodiversité 🇪🇺 ! 🐺
— LPO France (@LPOFrance) December 3, 2024
Les tirs ne résolvent pas les conflits avec les éleveurs et mettent en danger l'espèce.
💡 La solution ? Coexistence, pas destruction.@FNEasso @OursLoupLynx @ASPASnature @WWFFrance https://t.co/SkOgkqsRee
Selon l'association, ce déclassement de l'espèce ne fait qu'accélérer un processus dangereux pour la préservation du loup. C'est un " un choix démagogique qui n’apporte aucune solution". Son argument, régulièrement avancé : "aucune étude n’a prouvé que les tirs permettent de prévenir les dommages sur les animaux d’élevage, au contraire, les destructions d’individus provoquent la dispersion des meutes."
Les évaluations montrent que cela n’a pas d’impact sur les attaques de troupeaux, qui sont stabilisées depuis plusieurs années grâce à la mise en œuvre de solutions efficaces de protection du bétail.
Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPOA France 3 Côte d'Azur
L'association constate que "le taux de survie est déjà faible : moins de deux tiers des adultes survivent, et deux tiers des jeunes meurent dans l'année".
Les associations de défense des animaux sauvages avancent souvent la même solution : apprendre à vivre avec ! De plus, en ce qui concerne le loup, "la présence humaine est très dissuasive", explique Bertrand Sicard, président de Ferus "Il faut apprendre à l'effaroucher, à lui faire peur". De plus, les associations craignent également que la protection d'autres espèces comme l'ours, le cormoran et le lynx ne suive la même évolution.
Les Écologistes réagissent
Dans un communiqué du 4 décembre, les Écologistes / EELV de la région PACA dénoncent la décision de déclassement du loup. "Cette décision ouvre la voie et facilite l'élimination du loup à l'échelle européenne et en France, notamment en PACA", précisent les représentants du parti. Et d'ajouter : "En écho à la volonté de 74 % des Français (...) se déclarant en faveur du maintien d’une protection stricte du loup en Europe (sondage Savanta, novembre 2023), les écologistes de PACA demandent la mise en place de stratégies favorisant le maintien du loup tout en assurant la protection des troupeaux.