Dans ce documentaire à l’approche d’ordre historique et non confessionnelle, Jackie Poggioli explore les traces locales, dans l’art et les traditions religieuses, d’un tout autre visage de Marie. Non pas celui de la Vierge à l’enfant mais celui de "la Santa Bambina", présentée avec sa mère, Sainte Anne, évoquée comme la "minnanna di Gesù" dans de vieilles prières corses exhumées par la réalisatrice.

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Les représentations et le culte de la Madonna sont très ancrés en Corse, mais un pan de ce patrimoine religieux, artistique et culturel est pourtant méconnu... ©France 3 Corse ViaStella

En Corse, c’est surtout sous l’aspect de la "Madre Universale" qu’est connue Marie, la mère de Jésus de Nazareth, vénéré par les chrétiens comme Dieu incarné, et qui est quant à elle la sainte patronne de l’île. Même dans les principales fêtes mariales locales célébrant sa naissance, comme à la Santa du Niolu et à Lavasina, c’est de fait la statue de la Madonna adulte et avec l’enfant Jésus dans les bras qui est portée en procession.

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C'est la promulgation par Rome en 1854 du dogme de l'immaculée conception, qui a, en partie, donné un nouvel essor au culte marial. ©France 3 Corse ViaStella

Ce pan de l’iconographie mariale, tout comme le culte voué - à l’exception des Protestants - à celle qui a donné le jour à la Madonna, ne sont pas issus du texte fondateur du christianisme, le Nouveau Testament. En effet, il ne mentionne pas la naissance ni l’enfance de la Vierge, et ne précise pas le nom de sa mère ni de son père, Joachim. Ce sont les Evangiles Apocryphes, réfutés par l’Eglise comme non canoniques mais qu’elle a recyclés et repris au cours des siècles, qui ont été à l’origine des récits et des images de Maria Bambina et de sa mère, diffusés en Corse comme aux quatre coins du monde.

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Chant à Sant’Anna interprété dans l’église de Saint Florent par Rumanu Giorgi. ©France 3 Corse ViaStella

Jackie Poggioli extirpe de l’oubli les représentations insulaires présentes dans les églises et chapelles, mais aussi les vestiges du culte local lié à ces deux figures sacrées, surprenantes pour un monothéisme au profil par ailleurs très patriarcal. C’est en effet un double contrepoint à un Dieu identifié comme masculin qui émerge avec ces deux personnages féminins iconiques. Leur statut est impensable pour le judaïsme et l’Islam, les deux autres religions issues d’Abraham. C’est dire l’ampleur des interrogations qu’elles peuvent susciter, cette Celesta Bambina appelée à devenir "Marie, Mère de Dieu", et Sainte Anne, identifiée en latin comme la "Mater Matris Dei" et dont ce film révèle entre autres la vénération spécifique, très méconnue aujourd’hui, qui lui a été vouée par les femmes corses durant des siècles.

📺📲💻 "La Madonna Bambina et Sainte Anne, images et culte en Corse", un documentaire de la collection Ghjenti, réalisé par Jackie Poggioli, à voir vendredi 15 mars à 20h45 sur ViaStella et en replay sur France.tv

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