Sans incinérateur, avec un tri des déchets insuffisant et seulement deux centres d'enfouissement aux capacités quasi-atteintes, la Corse est au bord d'une nouvelle crise des déchets, après celle qui a saturé l'île d'ordures en mai dernier. Quel est l'état des lieux aujourd'hui?
En 2017, la Corse générait 450 tonnes de déchets résiduels par jour en basse saison (février) et 770 tonnes en haute saison (août), selon le Syvadec, l'organisme public qui traite les déchets sur l'île. 26% des déchets ménagers sont triés en Corse, soit 59.013 tonnes par an et 74% sont enfouis sans tri, soit 163.765 tonnes par an.
Les deux CET saturés en août
Le centre d'enfouissement technique (CET) de Viggianello (Corse-du-Sud) a une capacité de 464.000 tonnes: ce seuil sera atteint entre le 15 et le 31 août, selon le Syvadec. Un projet d'extension verticale de 223.500 tonnes, qui suscite des réticences de la part de riverains et d'élus, a été déposé en préfecture par le Syvadec.Le CET de Prunelli di Fium'Orbu (Haute-Corse), géré par la société privée de traitement des ordures corses (Stoc), est également proche d'atteindre sa capacité maximale d'enfouissement de 43.000 tonnes par an.
Ce cap devrait être atteint début août, selon Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse.
Depuis 2015 et un précédent blocage, cette limite avait été augmentée chaque année par arrêté préfectoral à 60.000 tonnes par an, mais pour sortir de la dernière crise en mai dernier, les riverains ont exigé qu'il n'y ait pas d'augmentation cette année.
En 2015, le plus gros site d'enfouissement (80.000 t/an) de l'île, situé à Tallone (Haute-Corse), arrivé en fin de vie, a fermé et un projet d'extension a été refusé.
En mars 2017, le site de Vico (Corse-du-Sud), qui accueillait 30.000 tonnes par an, a également fermé, ayant atteint sa capacité administrative de 115.000 tonnes. Un projet d'extension a aussi été bloqué, sous la pression des riverains.
Quels sont les ressorts de la dernière crise?
En octobre 2017, la communauté des communes du Sartenais-Valinco a accepté une prolongation de l'exploitation du site de Viggianello jusqu'en 2021 à la condition qu'un projet de nouveau CET soit présenté.Un projet à l'étude à Moltifao (Haute-Corse) a suscité une levée de bouclier de la population locale en avril 2018. Habitants et élus du Sartenais-Valinco ont alors craint que l'activité de leur CET de Viggianello ne doive se poursuive indéfiniment, et ils ont bloqué l'accès du site pour protester.
Dans un jeu de domino des inquiétudes, les riverains du site de Prunelli ont à leur tour bloqué leur CET, refusant d'être le seul lieu d'accueil des déchets.
En 11 jours de blocage, 4.000 tonnes de déchets étaient en souffrance dans les rues corses.
Quelles sont les solutions envisagées?
La collectivité de Corse, qui décide la politique à mener en matière de déchets, veut augmenter nettement la part du tri, avec l'objectif d'atteindre 60% d'ici 2021.Son plan prévoit la création de deux centres de tri "multifonctions" près d'Ajaccio et Bastia, aujourd'hui au niveau des études de faisabilité. La création d'un autre CET est également à l'étude.
Des contrats d'objectifs en matière de tri doivent être signés fin septembre avec chaque intercommunalité, responsable de la collecte des déchets, avec la mise en place d'une fiscalité incitative pour les bons élèves.
L'exportation des déchets solution transitoire
"Si le schéma porté par la majorité fonctionne, il nécessite deux années de transition pour que le tri à la source fasse effet. Or, en 2019 et 2020, les capacités d'enfouissement seront inférieures aux déchets qui resteront à traiter", a déclaré en mai Gilles Simeoni."La question de l'exportation des déchets est donc envisagée à titre provisoire pendant cette période".
Le Syvadec a déposé le 12 juin au bulletin officiel des marchés publics un avis de marché intitulé "traitement de l'excédent des déchets ménagers résiduels hors de Corse". Ce marché est prévu pour une durée de 12 mois reconductible trois fois.