Nouveau rebondissement dans les procédures judiciaires qui opposent la SAFER aux occupants des hangars du domaine de Casabianca. Le juge des référés a rendu, mercredi 21 février, une décision accordant un délai supplémentaire de trois mois aux occupants eu égard à la précarité de leur situation.
Lors d'une rencontre avec une équipe de France 3 Corse ViaStella, dimanche 18 février, les occupants du hangar du domaine de Casabianca pensaient encore devoir quitter les lieux dès la fin de la trêve hivernale. Ils pourront finalement rester jusqu’au premier juillet.
Ce bâtiment abrite plusieurs dizaines de personnes, qui vont et viennent au gré des contrats saisonniers. La plupart viennent garer leurs camions aménagés, mais il y a toujours une chambre pour ceux qui pourraient arriver.
Dans la cuisine commune, Simone prépare un café napolitain. Il explique pourquoi ils sont arrivés ici. « Ils ont besoin d’aide, nous aussi on avait besoin d’aide, on s’est retrouvés ici et c’est un endroit où il y a toujours un espoir de trouver une place où se placer, où se garer, où vivre, ou survivre parce qu’on sait qu’ici la situation est compliquée. »
Une situation devenue angoissante depuis la récente médiatisation de leur squat et les jets de pierre, en pleine nuit contre un fourgon habité, brisant les vitres du véhicule et blessant le chien qui y dormait avec sa maîtresse.
"On demande de faire ce travail dans la dignité"
Toutes les personnes rencontrées au hangar sont des travailleurs précaires. La plupart sont saisonniers et enchaînent les CDD dans l’agriculture, la restauration ou l’aide à la personne. S’ils occupent le hangar, c’est faute d’avoir trouvé mieux. « Nous on ne demande pas d’enlever les terrains à cette jeunesse, à ces jeunes agriculteurs corses, nous aussi on est une jeunesse autant qu’eux, c’est juste que nous on est une jeunesse ouvrière et juste on demande de faire ce travail avec dignité », souligne une ouvrière agricole, ancienne occupante du hangar.
Il y a un an, sur demande de la SAFER, aujourd’hui propriétaire du hangar, et du liquidateur judiciaire du domaine, la justice a ordonné l’expulsion des occupants. Une décision dont ils ont fait appel immédiatement.
Parallèlement les occupants ont saisi le juge des exécutions en novembre, pour demander un délai supplémentaire. Ce dernier a rendu sa décision lundi 21 février, en leur accordant un délai jusqu’au 1er juillet prochain. Selon lui : « Leur situation administrative, professionnelle et financière rendent leur recherche d'un logement stable et décent incontestablement complexe. »
L'avocat des occupants du hangar, Me Jean-Pierre Ribaut-Pasqualini détaille : « L’argument principal c’est celui qui a consisté à démontrer que nous avions une réelle difficulté collective à nous loger. Alors pas de nous loger collectivement, mais nous étions un certain nombre de personnes, qui avait fait un nombre de démarches relativement important, variées, et que nous ne parvenions pas, ni les uns ni les autres, à nous loger et qu’il y avait une vraie difficulté dont il fallait tenir compte. »
21 lots attribués à de jeunes agriculteurs
Contactée a plusieurs reprises pour réagir à la décision du juge et parler de la situation du domaine de Casabianca, la SAFER n’a pas réussi à se rendre disponible. Joint par téléphone, son avocat indique prendre acte de la décision et être surpris de ce délai accordé.
Le feuilleton du domaine de Casabianca dure depuis 2017 et sa liquidation judiciaire. Depuis, les choses ont avancé puisque 21 lots ont été attribués à des jeunes agriculteurs pour des projets allant de la culture de la vigne ou des plantes aromatiques jusqu’à l’élevage de vache laitière.
Pour l’heure, pas de production sur les parcelles, car la mise en valeur des terres n’a pas encore été réalisée et que leur irrigation n’a pas non plus été mise en place. L’ODARC a de son côté lancé des appels à projets ouverts jusqu’au 30 juin prochain.
L’occupation du hangar bloque-t-elle l’installation des jeunes agriculteurs ? Pas vraiment, d’après la chambre d’agriculture. « Ces hangars ont vocation, à très court terme, à devenir des continuités des exploitations des jeunes qui s’installent, que ce soit pour le stockage de matériel, que ce soit aussi éventuellement pour loger leurs futurs salariés mais il faut qu’un projet soit déposé pour permettre de débloquer cette situation », soutient Hélène Beretti, directrice générale de la chambre d'agriculture de Haute-Corse.
Du côté du hangar, les occupants, eux, affirment qu’ils n’opposeraient aucune résistance lorsque la justice leur donnera l’ordre de partir.