Michel Mallory écrit un album pour le sosie vocal de Johnny Hallyday

Jean-Baptiste Guégan s'est fait connaître grâce à sa voix, similaire à celle du "taulier". Il vient de sortir Puisque c'est écrit, son premier album. Un album écrit par Michel Mallory, parolier et ami fidèle de Johnny. Un atout pour passer du statut d'imitateur à celui d'héritier.

"La première fois que quelqu'un m'a parlé de Jean-Baptiste Guégan, c'était ma femme. Et sincèrement, comme on dit parfois, je l'ai envoyée chier. J'ai dit que j'avais vécu pendant cinquante ans avec l'original, ce n'était pas pour filer mes chansons à un pâle imitateur. Mes chansons sont mortes avec Johnny, n'en parlons plus."

Michel Mallory a été biberonné à la Country. Il en a hérité le franc-parler. 
 

Un sosie vocal de Johnny, qui a remporté la finale de La France a un incroyable talent, un télécrochet peuplé de contorsionniste à justaucorps fluo et de chiens avaleurs de sabre, très peu pour lui.

Mes chansons étaient mortes avec Johnny

Il ne se gêne pas pour le dire, mais pourtant, semaine après semaine, on continue de lui glisser, en prenant de plus en plus de précautions, qu'il devrait vraiment jeter une oreille sur Jean-Baptiste Guégan. 
"Des amis, des musiciens, même le directeur artistique de Johnny chez Warner, n'arrêtaient pas de m'appeler. Même motif même punition. Je les ai envoyé chier aussi."

L'année dernière, Michel Mallory reçoit un coup de fil alors qu'il est chez lui, en Balagne. Au téléphone, le producteur de Jean-Baptiste Guégan. Mallory, qui commence à en avoir ras-le-bol, de ce freluquet qui chante partout les chansons de son ami, ne lui réserve pas l'accueil le plus chaleureux du monde. 
 

 

Si Johnny est né dans la rue, JB, lui, est né dans le caniveau...

Mais le cow-boy d'Aubervilliers, qui a l'œil noir et le verbe haut, est un gentil garçon. Et au terme d'une interminable conversation, il accepte de rencontrer le producteur. 

Trois jours plus tard, Christophe Porquet s'assoit sur le canapé de Mallory, à la marine de Davia, à la sortie de l'Île Rousse. 
"Il savait ce qu'il voulait. Il m'a parlé de Jean-Baptiste, et ce qu'il m'en a dit m'a un peu ému. Ce gosse avait des blessures identiques à celles de Johnny. Pas de père, une mère morte très tôt d'alcoolisme, une enfance pathétique... Si Johnny était né dans la rue, JB, lui, était né dans le caniveau.

Un Corse il faut se le taper ! 

Mais j'avais du mal à imaginer d'autres personnes que Johnny chanter mes chansons, alors il m'a dit "il faut que Jean-Baptiste vienne". J'ai répondu que je ne bougeais pas de Corse, moi si on veut me voir, on doit venir, je ne me déplacerai pas. 

Quelques jours plus tard, JB était là, et il s'est passé quelque chose." 
 

Au téléphone, Jean-Baptiste Guégan, qui assure la promotion de Puisque c'est écrit, l'album qui est devenu possible en Balagne ce jour-là, et qui est sorti le 30 août dernier, rigole lorsqu'on lui rappelle sa rencontre avec Mallory. 
D'un rire un peu gêné. 
"Il a senti que j'avais du respect pour Johnny, et même beaucoup plus que ça. Et que je voulais sincèrement rendre hommage à Johnny, l'homme que j'aime le plus au monde. Et ça, Michel il l'a compris. Il a vu à qui il avait à faire. 
Mais il a fallu y aller ! Parce que c'est un Corse, et un Corse faut se le taper, vous êtes bien placé pour le savoir !"

Le rire, cette fois, est franchement malicieux. 
"Moi, je suis breton, alors je connais bien çà !"

J'avais peur qu'il ne soit qu'un formidable perroquet

Mallory se souvient: "J'ai eu l'impression de rencontrer un môme. Un môme un peu perdu. Pour lui, Johnny était plus qu'un chanteur, c'était un père de remplacement, un grand frère, un ami, alors qu'il ne l'a jamais rencontré. 
Il m'a avoué, d'ailleurs, et cela je l'ai mis dans une des chansons de l'album, que si Johnny n'était pas arrivé dans sa vie, il serait devenu délinquant. Il m'a vraiment touché, ce mec. Mais y avait quand même un problème. J'avais peur qu'il ne soit qu'un formidable perroquet.

 


"L'épreuve finale, c'était de rentrer en studio chez moi, et chanter des chansons qu'il avait jamais entendues. Je lui ai dit, "je t'aime beaucoup, mais si ca ne fonctionne pas, très sincèrement je te le dirai, ca ne servira a rien, ca ne fonctionnera pas"."

Quelques semaines plus tard, en Normandie, où Mallory a l'habitude de travailler et d'enregistrer, Guégnan rentre dans la cabine, se met devant le micro, et entame la chanson Square de la Trinité, écrite pour Johnny. 

"Et là, je me suis dit que c'était gagné. Il a le même timbre de voix que Johnny, le même vibrato, mais il a aussi tous les défauts ! C'était troublant.  Il chuinte ! Il a les mêmes tics de prononciation qui nous agaçaient tant et nous faisaient recommencer mille fois à l'époque, comme ce "u" à la place du "ou", le fameux "l'amuuuur". 
Il s'est approprié les chansons, ce n'étaient plus les miennes. C'étaient les siennes. Comme le font les grands interprètes."

 
Du côté de Jean-Baptiste Guégan, l'expérience est mémorable. "J'étais comme un enfant qui découvre un jouet, un jouet qu'on aurait jamais pu se payer, et là, d'un coup, il arrive. Par le fruit du travail et des expériences. Je n'avais pas peur du tout, j'étais serein." Même si l'ombre de Johnny Hallyday est toujours présente dans le studio. "J'y pensais, en permanence. C'était étrange, mais ça ne m'a pas handicapé, au contraire. C'était comme si on m'avait filé un crayon pour écrire. Ca m'est venu naturellement, et cela ressemble étrangement à ce que Johnny aurait pu faire. Et pourtant, c'est naturel".

114 chansons pour Johnny Hallyday

Quand Michel Mallory parle de cet album, Puisque c'est écrit, il déborde d'un enthousiasme juvénile d'une touchante sincérité. 
Pourtant, celui qui est né il y a 78 ans à Monticello en a vu d'autres....

Personne n'a écrit plus de chansons pour Johnny Hallyday. Toute la musique que j'aime, bien sûr, mais également J'ai un problème, son duo avec Sylvie Vartan, et 112 autres titres, la plupart entre 1972 et 1982. 
Mais Mallory a également écrit pour Joe Dassin, Gérard Lenorman, Mort Shuman, Line Renaud, Michel Sardou et bien d'autres. 

Il a enregistré 7 albums, dont six en langue corse, et une trentaine de singles. Il est également le seul Corse, et même le seul français, a avoué chanté sur la scène du légendaire Gran Ole Opry, à Nashville, le temple de la musique Country.
                   
Et pourtant. Cet album a un goût particulier pour Michel Mallory"Jean-Baptiste m'a dit, On va réaliser le rêve que cet Johnny avait."
Et sa pudeur l'empêche d'en dire plus, mais l'on devine, au silence qui s'installe, que Johnny n'était pas le seul à le caresser, ce rêve. 
 

Et c'est Jean-Baptiste Guégan, bien innocemment, qui nous en dira plus. "Michel m'a raconté qu'en 2017, lors de son dernier anniversaire, pas longtemps avant sa mort, Johnny avait réuni tous ses proches. Il y avait Sylvie, David, Laeticia, et puis Michel. Et Johnny se lève, et dit "mon prochain album, je veux l'enregistrer à Nashville. Avec Michel". "

Mallory, lorsqu'on lui rapporte l'anecdote, marque un silence, et acquiesce. "Ce soir là, il a dit, on fera un album tous les deux, pour finir là où tout a commencé..." 
Dans la voix, emplie de fierté, on sent vibrer un demi-siècle d'une amitié plus forte que tout. On devine les milliers d'histoires, de souvenirs, de joies et de regrets qui se bousculent dans la tête du septuagénaire. Et des traces, tenaces, de l'amertume des quinze dernières années.
 
"Vous savez, en 2003, c'est Laeticia qui est devenue sa directrice artistique, et elle était entourée d'un panel d'auteurs, de compositeurs et de réalisateurs dans lequel je n'avais pas ma place. On n'aimait pas la même musique, et ils n'avaient pas envie d'ouvrir la porte. Ca fait partie du jeu. Mais moi, je les avais, les chansons, sous le coude. Certaines depuis près de quinze ans. Et c'était toute la musique qu'on aimait, le rock, le blues, la country. Vers le sud, que JB chante désormais, il l'adorait, Johnny. Et il avait toujours voulu la faire...

On n'a jamais réussi."


Aucune acrimonie, aucune envie de revanche, dans la voix de Michel Mallory. 
Plutôt le sentiment d'avoir fait ce qu'il fallait. 
Et d'avoir pu, enfin, envers et contre tout, dire au revoir à son ami. 
 








 
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