Quarante ans après sa mort, tragique, le meneur de jeu du Sporting reste une légende à travers l'île. Pour la flamboyante campagne européenne de 77-78. Et pour bien plus encore.
"Talent fou", "Génie", "phénomène", "divin chauve"... A l'entrée du stade Armand Cesari, devant la tribune nord, qui porte son nom, les qualificatifs laudateurs ne manquent pas, parmi les supporters, lorsque l'on évoque la mémoire de Claude Papi.
Il y a ceux, blanchis sous le harnais, qui ont vécu les glorieuses années 70, et qui ont vibré aux exploits de l'illustre numéro 10.
Il y a ceux, nés trop tard, mais qui ont été biberonnés à la cassette vidéo de l'épopée bastiaise, et qui en connaissent par cœur chaque minute.
Et puis il y a ceux, plus jeunes encore, qui n'ont aucune idée de ce qui s'est passé à la 68e minute de la demi-finale retour, face au Grasshopper de Zurich. Qui ne sont pas capables de mimer parfaitement la frappe en pivot de Claude Papi, en déséquilibre, à 25 mètres. Et de décrire l'explosion de joie d'Armand Cesari, que le porto-vecchiais venait de qualifier pour la finale de la coupe de l'UEFA.
Mais tous vous l'assureront : Claude Papi est le plus grand joueur corse de tous les temps.
Idole
Claude Papi est partout à Armand Cesari. A l'entrée de la tribune nord, sur le mur du couloir qui mène à la pelouse, dans le musée du club, à l'étage... Une statue de bronze à son effigie est même annoncée depuis des années, comme celle de George Best à Manchester ou de Raymond Kopa à Reims. Manière de rendre hommage à celui qui, plus que tout autre, a marqué l'histoire du club.
Le fils de boulanger de Porto-Vecchio signe en pro au SECB en 1968, à l'âge de 19 ans. Son talent lui ouvre les portes du onze bastiais, et il deviendra le maître à jouer des Bleus au cours des années 70, une période faste pour le club insulaire.
En 479 matchs disputés avec le Sporting, il marquera pas moins de 134 buts, une statistique affolante quand on sait que le milieu de terrain faisait également marquer les autres. Et de quelle manière.
Durant la saison 1976-77, il sera le moteur du rouleau-compresseur offensif bastiais. Placé derrière Dragan Dzajic, Fanfan Felix et Jacques Zimako, il fera des merveilles. Les deux premiers marqueront 22 buts chacun, le troisième, 15.
Claude Papi pouvait parfois dégager une certaine impression de nonchalance. Mais celles et ceux qui en étaient dupes s'en mordaient vite les doigts. Une conduite de balle déroutante, un sens du timing et une vision du jeu hors normes...
En une passe lumineuse, le meneur de jeu bastiais pouvait renverser une rencontre.
La Corse, toujours
Sans surprise, la renommée du joueur a vite dépassé les rivages de l'île. Par trois fois, il revêtira le maillot de l'équipe de France. Il fera à ce titre partie de la sélection qui disputera la très controversée coupe du Monde 1978, en Argentine. Il y débutera la dernière rencontre, contre la Hongrie, avant d'être remplacé par Michel Platini.
L'incontournable Michel Platini, celui qui, pour beaucoup, est la raison pour laquelle Claude Papi n'a pas connu une carrière internationale plus importante. Même si, encore aujourd'hui, certains préfèrent y voir la conséquence de l'origine Corse de Papi. C'est dire en quelle haute estime l'île porte Claude Papi, en qui elle voit l'équivalent de Platoche.
"Claude n'était pas un homme de verbe. Il n'aimait pas se mettre en lumière, ce qui l'a peut-être desservi car d'autres, avec beaucoup moins de talent, savaient plus habilement se vendre. Sa modestie me semblait à ce point irrationnelle par rapport à son rayonnement sur le terrain que j'en suis venu à me demander s'il avait conscience de sa propre valeur", confie le journaliste Pierre Cangioni dans Claude Papi, l'icône, le très beau livre que lui ont consacré Jean-Paul Cappuri, Jean-Richard Graziani et Jean-Marc Raffaelli.
Mais il n'est pas sûr que le porto-vecchiais, lui, ait ruminé longtemps à ce sujet.
Pour Papi, il n'était pas question de se vendre. Rien n'était plus important que rester auprès des siens. Et porter le maillot bleu.
Après l'épopée de 78, qui a étonné le monde, et aiguisé les appétit de clubs huppés, il a balayé d'un revers de main les demandes de transferts. Avant de retourner jouer à la belote avec Charles Orlanducci ou Paul Marchioni, ou de partir chasser en montagne.
A jamais 33
Le 28 janvier 1983, Claude Papi, qui s'était enfin remis d'une grave blessure à la cheville, disputait un match de tennis à Miomo. Il s'effondra sur le court, victime d'une foudroyante rupture d'anévrisme. Lors son enterrement, une foule spectaculaire s'est pressée devant Notre Dame des Victoires, à Lupinu. Afin de dire au revoir à l'enfant chéri du football corse. Celui qui a montré aux Bastiais, et plus largement aux Corses, que tout était possible. Sans jamais se trahir.
Claude Papi avait 33 ans.
Ne manquez pas, ce soir, à partir de de 20h30 notre soirée spéciale consacrée à Claude Papi
Un magazine et un documentaire inédit lui seront consacrés. Retrouvez le programme ici.