Ersa : mobilisation contre la démolition d'une maison ordonnée par la justice

Ce dimanche à Ersa, dans le Cap Corse, un rassemblement a été organisé en soutien à la famille Angeli, dont la démolition de la maison a été ordonnée par la cour d'appel de Bastia. Pour la justice, son édification gêne la vue de la bâtisse voisine et ne respecte pas les règles d'urbanisme.

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Maires, élus de toutes tendances, villageois... Dimanche 17 décembre, environ deux cents personnes sont venues à Ersa pour soutenir la famille Angeli. 

Le 27 septembre dernier, la cour d'appel de Bastia a ordonné la démolition de sa maison située sur la commune de la pointe du Cap Corse, au hameau de Poghju. La juridiction estime que son édification n'a pas respecté le code de l'urbanisme et a fait perdre de la vue à la bâtisse voisine. Celle-ci appartient à la famille Giorgetti, qui a déposé plusieurs recours en justice ces dix dernières années.

"Les raisons de la démolition sont très simples, expose Jean-Bernard Angeli, propriétaire de la maison dans laquelle vit l'un de ses fils. Il y a une petite erreur de PLU (plan local d'urbanisme) due à nos architectes - je pèse mes mots - et il y a une perte de vue de 25%. Est-ce que cela justifie ce genre de sanction ? Cela me semble gros. On aurait eu une amende, on aurait accepté. Mais là, franchement, ce n’est pas normal."  

"Je ne vois pas la raison pour laquelle on veut démolir cette maison, confie le maire du village, Thomas Micheli. Elle est conforme, elle a un certificat de conformité déposé par l'agent de la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer). C'est une maison qui est une résidence principale occupée à l'année par M. Antoine Angeli (fils de Jean-Bernard Angeli, ndlr). Dans nos villages, il n'y a pas grand monde. On est en perte de population. Si on démolit une résidence principale, je ne vois pas où est l'intérêt du tribunal." 

Le reportage de Pierre Nicolas et Christian Giugliano :

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Le rassemblement de soutien a réuni près de 200 personnes ce dimanche matin à Ersa. ©P. Nicolas - C. Giugliano - C. Réveillaud

Venu lui de San Ghjulianu, dont il est maire, François-Xavier Ceccoli s'interroge sur cet arrêt de la cour d'appel :

"Les hommes politiques ne sont pas là pour s'immiscer dans les décisions de justice et ce n'est pas l'objet mais, quelque part, on est choqué par la lourdeur de la condamnation, souligne celui qui préside également la fédération LR de Haute-Corse. Aujourd'hui, on sait qu'il y a des fois où l'urbanisme peut être pris en défaut. [...] Je me permets de rappeler que lorsqu’on part de Porto-Vecchio jusqu'au bout de la Corse, des problèmes d'urbanisme, il y en a eu et il y a en encore, dont certains ont défrayé la chronique nationale avec des personnalités. Et quand je regarde le résultat, cela n'a pas forcément donné lieu à des démolitions. Alors ici, peut-être qu'il y a des éléments urbanistiques qui entrent en jeu, mais aller sur une démolition me paraît extrêmement dur et inique. J'espère qu'une solution sera trouvée pour que ces gens puissent conserver leur bien, quitte à le régulariser."

Une longue procédure 

À Ersa, l'affaire remonte à septembre 2010, date à laquelle un permis de construire est accordé à Jean-Bernard Angeli. Mairie, DDTM et architecte des bâtiments de France autorisent alors l'édification de cette maison dont les travaux commencent en février 2011.

Les Giorgetti, qui possèdent la maison voisine et l'occupent en tant que résidence secondaire, contestent alors le permis. En mars 2012, un an après le début du chantier, ils saisissent le tribunal judiciaire de Bastia afin de réclamer l'arrêt des travaux.

Le 23 mai 2012, la demande des Giorgetti est déboutée par le tribunal. En août 2013, la maison est terminée. Le 4 octobre, le maire de Ersa délivre un certificat de conformité attestant de la fin des travaux.

Mais quatre jours plus tard, le 8 octobre 2013, nouveau rebondissement : le tribunal administratif de Bastia annule le permis de construire. La commune est également condamnée à verser 1500 euros au couple Giorgetti.

"En mai 2015, nous avons reçu une assignation en demande de démolition, indique l'un des fils Angeli, Marc-François, dont le frère Antoine habite la maison en question. Afin de régulariser, nous avons alors racheté plusieurs parcelles et avons obtenu un permis de régularisation le 30 mars 2017."

"Ma famille est menacée et les hommes politiques présents ont attisé les haines"

Contacté quelques jours après la mobilisation, Jacques Giorgetti souhaite "préciser plusieurs choses". Ainsi, il souligne que cette affaire oppose "deux voisins qui plus est de la même famille".  "Nous avons cette maison de famille depuis 150 ans", livre Jacques Giorgetti. Une maison qu’il "entretient" depuis qu’il en a la "gestion" et qu’il a "rénovée pour qu’elle soit la plus correcte possible".

Aussi, il rappelle que la procédure n’a pas été lancée pour « une simple question d’ensoleillement ». « Il y a des infractions au code de l’urbanisme, il y a une construction sur le domaine public, sur notre parcelle et sur la parcelle d’un autre voisin. Nous n’en serions pas là si la mairie avait fait son travail il y a 12 ans d’autant plus que cette construction ne respecte pas le cahier de gestion et de protection du Cap Corse", soutient Jacques Giorgetti. 

Selon lui, le rassemblement organisé dimanche dernier est de "la récupération politique". "Je comprends que l’ensemble des élus présents appellent à ne pas respecter une décision de justice, qu’est-ce que cela veut dire ? Que la justice ne sert à rien ?, s’interroge-t-il. Personnellement, je suis respectueux de l’État de droit et le plus grave, c’est que nous avons reçu des menaces. Ma famille a très peur et les hommes politiques présents ont attisé les haines." Ainsi, il appelle "tout le monde" à "raisonner", à "se questionner" et à "s’intéresser au dossier". 

Cassation

Le 25 mars 2019, un second permis avait également été attaqué au tribunal administratif puis annulé - comme le premier en 2013 - par les juges de la Villa Montepiano. Marc-François Angeli précise que "lors de ces deux annulations, le tribunal administratif n'a jamais retenu la fraude comme motif".

Quelques jours auparavant, le 12 mars 2019, la chambre civile du tribunal de Bastia avait débouté les Giorgetti de toutes leurs demandes relatives à la démolition de la maison.

Finalement, le 27 septembre dernier, la cour d'appel a infirmé le jugement de première instance et a ordonné la démolition de la bâtisse.

La famille Angeli s'est pourvue en cassation. Cela ne suspend pas la décision d'appel.

Si la maison n'est pas démolie avant le 23 janvier 2024, les Angeli devront payer une astreinte de 300 euros par jour.

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