Ce samedi 24 avril se tiendra, pour la première fois en Corse, une cérémonie de commémoration du génocide arménien. L'événement, organisé à Bastia, est non-officiel dû à l'épidémie de Covid19.
Hervé Cheuzeville et les membres de l'association Pè l'amicizia Corsica-Armenia avaient tout planifié. Les prises de paroles étaient prêtes et la gerbe de fleurs commandée. "Ces commémorations du génocide arménien devaient être les premières organisées en Corse", explique le vice-président et porte-parole de l'association.
Rendez-vous était donc donné samedi 24 avril, à 10 h, devant le monument aux morts de la Place Saint-Nicolas à Bastia. "Nous avions choisi ce lieu parce qu'il rend hommage aux victimes de la Première Guerre mondiale, et le génocide arménien s'est déroulé à cette période. Et nous voulions aussi avoir une pensée pour les soldats corses tombés aux Dardanelles en 1915", détaille Hervé Cheuzeville.
"Nous y serons malgré tout"
Problème : selon eux, suite à l'évolution de la situation sanitaire, la préfecture de Haute-Corse n'a pas délivré l'autorisation tant espérée. "Nous y serons malgré tout. Nous viendrons avec des drapeaux arméniens et corses, il y aura une minute de silence, des prises de parole, puis nous nous disperserons. Il faut que l'on organise quelque chose, même symboliquement", annonce le vice-président de Pè l'amicizia Corsica-Armenia.
Une cérémonie à laquelle était conviée l'ambassadrice d'Arménie en France, Hasmik Tolmajian. "Ça ne s'était jamais vu dans l'Histoire. Elle tenait absolument à venir, mais elle viendra peut-être en mai, on ira peut-être déposer une gerbe au pied du monument aux morts à ce moment-là", espère Hervé Cheuzeville.
Contactée, la préfecture de Haute-Corse explique quant à elle "qu'aucune cérémonie officielle ne sera organisée à l'initiative du préfet au vu de la situation sanitaire". Les services de l'État précisent dans le même temps que les "associations sont libres d'organiser un événement si elles souhaitent le faire."
Pas de manifestation politique
Pour les participants à la manifestation, hors de question d'entrer dans les débats politiques. "C'est une cérémonie du souvenir et aussi une manière de rappeler que le génocide a existé. Il a été énormément documenté, même plus que la Shoah. Il y a des centaines de photographies et de documents qui prouvent la réalité", soutient le vice-président de Pè l'amicizia Corsica-Armenia.
Le 24 avril 1915, des milliers d'Arméniens soupçonnés de sentiments nationaux hostiles à l'Empire Ottoman sont arrêtés. Le 26 mai, une loi spéciale autorise les déportations "pour des raisons de sécurité intérieure".
La population arménienne d'Anatolie et de Cilicie, appelée "l'ennemi intérieur", est contrainte à l'exil vers les déserts de Mésopotamie. Un grand nombre d'Arméniens sont tués en chemin ou dans des camps. Selon l'Arménie, 1,5 million de personnes auraient été tuées par les Ottomans entre 1915 et 1917.
Une trentaine de pays reconnaissent le génocide
L'Empire ottoman sera démantelé en 1920, deux ans après la création d'un Etat indépendant arménien. La Turquie, issue de ce démantèlement, reconnaît des massacres, mais récuse le terme de génocide, évoquant une guerre civile en Anatolie, doublée d'une famine, dans laquelle 300.000 à 500.000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort.
Le 20 avril 1965, l'Uruguay a été le premier pays à reconnaître le génocide arménien. En France, cette reconnaissance est intervenue dans une loi en 2001, et une journée nationale de commémoration a été pour la première fois célébrée le 24 avril 2019. La négation du génocide n'y est cependant pas pénalisée, contrairement à la Suisse, Chypre et la Slovaquie. Au total, les Parlements d'une trentaine de pays ont voté des lois, résolutions ou motions reconnaissant explicitement le génocide arménien.