En Corse, en 2023, 63 patients attendent une greffe d'organe, et les donneurs potentiels se font rares. Les professionnels de santé incitent à plus d'informations et de dialogue à ce sujet, afin de faciliter les démarches.
"Pour beaucoup de gens, ça reste abstrait, flou. Et puis, parler de la mort, ce n'est jamais facile..."
Alain Antonelli est infirmier et coordinateur dans le domaine du prélèvement d'organes et de tissus au centre hospitalier de Bastia. Et aujourd'hui, à l'occasion de la journée nationale, il tient un stand d'information dans le hall du CH, avec les trois autres infirmières coordinatrices, et le médecin coordinateur Dominique Mezzadri.
"Notre mission ne se limite pas au prélèvement d'organe en soi. Des journées comme celles-là nous donnent la possibilité d'apporter des réponses claires, avec des mots simples", promet l'infirmier.
Mort encéphalique
Il faut dire que les questions sont nombreuses. Le don d'organe, tout le monde sait ce que c'est, mais si l'on n'y a pas été confronté directement, le processus reste assez flou. Alain Antonelli nous explique : "lorsqu'un patient qui pourrait être un donneur potentiel est reçu en service de réa, on nous appelle. On se rend sur place, on vérifie les antécédents et le dossier médical du patient, et on discute avec le service afin de déterminer s'il est possible d'envisager un prélèvement d'organes".
On encourage vraiment les gens à parler à leurs proches, à leurs amis, afin de clarifier les choses
Alain Antonelli
Tout va être fait, en réa, pour sauver le patient. Mais s'il décède, il est parfois possible, durant quelques heures, de maintenir artificiellement une activité cardiaque, et une oxygénation des organes et tissus. C'est ce que l'on appelle un état de mort encéphalique, nécessaire au prélèvement d'organes.
Avant, il convient évidemment de vérifier s'il n'y a pas d'opposition au don. Et le patient, la plupart du temps, n'est pas en capacité de s'exprimer, à son arrivée en réa.
Registre national des refus
"On va donc consulter le RNR, ou registre national des refus, sur lequel tout le monde peut s'inscrire à partir de l'âge de 13 ans. Cela permet de faire connaître son opposition. S'il n'y a pas trace du défunt dans le registre, on va interroger les proches, pour savoir s'il a fait connaître ses volontés, concernant la question du don d'organes", explique Alain Antonelli.
Mais souvent, ce n'est pas le cas, et la situation devient alors confuse. "C'est pourquoi cette journée de sensibilisation est très importante. On encourage vraiment les gens à parler à leurs proches, à leurs amis, afin de clarifier les choses. Si ce n'est pas le cas, la décision est très difficile à prendre".
Tous donneurs d'organes
D'un point de vue purement légal, elle ne l'est pourtant pas. En France, "au nom de la solidarité nationale, c'est le principe du consentement présumé qui a été choisi. La loi indique que nous sommes tous donneurs d'organes et de tissus, sauf si nous avons exprimé de notre vivant notre refus d'être prélevé".
La raison, près de 10.000 patients sont en attente d'un greffe chaque année dans le pays, et les donneurs manquent cruellement. Seuls un peu plus de 5.000 d'entre eux ont pu en bénéficier en 2022. Conséquence, "près de 1.000 personnes en attente d'organes décèdent par manque de greffons".
L'année dernière, on a eu 15 donneurs potentiels, en Corse. Et on a pu réaliser uniquement 4 prélèvements
Alain Antonelli
Pour autant, Alain Antonelli l'assure, pas question de prendre la décision unilatéralement. "On est proche des familles, on mène plusieurs entretiens avec eux, on parle de leur proche, de son tempérament, et on essaie de déterminer, ensemble, ce qu'il aurait pensé de la question".
Et même si, au final, la décision d'un prélèvement est prise, rien ne garantit que la greffe pourra avoir lieu. "Il n'y a pas que le refus, qui peut tout arrêter. Il y a aussi les contre-indications médicales... En tout, l'année dernière, on a eu 15 donneurs potentiels, en Corse. Et on a pu réaliser uniquement 4 prélèvements..."
Un début d'année encourageant
Cette année, après un semestre, la tendance est bien plus encourageante. "On a eu 4 donneurs potentiels recensés, et ils ont abouti à 4 prélèvements. C'est plutôt bien", sourit Alain Antonelli, avant de se lever pour rejoindre le stand, pour rappeler, encore et toujours, l'importance du don d'organes.
Il sait que, malgré les bons chiffres de 2023, c'est encore insuffisant. Au début de l'année, 63 patients insulaires attendaient une greffe de cœur, de foie ou de reins...