La gestion et les comptes de la régie des eaux "Acqua publica" épluchés par la CRC

Manque d'outil de planification, sous-investissement chronique, absence de filière de traitement des boues d'assainissements et boom des absences maladies... La Chambre régionale des comptes s'est intéressée dans un rapport à l'administration de la régie des eaux du pays bastiais. Et pointe un certain nombre de carences impactant son fonctionnement.

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Crée en février 2015 par décision du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Bastia, et entrée en fonction en janvier 2016, la régie des eaux du pays bastiais "Acqua publica" assure la distribution d'eau potable et l'assainissement collectif sur le territoire de l'agglomération de Bastia.

Elle intervient ainsi pour les communes de Bastia, Furiani, Ville di Pietrabugno, Santa Maria di Lota et San Martino di Lota ; et dessert, au dernier recensement en 2021, 31.091 abonnés, pour une population de 62.240 habitants.

Dans un rapport d'observations définitif et soumis au contradictoire des destinataires, la Chambre régionale des comptes (CRC) s'est intéressée à la gestion et aux comptes d'Acqua publica. Un document long de 61 pages portant sur les années 2017 et suivantes, à savoir la gouvernance de Michel Rossi (2016-2020) et de Pierre Savelli (depuis 2020).

Des rendements en eau insuffisants

Il en ressort sept rappels au droit, parmi lesquels la demande de procéder aux contrôles des installations relevant du service public de l'assainissement non collectif, ou encore l'évaluation du coût de chaque service public et l'adoption d'une tarification permettant d'assurer l'équilibre financier des budgets annexes. 

La juridiction financière territoriale pointe ainsi plusieurs problématiques et carences dans la gestion de l'administration.

Premier élément souligné : les ressources en eau de la régie "Acqua publica" proviennent pour l'essentiel des prélèvements opérés sur les cours d'eau de l'intercommunalité (72% de l'approvisionnement provient des eaux de surface, 28% de la captation des eaux souterraine). Parmi ces cours d'eau, en premier lieu, le Bevinco (35% des prélèvements totaux en moyenne). Une rivière pourtant identifiée "par le comité de bassin de Corse comme particulièrement vulnérable, toutes pressions confondues (humaines et environnementales)", relève la CRC.

Second point noté, la performance insuffisante du réseau d'adduction d'eau potable. Avec un rendement de 75,2%, il est en deçà de la moyenne nationale de 80%, et près de 10 points inférieur à l'objectif réglementaire, fixé à 85%. Chaque année, des pertes de l'eau mise en distribution de l'ordre de 1,4 million de m3 sont enregistrées. Un total conséquent, correspondant à près du tiers de l'eau mise en distribution (4,6 millions de m3 en moyenne chaque année, contre seulement 3,2 millions de m3 facturés aux abonnés).

Un manque "chronique" d'investissements

Des pertes directement liées à "un manque chronique d'investissements", notamment dans le renouvellement des équipements, estime la CRC. "En dépit du caractère prioritaire donné au remplacement de certaines canalisations, le programme de travaux établi en 2009 n'a connu un début d'exécution qu'en 2021", relève ainsi la juridiction.

En 2019, un plan de réduction des pertes a bien été engagé par la régie afin d'enrayer la dégradation du réseau. Celui-ci a consisté en "la mise en place d'une sectorisation du réseau, et en l'installation d'outils pour en améliorer la connaissance".

Des démarches qui ont produits des premiers résultats, reconnaît la juridiction financière territoriale, qui note néanmoins que "la poursuite des réalisations reste toutefois subordonnée à la capacité de l'établissement à dégager l'autofinancement nécessaire à la mobilisation des co-financements", et encourage la régie à intensifier "son action en faveur de la préservation de la ressource en eau".

Trop d'absences maladie

Les principales difficultés de la régie résultent finalement de sa situation financière, qui traduit son "manque de manœuvre", indique la Chambre régionale des comptes. "Les recettes issues de la tarification sont absorbées en grande partie par les charges de personnels qui progressent fortement à effectif constant et par les prestations extérieures".

Sont pointées, notamment, des absences maladies de plus en plus nombreuses : le nombre de jours ouvrés d'absence pour maladie a doublé entre 2019 (1.151 jours) et 2020 (2.271), et continue de progresser en 2021 (2.334 jours). Des absences qui donnent lieu à des recrutements sur CDD : le recours à ce type de contrat a augmenté de moitié entre 2020 et 2021. "Dans le même temps, la masse salariale charges comprises liée aux contrats courts a presque doublé : elle est passée de 329 000 € en 2020 à 634 000 € en 2021, soit une progression de 93%."

Les remboursements sur rémunérations, intégrant les indemnités journalières de sécurité sociale reversées à la régie, ont également progressé (+ 73 % entre 2020 et 2021). Ils représentent près de 320 000 € en 2021. Pour autant, la chambre observe "que la régie n’a engagé aucune démarche particulière en vue de réduire l’absentéisme des agents."

Autre poste important de dépense : les achats d'eau brute auxquels la régie doit procéder régulièrement afin de compléter son approvisionnement "dont une partie vient compenser les pertes sur le réseau". Dans ce cadre, l'absence de filière de traitement des boues d'assainissements en Corse engendre des coûts de transport sur le continent, coûts supérieur à celui qui découlerait de leur traitement, souligne la CRC.

La nécessaire augmentation des tarifs

"En l’absence d’économies dégagées sur la section d’exploitation, la tarification des services publics, bien qu’en augmentation, est en inadéquation avec l’évolution des charges. Pour le budget de l’assainissement, l’équilibre budgétaire a été obtenu par la reprise des provisions constituées au cours des exercices antérieurs", poursuit la CRC.

Enfin, si la régie s'est dotée en 2022 d'un plan pluriannuel d’investissement d’un montant total de près de 20 M€ d’ici 2024, la chambre observe que, "sans une augmentation des tarifs, notamment de la redevance assainissement, l’autofinancement dégagé par l’exploitation des services publics ne permettra pas d’équilibrer le plan de financement", conclut le rapport. 

Pour consulter le rapport dans son intégralité : cliquez ici.

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