Une étude de l'Insee parue ce 30 octobre montre qu'avec 326 médecins pour 100 000 habitants, la Corse compte globalement moins de praticiens que la moyenne des territoires métropolitains. Un chiffre qui cache des disparités, selon les domaines d'activité, et les zones géographiques.
La situation est critique, c'est sûr !
François Agostini, médecin généraliste à Calenzana
Président de la fédération Corse pour la coordination et l'innovation en Santé et représentant de la confédération des syndicats médicaux français (CSMF), François Agostini n'est pas surpris des chiffres publiés par l'Insee concernant les professionnels de Santé sur le territoire français.
La #Corse compte 320 #médecins pour 100 000 habitants, soit 20 de moins qu’au niveau métropolitain. Retrouvez ces chiffres pour la Corse et les autres régions sur la page dédiée https://t.co/vHSyvjROqF pic.twitter.com/7iyRvdzgi9
— Insee Corse (@InseeCorse) October 30, 2023
Avec 323 médecins pour 100 000 habitants, la Corse se situe au-dessous de la moyenne nationale métropolitaine établie à 341. Et en milieu de classement puisqu'elle arrive au septième rang parmi les 13 régions de la métropole française.
La Corse manque de spécialistes
La densité de médecins généralistes, de chirurgiens-dentistes et de pharmaciens constatées en Corse est légèrement supérieure à la moyenne nationale.
Dans le détail, les données de l'institut national de la statistique et des études économiques montrent que ce sont les spécialistes qui manquent le plus sur l'île : la Corse en compte 164 pour 100 000 habitants, alors que la moyenne nationale s'élève à 194.
"En Haute-Corse actuellement il y a deux ORL, ils sont complètement débordés c'est impossible de les joindre. Il n'y a plus de rhumatologue. Il y en a qui viennent de l'hôpital de la Timone à Marseille pour consulter à Bastia, mais c'est pareil c'est extrêmement compliqué d'obtenir un rendez-vous" constate François Agostini, médecin généraliste à Calenzana.
La Corse-du-Sud globalement mieux dotée
La répartition des médecins entre les deux départements insulaires révèle un important déséquilibre, en défaveur de la Haute-Corse. La proportion de médecins est plus élevée en Corse-du-Sud dans tous les domaines d'activité. Et c'est chez les spécialistes que l'écart est le plus important, avec une densité de 189 pour 100 000 en Corse-du-sud, et seulement 143 pour 100 000 en Haute-Corse.
Des explications économiques et sociologiques
Pour le docteur François Agostini, les raisons de cette pénurie de médecins, et de spécialistes en particulier, s'explique d'abord par des facteurs économiques : "Aujourd'hui dans une ville comme Ajaccio ou Bastia les tarifs de l'immobilier sont tels qu'un jeune médecin qui veut s'installer ne le peut pas."
Des motivations économiques qui orientent les choix des futurs médecins : "Quand on regarde les choix d'internat qui sont faits par les étudiants en médecine, ils se portent beaucoup sur des spécialités lucratives comme la chirurgie esthétique ou la radiologie. Les disciplines fondamentales comme la psychiatrie, la pédiatrie ou l'endocrinologie attirent de moins en moins" constate-t-il.
La féminisation de la profession et l'évolution des choix de vie des médecins joue aussi un rôle dans la pénurie constatée : la médecine n'est plus envisagée aujourd'hui comme un sacerdoce et les médecins souhaitent une qualité de vie globale incompatible avec des horaires à rallonge ou un isolement social et géographique.
Le collectif et la revalorisation comme solutions
"Aujourd'hui les jeunes médecins ne veulent plus travailler seuls, ils veulent travailler en groupe. Et ils ont raison, on est plus efficient quand on est plusieurs. Et on est plus heureux aussi parce qu'on échange, on partage" décrit François Agostini qui oeuvre et milite pour le développement de maisons de santé pluridisciplinaires.
Pour lui l'efficacité de ces petites équipes de soin installées dans les micro-régions est remarquable.
Mais il estime avant tout indispensable de passe par une révalorisation des actes de soin. Et notamment des actes dits "intellectuels" peu valorisés, contrairement aux actes "techniques" tels que la radiologie ou la chirurgie.