Repérer précocement les facteurs de fragilité chez les seniors pour retarder la perte d'autonomie, c'est l'objectif d'un programme lancé par l'OMS baptisé Icope. Neuf régions françaises y participent, dont la Corse, où la perte d'autonomie chez les plus de 60 ans est supérieure de 7% à la moyenne nationale.
"On ne va pas chercher à dépister un Alzheimer, on va essayer de prévenir des pertes fonctionnelles", présente Igor Giusti. Directeur de la fédération corse pour la coordination et l'innovation en santé, il pilote l'expérimentation sur l'île du programme de l'organisation mondiale de la santé Icope (Integrated Care for Older People).
Un programme particulièrement pertinent en Corse, où 10 000 séniors vivant à domicile sont en perte d'autonomie, soit 7% de plus que la moyenne nationale selon une enquête de l'Insee parue ce 13 décembre.
Six tests simples
Vision, ouïe, humeur, mémoire, mobilité et nutrition, six grandes fonctions "déterminantes pour l'autonomie des personnes" sont évaluées au moyen d'une série de tests assez simples, élaborés par le programme afin de détecter d'éventuelles pertes fonctionnelles.
À l'issue ces tests, des alertes sont générées par des algorithmes, le médecin traitant est informé et peut pousser les investigations et proposer des solutions : "Si un problème de mémoire est avéré, et selon son degré, le patient peut être orienté vers une hospitalisation de jour, une consultation mémoire, ou simplement des ateliers de maintien des capacités cognitives" explique Igor Giusti.
Un dépistage précoce de troubles fonctionnels qui peuvent sembler sans importance, mais qui jouent un rôle dans la perte progressive d'autonomie. "Quand un début de surdité n'est pas détecté par exemple, la personne petit à petit s'isole des discussions. Et l'isolement est un facteur aggravant d'Alzheimer par manque de sollicitation" précise Igor Giusti.
Quatre territoires expérimentaux en Corse
Lancé officiellement le 1er février 2023 en Corse, le programme expérimental concerne actuellement quatre territoires insulaires : grand Bastia, la balagne, la plaine orientale et l'ouest corse. L'agence régionale de santé vient d'autoriser son déploiement dans le grand Ajaccio, il devrait être effectif au début de l'année 2024.
Les dépistages sont effectués notamment au sein des maisons de santé pluriprofessionnelles. "Les kinés, les infirmières, chaque professionnel de santé de l'équipe propose les tests à sa patientèle âgée de 60 ans et plus" détaille Igor Giusti.
Les tests sont par exemple proposés lors d'évènements organisés par les communautés professionnelles territoriales de santé.
#journéeprévention
— Centre de Coordination du Dépistage des Cancers (@CRCDC_Corse) May 15, 2023
Bonjour à tous,
Jusqu'à 16h, venez nous rencontrer
📌Place Pascal Paoli à #ilerousse #depistageorganisedescancers #vaccination #ICOPE #tests #vue #humeur #memoire #mobilite #audition #nutrition #cognition
Avec CPTS de Balagne et le CRCDC - CORSE pic.twitter.com/tmJosaDtsN
À Bastia deux pharmaciens de la place d'armes sont formés à ce dépistage et le proposent aussi aux patients concernés.
Des journées de dépistages sont aussi organisées dans les territoires isolés. "Un peu plus de 600 personnes ont été testées depuis le début de l'opération. L'objectif est d'arriver à 1800. On cible surtout les personnes éloignées des cercles de soin" précise encore Igor Giusti.
Des résultats encourageants
Ce sont des situations beaucoup plus complexes par la suite qu'on évite, ou qu'on retarde.
Igor GiustiDirecteur de la fédération corse pour la coordination et l'innovation en santé
"Le témoignage des équipes est assez frappant. Les médecins sont très surpris des résultats. Ils apprennent des choses qu'ils ignoraient sur des patients qu'ils suivent depuis des années" constate Igor Giusti. "Ces tests permettent de détecter des choses très importantes. Le revers de la médaille, c'est du travail supplémentaire pour les médecins dans une situation déjà tendue".
Une étude de l'Insee parue le 30 octobre dernier montrait qu'avec 326 médecins pour 100 000 habitants, la Corse compte globalement moins de praticiens que la moyenne des territoires métropolitains.
Le programme de l'OMS propose aussi aux personnes autonomes équipées d'un smartphone une application permettant d'effectuer ces tests en autonomie. Pour l'heure cette fonctionnalité n'est pas disponible en Corse, faute de professionnels disponibles pour traiter les données. Ce service devrait être mis en service courant 2024.
L'expérimentation doit se poursuivre pendant encore un an, avant que le ministère de la santé statue sur la pérennisation de ce programme au niveau national.