Deuxième jour du procès des braqueurs estoniens accusés d'avoir dévalisé les bijouteries Danesi et Vannucci, à Bastia, en 2016 et 2017. Hommes de main ou instigateurs, c'est la question a laquelle a tenté de répondre la cour criminelle départementale de Haute-Corse dans l'après-midi, après une matinée consacrée aux témoignages des victimes.
« C’est compliqué, aujourd’hui encore, d’en parler. On n’est pas préparé à avoir un revolver pointé sur soi. C’est traumatisant. J’ai pensé à mes enfants, à ma femme. Et puis, j’avais la responsabilité des gens qui étaient avec moi dans la bijouterie. Cette responsabilité a encore décuplé mon stress… »
Les mains jointes dans le dos, face à la cour, le gérant de la joaillerie Danesi revient sur cette matinée du 4 mai 2017, lorsque trois hommes grimés ont pénétré dans la boutique, et l’ont dévalisée.
Arme réelle ou factice ?
Au cours de ce témoignage, la question de l’arme de poing brandie par les braqueurs, et qui n’a jamais été retrouvée, a une nouvelle fois été abordée.
La veille, interrogés par la cour, Riivo Nugis et Vitali Guk ont tous deux affirmé que le pistolet utilisé était factice. Le gérant de la joaillerie Danesi, lui, affirme le contraire : « En trois minutes, j’ai eu le temps de m’en apercevoir. C’était une vraie arme. En tout cas j’en ai eu l’intuition ».
Il est le premier homme à être entré dans la boutique. C’est celui qui tenait l’arme à la main
« Reconnaissez-vous, dans cette salle, l’une des personnes qui ont pénétré dans la bijouterie, ce matin-là, pour commettre ce vol à main armée ? ». Le gérant de la bijouterie se tourne vers le box, et désigne Roland André Marjamaa. « Il est le premier homme à être entré dans la boutique. C’est celui qui tenait l’arme à la main ».
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Roland André Marjamaa est arrivé la veille de Vérone, où il est incarcéré pour un autre vol à main armé, commis en Italie.
Le jeune homme, âgé de 28 ans, déploie sa longue silhouette pour répondre aux questions de la cour. Et il reconnaît sans peine qu’il tenait le pistolet à la main, au moment où lui et ses deux compères pénétraient dans la bijouterie. « C’est le plus jeune qui devait porter l’arme. Et puis j’étais la seule personne qui n’avait pas été condamnée jusque-là ».
Mutisme
C’est l’une des seules questions auxquelles l’accusé répondra sans louvoyer, lors de l’heure que durera son passage à la barre. En ce qui concerne les détails pratiques et logistiques, Roland André Marjamaa, qui affirme n'être qu'un "exécutant", répond certes clairement. Dès qu’il est question de citer des noms, il en va tout autrement.
- "Quel est le nom de la personne qui vous a recruté ?
- Je ne peux pas répondre.
- Qui était présent à la réunion préparative au braquage ?
- Je ne peux pas le dire.
- Qui vous a montré où se trouvait la bijouterie Danesi ?
- Pas de commentaire"
Une dizaine de fois, Roland André Marjamaa, qui avait une vingtaine d’années au moment des faits, ne répondra pas. Au président, qui tente de contourner l’obstacle d’un « c’est si difficile de prononcer le nom de Monsieur Nugis ? », il oppose un nouveau et lapidaire « pas de commentaire ».
Et quand la cour s’étonne de ce mutisme, il rétorque, d’une voix égale : « c’est parce que je ne veux pas mettre en danger ma personne ou ma famille ».
Flou
Comme la veille, Riivo Nugis, dans le box, reste imperturbable. Et quand c’est à son tour de répondre aux questions, il le fait avec l’air de quelqu’un qui voit tout ça comme une simple formalité administrative dont il doit s’acquitter.
Durant de longues minutes, la cour tente d’en savoir plus sur le rôle de chacun des protagonistes au cours de ces deux braquages, et de dessiner le portrait de la, ou des personnes, qui tirent les ficelles. En vain.
L’homme de 49 ans ne dévie jamais de son narratif, et s’il reconnaît avoir recruté une partie des braqueurs, il continue, comme la veille, de se réfugier derrière une méconnaissance des rouages de ce gang dont il ne serait qu’une pièce secondaire.
La matinée de demain sera consacrée aux enquêtes de personnalité, avant les plaidoiries de la partie civile dans l'après-midi.