Au terme de quatre journées de procès, la cour criminelle départementale de Haute-Corse a condamné les quatre braqueurs qui avaient dévalisé les bijouteries Danesi et Vannucci à des peines de prison allant de 7 à 15 ans.
L'avocat général avait demandé 5 années de prison pour Vitali Guk, ce sera 7 ans.
Pour Roland André Marjamaa, les réquisitions étaient de 7 ans, la cour l'a condamné à 10 ans.
Concernant Marek Viidemann, absent et sans avocat pour le représenter, le ministère public demandait 10 ans de prison, ce sera 13 ans.
Enfin, Riivo Nugis, suspecté d'être l'organisateur des braquages, la peine requise par l'avocat général était de 13 ans. La cour criminelle, après plus de deux heures de délibérations, a choisi de le condamner à 15 ans.
Les deux premiers sont interdits de territoire français pour une durée de 10 ans, les deux derniers de manière définitive. Enfin, tous sont interdits de détention d'armes pour une durée de 5 ans.
Blessures de l'âme
« Panique », « choc », « cauchemar », « chaos », « vacarme », « fracas », « théâtre de l’horreur ». Quelques heures plus tôt, durant les plaidoiries des parties civiles, les mots étaient forts, et voulaient retranscrire la confusion et la peur qui ont régné, durant les deux braquages commis à Bastia en octobre 2016 dans la bijouterie Vannucci, et en mai 2017 dans la bijouterie Danesi.
« On ne parle pas d’une escroquerie à la carte bancaire. On parle d’un vol, dans une bijouterie, avec de surcroît un contexte d’ultraviolence », rappelait Maître Lia Simoni.
Pour Maître Sophie Perreimond, « les blessures de l’âme », dont souffraient les personnes qui étaient dans les bijouteries au moment des vols à main armée étaient « des blessures invisibles, bien plus profondes et difficiles à guérir que les blessures physiques ».
Maître Laurence Gaertner de Rocca Serra rappelait les mots de sa cliente, femme de ménage qui n’aurait pas dû travailler ce jour-là, et qui était pourtant présente sur les lieux : « je ne savais pas si j’étais morte ou vivante ».
Maître Jean-Pierre Poletti, lui, revenait sur le profil des braqueurs, et affirmait que « des dettes, des mauvaises fréquentations, des addictions au jeu ou aux drogues, ne sont pas un motif suffisant pour organiser des razzias à travers toute l’Europe ».
L'Erasmus du crime
Maître Lia Simoni
L’avocat faisait référence aux nombreux braquages effectués sur tout le continent par le gang estonien, que Maître Simoni qualifiait quelques minutes plus tôt d’« Erasmus du crime ».
Maître Poletti enfonçait ainsi le clou : « ce sont de vrais professionnels, à qui on passe des commandes, qui participent d’une organisation mafieuse. Et qui affichent une maîtrise et une confiance totales ».
Pour Maître Valérie Vincenti, « ils ont choisi d’assouvir leur avidité, pas de payer des dettes. C’est un choix de vie criminelle. Un choix délibéré. Ils ont choisi de ne pas suivre les règles au détriment de nous, les citoyens ».
Maître Cyril Offenbach, le dernier avocat à prendre la parole du côté des parties civiles, concluait : « il faut envoyer un message fort à la population corse. Ce genre de choses, on ne le tolère pas ! » Et pour cela, il attendait que la cour prenne une « décision ferme ». « Ce sera peut-être le début d’une reconstruction pour les victimes ».
Circonstances atténuantes
Les accusés ayant reconnu les faits, la défense, sans surprise, avait mis l’accent sur la personnalité de ses derniers, sur leur rôle exact dans l’organisation des braquages, et sur les éventuelles circonstances atténuantes que l’on pourrait leur trouver.
Maître Bianca Laetitia Tomasi, avocate de Vitali Guk, a dressé le portrait d’un homme « au parcours heurté, difficile, dans un schéma familial chaotique », mais qui, après des années de toxicomanie et de délits, a multiplié les efforts pour s’en sortir. « Son insertion a été réussie, grâce aux soins, au travail, à la famille qu’il s’est trouvé ».
Maître Claire Mathieu, conseil de Roland André Marjamaa, estimait que son client était tombé « dans une machine à broyer qui broie les victimes mais également celles et ceux qui sont utilisés pour faire le sale travail. Il a eu le temps, depuis ces braquages, de prendre du recul, de réfléchir à ses actes, et sa personnalité nous laisse penser qu’il ne se retrouvera plus jamais dans une telle cour ».
Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle d’avouer que l’on n’a aucune idée de tout ce qui s’est passé en Estonie
Maître Morgane de Peretti
L’avocate de Riivo Nugis, Maître Morgane de Peretti, a pour sa part axé sa défense sur les « lacunes » du dossier. « On a cité, au cours de ce procès, énormément de noms de gens en Estonie. Mais on n’a pas diligenté d’enquête particulière, on est resté avec ce que l’on avait sous la main. Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle d’avouer que l’on n’a aucune idée de tout ce qui s’est passé en Estonie».
Pour l’avocate, son client était un coupable idéal, alors qu’il n’y avait « aucune preuve que Monsieur Nugis s’est occupé d’autre chose que de la logistique ».
Alors que la cour donnait une dernière fois la parole aux accusés, qui présentaient de nouveau leurs excuses aux victimes des braquages, Niivo Nugis s'était montré plus loquace que lors des journées d’audience précédentes.
« Ne me voyez pas comme une personne entièrement mauvaise. Il y a du bon en moi. Essayez de me pardonner, s’il vous plaît ».
La cour, qui s'est montrée sensiblement plus sévère que le ministère public pour les quatre accusés, n'a semble-t-il pas été convaincue par le mea culpa des trois Estoniens (le quatrième, Marek Viidemann, a été jugé en son absence).