Projet d'îlot de la Poste, à Bastia : "je serai à la retraite avant qu'il se passe quelque chose !"

Depuis 2016, un projet de rénovation du bâtiment qui accueille la Poste, dans le centre-ville de Bastia, est dans les tuyaux. Un projet de taille, qui accueillera appartements, hôtel, bureaux et commerces, et a pour ambition de dynamiser "le cœur de la cité". Le problème, c'est qu'il est à l'arrêt.

"Il va y avoir des travaux ? Je ne savais pas..." Jean-Paul est retraité, mais il a gardé ses bonnes habitudes. Tous les matins, avant huit heures, il s'installe en terrasse, que le soleil brille ou que le soleil menace, pour lire son journal. Face à la Poste.

Le septuagénaire connaît le quartier de la Poste comme sa poche. Il y est né, rue du Chanoine Colombani. Et ses parents ont tenu un commerce, durant de longues années, boulevard Graziani.

Sans surprise, Jean-Paul ne voit pas le projet de la mairie d'un bon œil. "J'y vais au moins une fois par semaine, à la Poste. Pour retirer de l'argent, des colis..." Le retraité passe une main dans ses cheveux étonnamment bruns, avant de sourire :"bon, je n'y croise plus que les gens de mon âge, mais on existe toujours !"

Lorsqu'on lui décrit plus précisément ce qui est prévu, Jean-Paul est en partie rassuré. Il y aura toujours un bureau de poste dans le futur îlot de la Poste.

Un projet ambitieux

L'îlot de la Poste, c'est le nom du projet, sur lequel la municipalité de Bastia mise beaucoup, comme nous l'explique Jérôme Terrier, directeur général des services : "c'est un projet très fort, en matière économique, sur la stratégie cœur-de-ville".

En clair, 13.000 mètres carrés contre 8.000 aujourd'hui, 56 logements, une galerie marchande, un hôtel, des bureaux, et un parking souterrain de 300 Places.

Le bâtiment qui accueille, depuis des décennies, Orange et le bureau de poste principal de Bastia, a été préempté par l'Office Foncier en 2016, pour 3,8 millions d'euros, puis cédé à la mairie. En 2021, il a été revendu à un groupement d'entreprises, pour 3,2 millions d'euros.

Mais depuis deux ans, le chantier semble au point mort. De chantier, il n'y en a d'ailleurs pas, puisque les travaux n'ont pas débuté. Et pour cause, le délai légal pour le permis de construire a expiré en septembre dernier, sans que le mandataire, la SAS Antoniotti, n'en ait déposé un.

Son gérant n'a pas répondu à nos sollicitations, mais un report du délai aurait été demandé.

Du côté de la mairie de Bastia, on affirme ne pas être inquiet de ce manque d'avancée significative : "le projet n'est pas remis en cause, et on espère qu'il pourra aboutir, en l'état, dans les meilleurs délais", assure Jérôme Terrier.

Le projet prend l'eau ?

Un imprévu de taille pourrait néanmoins expliquer les lenteurs du projet : le cours d'eau du Fango, à proximité, et ses galeries d'écoulement. Les risques d'inondation sont pris au sérieux, alors qu'un parking souterrain est prévu, et la situation demande une modification du Plan de Prévention des Risques d'Inondation, ou PPRI.

Une fois encore, Jérôme Terrier se veut rassurant : "la modification simplifiée du PPRI est en cours, l'enquête publique s'est déroulée dans nos murs, et l'arrêté de modification devrait être pris par monsieur le préfet courant novembre. C'est le délai qui nous a été annoncé dans le travail collaboratif qui est mené avec les services de l'Etat en ce moment".

Contacté par nos soins, Michel Prosic n'a pas souhaité s'exprimer à ce sujet.

Patience

Au bar de la Poste, Jean-Paul, lui, remplit son journal, salue les quelques habitués qui ont bravé les gouttes de pluie matinales, et se dirige vers la caisse, pour régler son café allongé. Il interpelle le gérant, goguenard : "tu vas le changer, le nom du bar ?".

L'homme lève les yeux au ciel. "Il a cent ans, ce bar. Alors quoi qu'il arrive, ça restera le bar de la Poste. Et puis de toute façon, la question ne se posera pas. Je serai à la retraite avant qu'il se passe quoi que ce soit."