Bastia poursuit son programme de renouvellement urbain. Après le quartier Aurore, la ville s'attaque à la rénovation de la cité des lacs, des monts et des arbres. Problème, la découverte d'amiante renchérit le coût des travaux cofinancés par la région, la communauté d'agglomération et l'État.
Deux bâtiments des quartiers sud de Bastia vont être détruits et d'autres reconstruits à la place. Ils seront ouverts à l'accession à la propriété. Un troisième sera rasé pour améliorer la circulation dans le quartier.
Des travaux qui devraient prendre six mois de retard et coûter plus cher du fait de la découverte d'amiante dans les bâtiments concernés. "Un projet qui coûte 10 à un endroit va coûter 20 ou 30 à Bastia parce que l'amiante va apporter des surcoûts, explique le maire de la ville Pierre Savelli. Ce que nous demandons, c'est soit un accompagnement financier, soit un accompagnement réglementaire, en allant voir du côté de l'Europe quelle est la législation en vigueur et si l'on peut s'en rapprocher. Ce qui, à mon sens, devrait nous permettre de faire ce projet sans que ça nous coûte trop d'argent parce qu'aujourd'hui, on sait que les surcoûts sont énormes."
La présence d'amiante fait souvent doubler le budget des démolitions. Ici, le surcoût sera moindre, 20 à 30%, car l'amiante n'est pas partout et l'État participera.
"Le programme Anru prévoit aussi des réaménagements urbains, indique Arnaud Milleman, secrétaire général de la préfecture de Haute-Corse. On en parle assez peu puisqu'on parle beaucoup du logement, mais la question est aussi de savoir comment on repense l'espace de vie avec un peu plus d'activité économique là où on avait fait plus de logements, un petit peu plus d'équipements publics là où on en avait moins, même si les quartiers sud de Bastia ont déjà des équipements très structurants."
Une centaine de familles a déménagé des trois bâtiments, avec pour but de favoriser la mixité. "Il y a trois grands programmes de reconstruction, détaille Juliette Ponzevera, la présidente de l'Office Public de l'Habitat de la collectivité de Corse. Le premier programme comporte 30 logements à Paese Novu, 33 logements au quartier du Puntettu, en centre-ville. Et pour finir, 41 logements qui, eux, seront sur la commune de Furiani."
Émotion
Ceux qui démolissent les bâtiments sont des jeunes qui, pour certains, ont vécu ici. Émotion à tous les étages. "Les habitants étaient quand même gentils. Moi je m'entendais bien avec tout le monde. Avec du recul, c’était assez cool", déclare Rayan Laabbabi, en formation "réemploi des matériaux". "Ce sont des quartiers où nous, on a grandi, on s'est tous connu ici, dans ces bâtiments-là et de les voir détruits, ça fait un peu un petit pincement au cœur, mais bon, c’est pour qu’il y ait un mieux", estime Yannick Gassman, en formation "maçonnerie".
Des jeunes qui travailleront sans doute dans le bâtiment, mais ne veulent pas trop s'éloigner. "C'est toujours un traumatisme, souligne Nadine Nivaggioni, responsable de formation à l'AFPA de Haute-Corse. Donc le fait de travailler à la destruction crée une autre relation au fait de détruire, donc ça c'est intéressant. Et enfin, et c'est l'essentiel, leur parcours de formation, ça a été un marchepied très intéressant pour eux."
"Souvent, ce qui revient c'est : "je veux travailler dans mon quartier", relate la directrice de la mission locale de Bastia Elodie Pisella. Donc c'est vrai qu'on travaille aussi avec l'État à développer les entreprises de quartier, à essayer d'insérer les jeunes dans leur quartier parce qu'ils y sont extrêmement attachés. Parfois, ça peut même être un frein à l'employabilité de sortir du quartier."
Ces démolitions deviennent plus écologiques : une bonne partie des 20 000 tonnes de déblais sera recyclée ou revendue.
Le reportage de Pierre Nicolas :