En Corse, le casse-tête des livraisons de colis

Des colis livrés avec une, deux, voire trois semaines de retard, qui restent en souffrance dans des points relais inconnus, ou encore des livraisons tout simplement refusées... Nombreux sont les Corses qui ont déjà expérimenté des difficultés à se faire livrer en temps et en heure leurs produits. Une problématique qui, selon certains clients, s'amplifierait en période estivale.

La mine par avance dépitée, Anne-Laure ouvre et referme sa boîte aux lettres. Vide de colis, comme la veille, l'avant-veille, et tous les jours précédents. "Deux semaines que je devrais l'avoir reçu", déplore-t-elle. Le colis a pourtant été commandé via un service prioritaire - et donc plus cher -, qui promet des livraisons sous 24 à 72h. "Mais c'est tout le temps pareil en Corse : les délais annoncés ne sont jamais les bons."

Même déception pour Julia, la vingtaine, qui ressort les mains vides du commerce où sont censées être livrées ses nouvelles robes. "L'application de suivi Mondial Relay me dit que le colis a bien été déposé en point relais. Mais ça fait trois jours de suite que j'y passe, et ils n'ont rien à mon nom." Difficile, de fait, de savoir où se trouvent ses marchandises. "Comme l'affaire est traitée de leur côté, je dois plus ou moins me débrouiller", soupire-t-elle.

"L'application de suivi Mondial Relay me dit que le colis a bien été déposé en point relais. Mais ça fait trois jours de suite que j'y passe, et ils n'ont rien à mon nom."

Julien, lui, a dû prendre les choses en main pour récupérer son vélo électrique. Commandé le 1er juillet depuis la Pologne pour une livraison à son domicile bastiais, le deux-roues a transité pendant quatre jours ouvrés entre le pays d'Europe de l'Est, jusqu'à Beaune, en Bourgogne, via le transporteur DPD, avant d'arriver en Corse le 7 juillet. Déposé au point de retrait de l'agence Chronopost de l'aéroport de Bastia, le vélo connaît alors un arrêt soudain dans son parcours.

"Je m'y suis rendu - faute d'avoir pu les joindre malgré plusieurs appels -, et on m'a indiqué qu'il était trop lourd et dépassait les limites de livraison, et qu'il fallait que je le ramène moi-même. Mais si j'avais demandé une livraison à domicile, c'est justement pour ne pas avoir à assumer la logistique de son transport", chose qu'il s'est finalement résolu à réaliser le 17 juillet, soit 10 jours après la date de livraison promise.

Des retards "anecdotiques" selon la Poste

Des colis qui n'arrivent pas ou bien après les délais annoncés : en Corse, se faire livrer un produit d'un particulier ou d'un professionnel peut parfois se transformer en un vrai casse-tête. À en croire certains, la problématique aurait d'ailleurs tendance à s'aggraver depuis le début de l'été.

Une impression contredite par les services de communication de la Poste en Corse : "Nous sommes en ce moment sur un pic estival, avec une plus forte population du fait des vacanciers, et donc plus de colis entrants par jour : 15.000 en moyenne contre 10.000 habituellement. Pour autant, nous restons sur des moyennes similaires à celles que nous constatons le reste de l'année : 97% des colis sont soit distribués le jour même de leur arrivée en Corse, soit en J+1", explique-t-on.

Les services de la Poste distinguent deux types de colis : ceux dépendant du service universel postal, "c’est-à-dire un colis de particulier à particulier", dont la livraison est garantie en J+2 par la Poste ; et ceux expédiés par des e-commerçants et divers professionnels.

"97% des colis sont soit distribués le jour même de leur arrivée en Corse, soit en J+1"

Les colis de particulier à particulier représentent 7% du total pris en charge par la Poste en Corse. "Ceux-ci sont acheminés par avion pour garantir des délais de livraison plus rapide, détaille le service communication. Mais au-delà de ces 7% là, l'entreprise a fait le choix de transporter 70% au total de colis en aérien, pour améliorer les délais de livraison."

Dans le sens Corse-continent, "99% sont envoyés en aérien le jour même. Le reste sont les colis hors norme, qui partent donc en maritime."

La Poste en Corse insiste : "La proportion de colis qui mettent des délais plus longs est conforme à l'habitude. Les retards sont de l'ordre de l'anecdotique, et nous faisons notre maximum pour garantir la livraison des colis en temps."

La classique livraison "en France métropolitaine (hors Corse)"

Outre les délais de livraison des colis, reste pour certains la difficulté de se faire livrer en Corse tout court. Pauline, la trentaine, assure ainsi avoir bataillé pendant près de huit mois avant de récupérer sa table en bois massif sur-mesure commandé auprès d'un artisan breton.

"En février de l'année dernière, il m'appelle pour me prévenir que ma commande est prête, et qu'il va la confier à l'entreprise avec laquelle il travaille habituellement", raconte-t-elle. Problème : le transporteur refuse, citant pour motif ne pas prendre en charge les pièces de plus de 30 kilos "hors-France métropolitaine". La Corse est pourtant bien comprise dans les limites de la France métropolitaine.

"Quand j'ai entendu ça, ça m'a mise hors de moi. J'avais en plus déjà avancé les frais de livraison, qui étaient compris dans ma facture initiale, et qui représentaient une centaine d'euros, donc ça me paraissait encore plus inapproprié. J'avais donné ma localisation depuis le premier devis. Si livrer en Corse posait un problème, pourquoi ne pas me l'avoir dit et pourquoi avoir pris mon argent ?"

"Si livrer en Corse posait un problème, pourquoi ne pas me l'avoir dit et pourquoi avoir pris mon argent ?"

Après plusieurs échanges de mails et coups de fil salés avec l'artisan comme le transporteur, Pauline finit par devoir se déplacer jusqu'à l'entrepôt où était stocké son meuble, et le ramener par ses propres moyens. Un trajet mené en compagnie de son conjoint, ses frères, son père, et la camionnette de ce dernier, avec un aller-retour à leurs frais.

Un travail presque herculéen. "On parle quand même de quelque chose qui pèse plus de 200 kilos. Il y a des raisons pour lesquelles ce sont des transporteurs spécialisés qui se chargent d'en faire le transport habituellement." Un trajet effectué en compagnie de son conjoint, ses frères, son père, et la camionnette de ce dernier pour pouvoir transporter la table, avec un aller-retour en bateau, entièrement couvert par ses frais. Coût du déplacement : "Autour de 700 euros", soupire-t-elle.

Et en guise de compensation, "j'ai uniquement été remboursée d'une partie - même pas la totalité - des frais de livraison, sous prétexte qu'on m'avait stocké la table "sans frais supplémentaires" pendant des mois."

Surcoût "faramineux" de livraison

L'exemple de la table de Pauline est certes un extrême. Mais nombreux sont les sites aux produits divers et variés à proposer, en théorie, des livraisons en France métropolitaine, et en pratique, uniquement en France continentale.

"Et quand ils acceptent la livraison en Corse qui devrait pourtant selon leurs propres termes être garantie, c'est avec un surcoût faramineux", peste cette Bastiaise, avec un exemple : "Je voulais faire livrer un bouquet de fleurs [avec une entreprise bien connue dans le domaine, ndlr]. C'était autour de 10 euros pour le continent, le double pour la Corse."

Pourtant, remarque-t-elle, l'entreprise en question dispose de relais sur tout le territoire métropolitain, "et c'est une boutique d'ici qui faisait mon bouquet. Donc j'aimerais bien comprendre ce qui justifie que la livraison soit plus chère quand on commande pour Paris et Nice plutôt que pour Bastia, sans avoir à passer par la case bateau et avion."

"Les frais de livraison pour la Corse étaient complètement fous. Ça me revenait plus cher que le prix du panier en lui-même..."

Un peu plus loin, cet homme témoigne d'une autre mauvaise expérience : "Je voulais commander un panier garni pour un anniversaire sur un site assez réputé, mais les frais de livraison pour la Corse étaient complètement fous. Ça me revenait plus cher que le prix du panier en lui-même... Et quand j'ai appelé pour demander une justification, on m'a dit que l'appellation "France métropolitaine", c'était un terme générique, et que comme nous sommes sur une île, on applique les mêmes tarifs que pour les DOM-TOM."

À croire qu'en matière de livraison de colis comme d'autres domaines, la Corse n'est pas exempte d'un traitement singulier.

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