Le combat ayant été perdu devant les tribunaux, la majorité nationaliste veut désormais le porter à l'assemblée Nationale. Et faire prendre en charge par l'Etat une partie des 86 millions d'euros que la CdC doit à la compagnie maritime, victime d'un préjudice entre 2007 et 2013. Explications.
Depuis des mois, la majorité nationaliste au pouvoir en Corse a tout fait pour éviter de devoir sortir le chéquier. Après la validation de la condamnation par le Conseil d'Etat, le 16 septembre dernier, on pensait que la Collectivité de Corse ne pourrait pas y échapper. Mais pour la Cdc, il reste encore un espoir. A Paris, au palais Bourbon.
Amendement au projet de loi de finances
L'Assemblée nationale a débuté ce lundi 11 octobre la dernière session budgétaire du quinquennat Macron avec l'examen du Budget 2022. Et Jean-Félix Acquaviva et Michel Castellani, les deux députés de Haute-Corse, pensent que ce budget 2022 représente un moyen de limiter les dégâts. En évitant à la collectivité de Corse de décaisser la totalité des 86,3 millions d'euros qu'elle doit à la Corsica Ferries. Une stratégie soutenue pleinement par le troisième député nationaliste Paul-André Colombani, qui est cependant moins actif que ses homologues dans la commission des finances.
La méthode des deux élus insulaires est assez claire. C'est la suivante : ils veulent mettre à profit la place faite par toute loi de finances aux dotations allouées aux collectivités. Au-delà des classiques dotations globales de fonctionnement, il existe en effet dans ce domaine une partie intitulée "prélèvements sur recettes de l'Etat aux collectivités territoriales". Cette partie réunit les dotations un peu plus spécifiques, telles que les aides exceptionnelles, ou les compensations en tout genre...
Reste donc, pour rendre l'addition moins douloureuse cours Grandval, à faire accepter à l'Etat d'y consentir à une rallonge substantielle, histoire de compenser, au moins en partie, la perte financière due à la condamnation de la CdC. Pour ce faire, ils ont présenté un amendement au projet de loi de finances.
Une rallonge de 63 millions
Le 30 septembre dernier, en Commission des finances, Jean-Félix Acquaviva a pris la parole, pour défendre cet amendement. Un amendement court, qui va droit au but. Depuis une dizaine d'années, la Dotation de Continuité Territoriale (DCT), s'élève à près de 187 millions d'euros. L'amendement demande à ce qu'elle soit portée à 250 millions, soit une augmentation de 63 millions d'euros. "On n'a pas demandé la totalité de la somme due à Corsica Ferries, histoire de témoigner de notre bonne volonté. Et puis, 250 millions, c'est un compte rond..." confie-t-on du côté de l'exécutif.
Détail : à aucun moment la condamnation à payer 86,3 millions d'euros à la Corsica Ferries n'est évoquée dans le texte. La raison avancée officiellement est la suivante : "Octroyer un soutien exceptionnel à la collectivité de Corse dans le cadre de la crise sanitaire". "Ça, c'est le jeu parlementaire !", sourit-on dans l'entourage du député.
Convaincre en séance
Pour autant, dans les faits, on ne peut pas dire que les deux députés nationalistes avancent masqués. Le sujet de la condamnation est abordé ouvertement en commission, et Jean-Félix Acquaviva n'hésite pas à pointer l'Etat du doigt: "Ce contentieux renvoie à une délégation publique de 2007-2013, du temps de feue la SNCM, et je le dis clairement : l'Etat était responsable. Pas de contrôle de légalité, et pas de notification à Bruxelles, voulue, de la délégation de service public. Donc on est sur une responsabilité morale et politique écrasante de ce qui est réclamé à la collectivité de Corse aujourd'hui".
Une faute qui incombe manifestement aux errements de gestion de l'Etat.
Michel Castellani abonde : "Nous voyons mal pourquoi c'est nous qui devrions payer, à hauteur de 80 millions d’euros, une faute qui incombe manifestement aux errements de gestion de l’Etat à tous les niveaux. Que ce soit au niveau préfectoral, au niveau du ministère des transports ou de Bercy".
Le rapporteur général de la commission, et député LREM, Laurent Saint-Martin rejette l'amendement, mais reconnaît que la question se pose et invite les députés à l'aborder, de nouveau, en séance. Selon lui, c'est une question qui concerne directement le gouvernement, et il y répondra.
Du côté des députés nationalistes de Femu, on s'attendait à un rejet. L'amendement était avant tout un moyen de "lancer les négociations", confirme Yannick Bertolucci, l'attaché parlementaire de Jean-Félix Acquaviva. Reste maintenant à faire "basculer une partie de l'hémicycle, tout est ouvert", pour faire adopter le texte en séance. Nous avons cherché à joindre Jean-Jacques Ferrara, député LR de la 1ère circonscription de Corse-du-sud, pour connaître sa position sur la question, sans succès.
Intégralité de l'examen de l'amendement présenté par Jean-Félix Acquaviva et Michel Castellani: