Depuis plusieurs jours, une vidéo circule sur les réseaux sociaux et crée la polémique. Sur la terrasse d'un établissement cortenais fermé, on voit quatre personnes qui semblent consommer des stupéfiants. Un événement qui relance la question de la lutte contre les stupéfiants et la prise en charge des toxicomanes dans l'île.
Quatre jeunes hommes installés autour d'une table, se penchant tour à tour vers un produit qui y est étalé. La scène, capturée par un dispositif de vidéosurveillance, se déroule le 9 septembre dernier, sur la terrasse d'un restaurant cortenais fermé au moment des faits.
Les lumières sont éteintes, il est aux environs de 3h40 du matin. Le groupe s'éclaire avec la lampe poche de leur téléphone pour consommer ce qui semble, selon toute vraisemblance, être des stupéfiants.
Depuis plusieurs jours, cet extrait vidéo circule sur les réseaux sociaux et fait réagir les internautes. "Corte, ville de débauche", "beau destin qui attend nos jeunes", "quel fléau"...
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Une enquête a été ouverte par le parquet de Bastia pour "trafic de stupéfiants", et confiée à la brigade de recherche de la gendarmerie de Corte.
Loin d'être anecdotique, cette vidéo relance la question de la consommation de drogue, notamment chez les plus jeunes, en Corse. Les insulaires craignent une banalisation de la prise de toxique.
"Maintenant ils prennent de la coke comme ils boivent un verre... Et ce n'est pas qu'à Corte, c'est à Bastia, c'est à Ajaccio, c'est dans toutes les sorties de nuit et c'est avec des gens de plus en plus jeunes", souffle un serveur, habitué des soirées festives. "J'en vois parfois certains consommer à quelques pas des tables remplies de clients, assure-t-il. Ce n'est plus un tabou pour une partie des jeunes, c'est même presque bien vu. Avant, c'était celui qui alignait le plus de verres dans la soirée qui pouvait faire le fier. Bientôt, ce sera celui qui sniffe le plus de rails."
"Ùn hè nè moda, nè libertà !"
Après la diffusion de la vidéo sur Internet, le parti indépendantiste Core in Fronte a pris position. "Ùn hè nè moda, nè libertà !" En mai dernier, le mouvement alertait déjà sur les risques du protoxyde d'azote, communément surnommé "gaz hilarant", et qui serait de plus en plus fréquent dans les soirées insulaires. "Les ballons [de protoxyde d'azote, ndlr] ne sont que la face visible de la drogue et de sa banalisation dans la jeunesse", a indiqué Core in Fronte dans un communiqué.
Et d'insister sur la nécessité de lutter contre ce phénomène : "nous devons, collectivement, laisser un autre héritage à une partie de notre jeunesse sans repères. Nous devons informer sur les méfaits de la drogue et combattre ce fléau et les vendeurs de mort. Si nous ne faisons rien, si nous ne disons rien, alors nous serons tous complices."
Les saisies de stupéfiants en forte hausse
Au vécu et ressenti de chacun s'accompagnent les chiffres parlants de la coordination de la sécurité en Corse. Depuis 10 ans, les saisies de stupéfiants en Corse ont explosé, tout particulièrement en ce qui concerne le cannabis : 195 kg saisis par les autorités en 2021, contre 54,7 kg en 2010, soit une augmentation de +254%.
Les saisies d'héroïne ont également augmenté, passant de 2,2 kg saisis en 2010 à 3,5 kg en 2021. Les saisies de cocaïne diminuent légèrement sur dix ans (6,8 kg en 2010 contre 4,5 kg en 2021), mais ont augmentés sur les six dernières années (2,2 kg saisis en 2015). Sur l'île, le nombre de personnes ayant reconnu avoir essayé la cocaïne est de 3 %, légèrement supérieur à la moyenne nationale, 2,8 %.
Alcool, drogue... L'escalade de la polytoxicomanie
"On constate actuellement des processus de type je commence par le cannabis, je passe après au gaz hilarant, et puis à la cocaïne", indique Remy François, psychiatre addictologue à Ajaccio. "On assiste également chez les adolescents à des modes de consommations plus violents, de type poly-toxicomanie, avec des consommation d'alcool importantes mélangées à de la cocaïne."
"L'accessibilité [aux drogues] aussi est importante, puisque les adolescents Corses ont le pouvoir d'achat le plus important de France. Tous ces phénomènes liés font qu'on assiste à une montée de la consommation et donc des addictions", détaille le médecin.
Face à cette situation, les professionnels de santé insistent sur la sensibilisation, et l'accompagnement des consommateurs. Sans jamais oublier, "qu’il est nécessaire de bien prendre conscience que les toxicomanes sont des personnes malades, et non pas des personnes qui vivent avec un vice", comme l'indiquait en décembre dernier Alain Spampani, médecin Addictions France à Bastia.
- Pour aller plus loin, voir ou revoir l'Emissione Speziale consacrée à la drogue en Corse, diffusée le 15 décembre 2021 sur France 3 Corse ViaStella :
Plusieurs types de structures existent pour venir en aide aux personnes ayant une addiction aux substances psychoactives ou leurs proches : missions locales, centres de soins, d'accompagnement, et de prévention en addictologie (CSPA)... Pour toute question ou inquiétudes, vous pouvez contacter le numéro drogues info service : 0 800 23 13 13, disponible de 8h à 2h, 7j sur 7. Appel anonyme et gratuit depuis un poste fixe.
