Penser autrement. la Chaire Mutations et Innovations territoriales veut se libérer des schémas du passé pour aborder les grands enjeux de notre époque. Elle réunit chercheurs, élus et acteurs économiques et sociaux de l'île afin de "croiser les regards". Et entend proposer des solutions innovantes.
"Nous vivons dans des territoires fragmentés où on doit faire une heure et demi de trajet pour aller travailler, mais aussi pour la moindre chose dont nous avons besoin. Des territoires où l'on vit dans l'anonymat, dans la solitude. Des territoires où les commerces ont fermé. Des territoires où l'agriculture est concentrée, où nos lieux de travail sont tous rassemblés, dans des lieux dédiés à cela, et qui ne sont consacrés qu'à cela". Les propos tenus par Carlos Moreno devant un amphi Landry bien garni ont de quoi inquiéter. Et cela pour plusieurs raisons :
La première, parce que personne n’a envie de vivre dans un tel endroit. La deuxième, parce que tout le monde y vit déjà.
Au fil de la démonstration, il faut se rendre à l’évidence. Le constat fait par le scientifique de Panthéon-Sorbonne est aussi incontestable au Texas qu’à Tokyo. Aussi flagrant à Manille que dans le Niolu.
Penser l'avenir autrement
La Corse, comme le reste du monde, doit donc s’armer pour faire face à ces nouveaux défis, à en croire Jean-Baptiste Calendini, qui avait précédé Carlos Moreno au micro, lors de cette séance inaugurale.
Cette Chaire initiera de nouvelles connexions.
Pour le directeur de cabinet de Gilles Simeoni, « notre avenir ne peut être construit sur les dynamiques qui ont été mises en place au cours des dernières décennies. Il faut que la Corse échappe à un certain nombre de mécanismes qui l’emmènent vers un sombre avenir. Mais cela demande du temps, et des lieux où les acteurs peuvent penser différemment ».
C'est dans ce but qu'a été créée la Chaire Mutations et Innovations territoriales, soutenue par le CdC, explique Dominique Federici, le président de l’Université de Corte : « au regard des grandes mutations contemporaines, nous devons penser les besoins de demain. Et nous voulons le faire en initiant de nouvelles connexions. Nous voulons renforcer, grâce aux travaux de cette chaire, le dialogue entre les acteurs publics, privés, et l’université ».
Des propositions concrètes
Dans la salle, des étudiantes et des étudiants, des élus locaux, des chefs d’entreprise, très attentifs. Mais également les professeurs, chercheurs et scientifiques, venus de toute la Corse, et d’ailleurs, qui participent aux premières tables rondes de la Chaire, les 8 et 9 novembre.
Au programme :
- Territoires en mouvement, et nouveaux enjeux pour les territoires
- Territoires et services de proximité, enjeux et perspectives
- Les Tiers Lieux, quels leviers de développement pour les territoires ?
Des intitulés qui peuvent sembler abscons de prime abord, pour les non-initiés, mais qui abordent des questions quotidiennes pour la population. Ainsi, au fil des deux premiers jours de rencontres, des ateliers se pencheront sur les solidarités locales, ou sur la relocalisation des activités et l’attractivité des territoires. En clair, peut-on inventer de nouvelles manières de travailler ?
De vraies attentes
Carlos Moreno, qui est le directeur scientifique de la chaire Entrepreneuriat – Territoire – Innovation de la Sorbonne, connaît bien le processus dans lequel s’engage l’Université de Corse : « nos travaux peuvent aider à faire bouger un petit peu le monde. Si 1% de ce que l’on produit y contribue, on aura accompli notre devoir de scientifique-citoyen ».
Et il a fait la preuve que les Chaires comme la sienne aboutissent à autre chose que des réunions interminables. Carlos Moreno a proposé une approche totalement nouvelle de la vie dans un environnement urbain, avec ce qu’il a appelé « la ville du quart d’heure ». Un concept qui veut que l’on repense l’idée de la proximité, et du temps. Et qui repose sur une règle simple : tout ce qui est essentiel à la vie (habiter, travailler, s'épanouir, être en forme, s'approvisionner, apprendre), doit se trouver à 15 minutes à pied.
Une idée sur laquelle travaillent des villes telles qu’Ottawa, Copenhague, Melbourne, Portland ou Rennes. Mais qui semble plus difficile à appliquer sur un territoire tel que la Corse, en dehors des deux principaux centres urbains de Bastia et d’Ajaccio.
Alors la chaire MIT de Corte entend bien réfléchir à des solutions innovantes, concrètement, en s’imprégnant des réalités de l’île. Sans rien s’interdire comme le résume Albert Fusella, le président de la Fondation de l’Université de Corse : « il faut oser, dans le monde dans lequel nous vivons. Il ne faut pas se donner de limites ».
De quoi susciter une vraie attente…