Une société, la première du genre en Corse, a vu le jour cet été pour détecter, éliminer, mais également prévenir la présence de punaises de lit chez les professionnels comme les particuliers. Nous avons assisté à une démonstration.
"On a été rattrapés par l'actualité", s'amusent Dominique Gorgy, le directeur de la société DPJ, et son collègue, Patrick Ferrari.
Depuis quelques semaines, la punaise de lit a signé un retour spectaculaire dans le quotidien des Français. L'insecte, nuisible, s'est invité dans les conversations, et alimente les craintes. En septembre, le sujet que nous consacrions à une famille victime de punaises de lit à Ajaccio a été l'un des articles les plus lus du mois dernier.
Hasard
Mais Dominique Gorgy l'assure, ce n'est pas cette brusque psychose qui l'a amené à dresser ses chiens à la détection de ces insectes : "je m'occupe d'un club canin, et au printemps dernier, on voulait faire travailler nos chiens, des Malinois, qui ont beaucoup de nez, pour la plupart. On cherchait un exercice intéressant, et on a pensé aux punaises de lit, qui n'ont pas d'odeur pour les humains, mais que les cellules olfactives de chiens détectent aisément".
Et puis, à la fin de l'été, Dominique a constaté, comme le reste du pays, la prolifération supposée des punaises de lit. Et il a vite noté le manque de sociétés canines capables de faire de la détection. "Il y en a une trentaine dans toute la France, ce qui n'est pas énorme, et il y en avait aucune en Corse".
L'occasion était belle de donner naissance à DPJ, un prestataire insulaire disponible "24h sur 24, sept jours sur sept, pour les professionnels comme les particuliers."
"Pour former un chien, il faut quatre à cinq semaines, dans de bonnes conditions. De bonnes conditions, cela signifie travailler avec un chien qui a des prédispositions, qui est joueur, qui est en symbiose avec son maître", précise Patrick Ferrari, qui est moniteur chez DPJ.
Dominique Gorgy sourit : "Et, aujourd'hui, nos quatre chiens sont prêts. Vous pouvez me croire !"
Session d'entraînement
Mais quand on est journaliste, rien ne vaut une démonstration. Nous avons donc rendez-vous à l'extérieur de la salle des fêtes de Borgo, l'un des lieux gracieusement prêtés à la société pour qu'elle puisse entraîner ses Malinois
Patrick Ferrari pénètre dans l'enceinte, armé de tampons imprégnés de phéromone de punaise de lit, et en dissimule quelques-uns derrière les prises électriques, dans un interstice du plancher, ou entre un mur et une plinthe. Le genre d'endroit où ces insectes ont l'habitude de trouver refuge.
Quand il détecte l'odeur de la puce de lit, il marque, sent, et s'assoit
Dominique Gorgy
"On va faire passer le chien, et quand il détecte l'odeur de la puce de lit, il marque, sent, et s'assoit", explique Dominique Gorgy. L'exercice est fatigant, pour l'animal comme pour son conducteur, et il ne dure jamais plus d'une vingtaine de minutes. "Ensuite, pour le récompenser, on lui donne son jouet. Le chien est content, il a bien travaillé, il a joué. C'est comme cela que se passent les sessions".
Prévention
Récemment, la société a été sollicitée par le CROUS de Corte, pour "une levée de doute", précise le directeur. Après examen des chambres, les chiens n'ont rien détecté. Si cela avait été le cas, DPJ aurait pu assurer le traitement : "on a un aspirateur à vapeur sèche. L'un des membres de l'équipe, entièrement protégé par l'équipement requis, aurait brûlé la vapeur sèche, afin de tuer les punaises. Trois quarts d'heure plus tard, une fois la chaleur redevenue tolérable, on aurait fait passer un deuxième chien, pour un contrôle, et si le chien ne marquait pas, l'endroit était de nouveau sain".
Un accord est en passe d'être conclu avec l'UMIH, le syndicat des hôteliers et restaurateurs de Corse.
"Bien sûr, il y a l'aspect curatif, mais on veut mettre l'accent sur l'aspect préventif. Pour un hôtel qui fermerait ses portes entre deux saisons, on propose par exemple de décontaminer la zone, à la fermeture, avant de refaire un passage just'avant l'ouverture, pour s'assurer que tout est en ordre. Les punaises de lit sont des insectes qui ont la vie dure, et qui peuvent vivre près d'un an dans une pièce fermée, sans nourriture !"
Omerta
Pour l'instant, les sept personnes que comptent DPJ ne sont pas rémunérées. Et si une intervention doit être assurée, elles seront rétribuées comme vacataires à la journée.
Mais Dominique espère que cela changera dans les mois à venir, et qu'il pourra créer des emplois : "les gens hésitent encore à faire appel à nous, il y a une sorte d'omerta sur la question. Les professionnels, comme les particuliers, ont peur pour leur réputation, il y a cette idée tenace que cela fait sale, que la présence des punaises souligne un manque d'hygiène, alors que ce n'est pas vrai..."
Dominique n'en doute pas, au cours des prochains mois, les sollicitations ne vont pas manquer. Saku, Saian et les autres Malinois, eux, sont prêts.