"Ce n'est pas un appel politique, mais un appel féministe", à Bastia, l'association Femmes Solidaires appelle à faire "barrage à l'extrême droite"

A une semaine désormais du premier tour des élections législatives anticipées, l'antenne corse de "Femmes Solidaires" appelait au rassemblement ce dimanche 23 juin. Les militantes redoutent les conséquences d'une possible accession du Rassemblement national au gouvernement sur les droits des femmes.

De nombreuses associations féministes ont manifesté, ce dimanche 23 juin, partout sur le territoire national, pour dénoncer le "danger" que représenterait le Rassemblement national, s'il venait à accéder aux plus hautes fonctions, pour les droits des femmes. Un appel au rassemblement repris en Corse par l'association Femmes Solidaires.

Le rendez-vous était donné à 10h, sur la place Saint-Nicolas de Bastia. Étaient invités, par le biais d'un communiqué, "tous ceux épris de démocratie, d'égalité, à sonner avec [l'association] les Alertes féministes [...] afin de faire barrage à l'extrême droite." Six femmes qui s'y sont déplacées nous ont expliqué la raison de leur présence, et leur inquiétude face à une possible large victoire du Rassemblement national aux élections législatives du 30 juin et 7 juillet prochains.

Rosy Sarrola, présidente régionale de "Femmes Solidaires"

Ce qui nous inquiète le plus, c'est ce que nous entendons du Rassemblement national, à savoir que le social va subir d'énormes coupes. Que la femme va subir une marche arrière considérable, ne serait-ce que sur l'IVG ou sur la contraception. Ils ont déjà annoncé qu'ils priveraient de subventions le planning familial : c'est un signe qu'alors que nous avons mis des années à obtenir tous ces droits, nous risquons de les perdre très vite.

Il faut donc se battre pour ne pas que ça arrive. Nous n'appelons pas à voter pour un candidat, mais simplement à faire barrage contre le Rassemblement national, qui représente un danger considérable pour les femmes.

Paule-Marie et Pierrette, venues assister au rassemblement

Si nous sommes venues, c'est pour le droit des femmes, des minorités également. Pour préserver les acquis sociaux qui ont été gagnés de haute lutte. Quand on voit que le Rassemblement national, au niveau européen, a voté contre l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, s'est toujours prononcé pour une limitation de l'avortement...

De manière générale, on voit bien que dans les pays où l'extrême droite est arrivée au pouvoir, les acquis ont été perdus. On pense par exemple à l'Italie sur la question notamment de l'IVG [Légalisé dans le pays depuis 1978, le recours à l'avortement reste complexe pour les femmes italiennes. Fin avril dernier, un amendement porté par le parti d'extrême droite Fratelli d'Italia, dont est issue la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, a été adopté par les députés italiens. Il permet aux associations anti-IVG à s'introduire dans les centres d'avortement pour en dissuader les femmes concernées, ndlr].

Ou encore à la Pologne [Le parti nationaliste populiste Droit et Justice (PiS), au pouvoir entre 2015 et 2023, a instauré des mesures qui ont conduit à l'interdiction quasi-totale de l'avortement, ndlr].

Nous n'avons pas vraiment l'impression que les gens aient vraiment conscience des enjeux qui se jouent. Nous ne pensons pas non plus qu'ils aient vraiment bien lu les programmes. Aujourd'hui, des acquis fondamentaux pour les femmes sont en danger, et on sent bien que ce n'est pas totalement intégré par la population.

Thérèse, venue assister au rassemblement

On sait que les droits ne sont jamais gagnés à vie, et qu'en fonction du pouvoir politique tout peut bouger, donc c'est important de se mobiliser. Le Rassemblement national au pouvoir pourrait conduire à d'importantes régressions dans la question des droits des femmes. On l'a bien vu dans d'autres pays, avec l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite, et une remise en question inquiétante sur de nombreux droits.

Nous sommes dans un débat passionné en ce moment, la campagne électorale pour ces législatives est courte, et nous entendons beaucoup d'invectives entre les uns et les autres. Mais nous ne parlons pas simplement contre quelqu'un ou contre un autre. Nous voulons simplement donner la réalité aux gens. À savoir que dans des pays où il y a ce type de partis politiques et d'idées, il s'est passé ça, ce sont des faits concrets, il y a eu des votes...

Il est, je pense, important de ramener le débat à ce que font vraiment les gens et pas simplement à ce qu'ils disent. Pendant une campagne électorale, tout le monde dit, tout le monde promet, mais quand on a déjà été élu quelque part, cela fait une base pour comparer ce qui a déjà été mis en place, et ce qui est donc susceptible de se passer pour nous, ici, après.

Les scores élevés du Rassemblement national en Corse, moi je ne me les explique pas. Nous sommes dans une situation économique tellement difficile, alors je ne veux pas condamner. Quand on est dans une situation difficile et que certains en sont à se demander comment ils vont donner à manger à leurs enfants le lendemain, quand on en est à ce niveau de désespérance, je crois qu'on peut se raccrocher à tout espoir, toute promesse.

Sauf que l'initiative de Femmes Solidaires, qui n'est pas un mouvement politique et n'appelle pas à voter pour tel ou tel parti, appelle bien à remettre dans le concret ce que les gens font, et pas ce qu'ils disent dans leur campagne. On reste encore une fois sur les faits, et c'est important.

Cette parole, j'espère qu'elle sera entendue, mais c'est très difficile. J'ai le sentiment que les informations qu'on voit passer dans les médias ne sont pas toujours très claires sur les questions de programme, qu'il s'agit beaucoup de débat hystériques à défaut d'explications précises sur qui sont et ce que proposent les gens qui demandent à ce qu'on vote pour eux.

Stéphanie Gateau, fondatrice de "Agir ensemble pour l'inclusion et l'autonomie"

Je suis polyhandicapée, et à la tête d'une association dédiée à la lutte contre les violences physiques et sexuelles à l'encontre des femmes handicapées, nommée "Agir ensemble pour l'inclusion et l'autonomie", et localisée à Bastia.

Pour ne donner que deux chiffres, 80% des femmes atteintes d'un handicap sont victimes de violence au quotidien, et une sur cinq a déjà été violée. Nous essayons, au sein de Metoohandicap, de nous mobiliser, puisque ces questions représentent un angle mort des politiques publiques. Les femmes handicapées sont invisibilisées. Elles sont même les plus exposées et les moins protégées. C'est une aberration.

Aussi, ce que nous voulons demander aux candidats, c'est quelle stratégie ils entendent mettre en place pour lutter contre ce fléau. Je pense qu'il faut alerter sur ces questions. C'est notamment pour cette raison que c'est important, bien sûr, de répondre présent pour les rassemblements comme celui tenu ce matin par Femmes Solidaires.

Pour moi la question n'est pas tant de savoir ce que fera ou pas le Rassemblement national mais plutôt ce que feront dans l'ensemble tous les partis, puisque personne ne parle de cela. Il est temps que cela change.

Valérie Romiti, militante de "Femmes Solidaires" de Corse

Si on a organisé ce rassemblement, ce n'est pas pour dire aux gens qu'il faut voter pour un tel ou pour un autre, pas du tout. Nous sommes une association apolitique. Ce n'était pas un appel politique, mais un appel féministe. Nous appelons les femmes à se mobiliser contre un parti qui est pour nous le plus menaçant en ce qui concerne le droit des femmes. On ne dit pas à quiconque pour qui aller voter, mais on leur demande d'aller voter, et d'aller voter en conscience de ce qui se profile derrière.

L'histoire de Femmes Solidaires, c'est que notre association est issue des mouvements féminins de la Résistance. Nous avons toujours fait opposition à l'extrême droite. Aujourd'hui, fortes de notre histoire, et là où le RN est implanté, plus globalement l'extrême droite, que ce soit en France ou en Europe, on sait les reculs pour les droits des femmes.

On ne peut pas rester insensibles quand on nous parle de remise en question des droits de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), ou encore quand on nous parle d'un recul avec un retour à la femme à la maison à s'occuper seule de l'éducation des enfants, quand on remet en question le mariage pour tous...

Nous ne voulons plus de régression sociale. Et le Rassemblement national incarne pour nous toute cette régression-là. C'est de loin le parti qui nous inquiète le plus de ce point-là. Lorsque Femmes Solidaires - qui est un mouvement national avec des antennes régionales basées partout, et qui a un statut consultatif à l'ONU - reçoit et rencontre des femmes polonaises, italiennes, espagnoles... Elles nous disent que les femmes françaises sont un exemple pour elles. Elles nous supplient de ne pas tomber dans le panneau du vote des extrêmes, et notamment de l'extrême droite.

Nous avons une chance extraordinaire d'avoir la loi Veil [du 17 janvier 1975, qui encadre la dépénalisation de l'avortement en France]. Nous essayons de la sacraliser, ce n'est pas pour faire un retour en arrière. Nous voulons protéger fermement ces droits.

Alors oui, nous agitons fortement notre drapeau en disant : attention. Défendons ces droits, parce qu'ils ne sont pas éternellement acquis. Je pense que les plus jeunes ne réalisent pas tous les combats qu'il a fallu pour acquérir les droits dont nous disposons aujourd'hui. La jeunesse ne se rend pas compte que ce qui a été défendu hier peut être anéanti en un coup de baguette magique. À nous de nous mobiliser pour faire en sorte que ce scénario du pire n'arrive pas.

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