Les pêcheurs célèbrent la Saint-Erasme, le saint patron des marins ce week-end en Corse. Une célébration sur fond de grosses difficultés pour la profession qui se dit étouffée par les quotas de pêche imposés par l'Europe, notamment pour la pêche au thon rouge.
Des hivers plus durs, une flottille vieillissante, des normes de sécurité toujours plus strictes et des quotas minimalistes imposés par l'Union Européenne. Les pêcheurs corses profitent de la Saint Erasme pour alerter sur des conditions de pêche de plus en plus difficiles.
Certains n'hésitent pas à l'admettre. Face à une administration "qui applique la loi sans tenir compte de nos spécificités, pour vivre de sa pêche, il faut se débrouiller".
Le thon rouge, une pêche trop réglementée
En Corse, ils sont cinq palangriers à détenir la fameuse AEP (Autorisation Européenne de Pêche) qui les autorise à prélever le thon rouge en Méditerranée. Une pêche réglementée par l’Union Européenne qui limite le tonnage pour préserver l'espèce.Début 2000, le thon rouge de Méditerranée est surexploité. L'Europe décide de mettre en place un quota, en fonction du type de pêche et des bateaux. La décision qualifiée "d'injuste", entre gros thoniers et petits pêcheurs, porte toutefois ses fruits et la ressource se reconstitue au fil des ans.
La surpêche menace toujours en Méditerranée, mais selon les prud'homies de pêche, les quotas pourraient être assouplis, notamment en Corse où la pratique reste artisanale.
Une ressource pélagique en voie de disparition
La raréfaction de la ressource pélagique est l'un des principaux arguments des prud'homies. Elles déplorent "des mesures de restrictions trop fortes qui mettent fin à la pêche aux petits pélagiques".Si l'on peut se réjouir de l'augmentation du nombre de thons rouges en Méditerranée, l'écosystème pélagique semble plus difficile à tenir. Ce grand prédateur mange l’équivalent de son poids chaque jour. Mangeur vorace, un jeune thon pèse une trentaine de kilos quand quatre ans plus tard à l'âge adulte, il pèse en moyenne 400 kilos.
"Nous n’avons plus de sardines et plus d’anchois en Corse alors qu'historiquement les anchois à la bastiaise et les sardines au Brocciu étaient des spécialités locales et quotidiennes," rappelle la Prud'homie des pêcheurs de Bastia.
"Un thon de 30 kg à bord, c'est pire que 30 kg de cocaïne"
Les pêcheurs professionnels demandent que les règles de pêche au thon rouge soient assouplies. Sans rêver que l'Europe puisse faire cas de leur situation, les prud'homies souhaiteraient que les délégations locales de contrôle, admettent la spécificité des pratiques. Et que les politiques se saisissent du problème.C'est la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (ICCAT), qui est en charge des autorisations de pêche et peut modifier les quotas, en Atlantique et dans les mers adjacentes. Aux côtés de 51 pays, l'UE est partie prenante pour les Etats membres.
Face à ce mastodonte administratif, les pêcheurs corses militent pour un "assouplissement local" des règles.
"L’administration doit prendre en considération toutes les difficultés d’un métier mis à mal. (…) Ceux qui font les lois devraient passer par la case de concertation car certaines mesures sont inappropriées et inadaptées à nos embarcations".
La profession se dit de plus en plus fébrile et inquiète, face à la multiplication des contrôles et à l'importance des sanctions. "Se faire attraper de nos jours avec un thon rouge de 30 kg, c'est parfois pire que d'avoir 30 kg de cocaïne à bord!".
La saisie d'un thon rouge non bagué peut ainsi être punie d'une lourde amende, d'une peine de prison avec sursis et d'une interdiction d'exercer.