Sauf urgence, il ne sera pas possible de venir faire des analyses, du vendredi 20 au lundi 23 septembre prochains. L'ensemble des sites des laboratoires privés de Corse restera fermé au public. Un mouvement de grève lié à de nouvelles mesures décidées par la Caisse nationale d'assurance maladie. Jean-Michel Vialle, directeur du groupe de laboratoires du même nom et délégué régional du Syndicat National des Médecins Biologistes, répond à nos questions.
Les laboratoires de biologie médicale insulaires rejoignent à partir de vendredi le mouvement de grève national lancé par plusieurs syndicats privés et publics. Au centre des griefs, une nouvelle réduction tarifaire actée par la Caisse nationale d'assurance maladie, qui pourrait de fait impacter le chiffre d’affaires des laboratoires...
Jean-Michel Vialle : C'est une baisse tarifaire de plus, puisque nous sommes sur une logique de diminution continue des coûts de la biologie depuis la fin du Covid. On pensait que cette diminution serait négociée avec la Caisse d'assurance maladie, c'est ce qui avait été convenu lors de l'accord triennal. Et en fait, on se rend compte que des négociations, il n'y en a point.
Ce sont des coups de rabot successifs qui nous sont imposés par la Caisse, de plus en plus violents. Le dernier nous fait perdre 10 % de notre cotation, et touche des actes essentiels comme l'hémoglobine glyquée (ou HbA1c, qui est le reflet du taux moyen de glycémie).
À ce rythme-là, les laboratoires ne vont plus pouvoir faire face, avec des dépenses qui restent fixes et des revenus qui sont de moins en moins importants, d'où le risque d'être obligés soit d'arrêter de faire certains examens, soit de demander aux patients de les payer intégralement.
À ce rythme-là, les laboratoires ne vont plus pouvoir faire face, avec des dépenses qui restent fixes et des revenus qui sont de moins en moins importants
Vous estimez que cette mesure serait presque "punitive", en réponse des recettes supplémentaires que les laboratoires ont pu amasser durant la période Covid...
Jean-Michel Vialle : Tout à fait. Ces mesures font suite à l'épidémie de Covid, pour laquelle nous avons eu des félicitations verbales du gouvernement. Mais nous nous rendons compte que désormais, nous sommes devenus le bouc émissaire ou les vaches à lait pour le ministère de la Santé.
Nous avons effectivement eu des revenus importants générés par cette épidémie, que nous n'avions pas demandée, mais qui sont réels. Nous avons accepté de déployer des efforts financiers pour aider la collectivité, en remboursant en deux fois 500 millions sur deux ans, et en acceptant ensuite d'avoir une dégressivité de nos tarifs.
Mais cette dégressivité, elle devait être contrôlée, négociée avec le gouvernement, et étalée en fonction de nos vrais revenus. Or, nos revenus ont maintenant beaucoup baissé, et sont revenus à l'identique de l'avant-Covid, par contre les sanctions financières et les baisses de tarifs, elles, sont restées aussi importantes que dans l'après-Covid immédiat. Et c'est cette situation absurde à laquelle on ne peut plus faire face aujourd'hui.
Au-delà des laboratoires, ce sont donc aussi les patients qui seraient selon vous affectés par cette réduction des tarifs.
Jean-Michel Vialle : Absolument. La population qui est déjà assommée par l'inflation et le coût de la vie risque de se voir affectée par de nouvelles dépenses qui concernent la santé, qui est traditionnellement sanctuarisée en France, mais nous voyons ici que ce n'est plus du tout le cas.
La population qui est déjà assommée par l'inflation et le coût de la vie risque de se voir affectée par de nouvelles dépenses qui concernent la santé.
À partir du moment où les autorités sanitaires n'assurent plus le remboursement des examens de santé - c’est ce qui risque d'arriver à partir du mois de décembre -, les laboratoires et d'autres professionnels vont bien être contraints de faire reposer le coût de ces examens sur le dos des patients, ou alors arrêter de les faire.
Certains laboratoires ont-ils déjà appliqué de pareilles mesures après les premières diminutions déjà enregistrées fin 2022 ?
Jean-Michel Vialle : Ce n'est pas encore le cas à ma connaissance aujourd'hui. Jusqu'à présent, les laboratoires se sont serré la ceinture, ont fait face à la diminution de notre cotation en faisant des économies où on pouvait les faire, en essayant de se rationaliser, de répartir les examens, partager les charges... Tout ceci afin de ne pas agir au détriment des patients.
Certains laboratoires ont bien déjà réduit leurs horaires ou fermé des sites, mais ça reste pour l'instant limité. Il est fort à parier que cela deviendra massif dans les mois à venir s'il n'y a pas de changement de cap de la part du gouvernement.
Qu'en est-il du personnel des laboratoires ? Peut-on craindre des licenciements ?
Jean-Michel Vialle : Tout à fait, c'est ce que nous redoutons. On sait que si cette tendance continue, on va être amenés à faire du chômage partiel, puis des fermetures de sites, puis des licenciements, qui vont concerner la totalité de nos personnels. En Corse, on parle de 450 personnes.
On sait que si cette tendance continue, on va être amenés à faire du chômage partiel, puis des fermetures de sites, puis des licenciements.
Nous souhaitons absolument ne pas en arriver là, aussi bien pour nos patients que pour nos personnels.