Isolacciu-di-Fiumorbu : 215 ans après la déportation, "il faut remettre l'histoire en valeur"

Dimanche 21 août, l'association A Mimoria, spécialisée dans la recherche en histoire locale corse, a organisé une conférence à Isolacciu-di-Fiumorbu sur l'arrestation de 192 hommes du village et leur déportation à Embrun dans les Hautes-Alpes en 1808.

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Gravés dans la roche, les 192 noms dressés sur les stèles à Isolacciu-di-Fiumorbu font vivre la mémoire à travers les siècles. Ces patronymes, ce sont ceux de tous les hommes arrêtés le 6 juin 1808 par l’armée française. La plupart seront déportés à Embrun dans les Hautes-Alpes. "L’armée française arrive à Isolaccio, rassemble tous les hommes de 17 à 80 ans, les enferme dans l’église. Et de là s’ensuit une déportation à Embrun. Personne n’est jamais revenu dans son village", souffle Jean-François Vinciguerra, président de l’association A Mimoria.

Ce tragique évènement survient dans un contexte tendu entre l’île et la France de Napoléon, rythmé par les révoltes menées en Corse. "On arrive en 1774 où on veut contraindre toutes ces sociétés agro-pastorales à arrêter ce mode de fonctionnement ancestral de transhumance pour que les gens vivent à un point fixe afin de collecter un impôt", explique Jean-François Vinciguerra.

En 1801, la Corse est déclarée hors-constitution et le Général Morand, disciple de Napoléon, fait régner la terreur sur l’île. La déportation de 1808 en est un témoignage sanglant : "Dans le Fiumorbu éclate une petite échauffourée : cinq ou six personnes tirent sur le casernement de Prunelli-di-Fiumorbu. Le général demande à ce que le maire de l’époque se rende à Vivario et lui livre le nom des personnes. Le maire les livre, et dit aux tireurs « mettez-vous au maquis, on va venir vous chercher. » Le 6 juin, l’armée française arrive à Isolaccio."

Pour les habitants, une (re)découverte de l'histoire

Dimanche 21 août, l’association A Mimoria, qui enquête sur cette période de la région, a organisé une conférence pour en retracer l’histoire, parfois inconnue des Corses eux-mêmes. Le public, venu nombreux, se réjouit de cet évènement : "Je suis venue parce que l’histoire de mon village m’intéresse. C’est essentiel de connaître l’histoire du Fiumorbu, et l’origine de notre histoire", explique une habitante. "Je trouve que c’est très important de rappeler cette histoire, de la remettre dans le contexte du 19e siècle mais aussi ce que ça a laissé comme esprit pour les habitants du Fiumorbu au cours du 20e siècle, qui ont participé à d’autres révoltes."  "C’est important parce que l’histoire du Fiumorbu a toujours été oubliée. Maintenant, il faut la remettre en valeur", témoigne un autre habitant.

Un important témoignage pour l'identité de la région

Les membres de A Mimoria, eux, en plus de l’aspect historique, soulignent l’apport culturel de ce genre de manifestations. "Ça permet de valoriser une diversité culturelle, et extrêmement locale. C’est ce qui fait la richesse d’un territoire", avance Sampieru Mari, membre du bureau de l’association. Du fait de son jeune âge, il se sent encore plus investi de ce devoir de transmission. "On sait qu’en Corse, il y a un besoin assez important sur le plan historique et identitaire. Notre génération à nous a cette volonté de se réapproprier l’histoire et de développer ce sentiment identitaire, ces voix qui mènent à la reconnaissance de ce que nous sommes."

Ce dimanche, environ 200 personnes se sont réunies à Isolacciu-di-Fiumorbu pour replonger dans le passé. "C’est cette histoire-là qui va venir forger une région, et les habitants qui l’occupent, Les Fiumorbacciens sont marqués au fer rouge par cette histoire, et cela nous tient à cœur de la remettre sur le devant de la scène pour redorer l’histoire, l’identité du Fiumorbu un peu laissée de côté aujourd’hui."

Propos recueillis par Arnaud De la Taille

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