Les Grisanti ont décidé de lutter pour maintenir leur activité en Castagniccia. Bergers, éleveurs de cochons et restaurateurs en tenant une ferme-auberge : portrait d'une famille passionnée qui croit encore que l'intérieur à un avenir.
Laurent Grisanti est un jeune éleveur d’ovins. Il est l’un des seuls bergers à s’être installé dans la Pieve d’Orezza ces dernières années.
Son troupeau atteint les 200 brebis. La centaine d’entre elles, à la traite en ce moment, produit chacune un litre par jour. Une petite production de lait destiné à une fromagerie de la plaine.
Laurent Grisanti est fils de berger et cette profession s’est imposée à lui naturellement. Son premier but est de vivre au village. Une décision à l’inverse des autres jeunes de son entourage.
Dans l’intérieur de l’île, en Castagniccia en particulier, la relève se fait rare. « On a l’impression que les gens n’ont plus envie de vivre au village à l’année en Castagniccia. Ils montent le week-end ou un peu l’été pendant les vacances. Quand il commence à faire froid, ils s’en vont, ils n’ont pas envie d’être ici, il faut allumer le feu ou installer une installation électrique de chauffage. On voit que ce n’est pas un problème financier », estime le jeune éleveur.
Difficultés de la vie rurale, et difficultés de la vie de berger, lorsque les deux s’accumulent tout se complique. Georges Grisanti est le père de Laurent. Il est également éleveur. Il y a 30 ans, lorsqu’il a débuté son activité, la région comptait plusieurs dizaines d’éleveurs. Depuis, les bergers ont abandonné la région et les clients se sont éloignés.
Pluriactivité
Alors, comme son fils, Georges Grisanti s’est résolu à vendre du lait à une fromagerie. Pour effectuer la livraison, il doit parcourir 40 kilomètres aller et retour.
C’est le prix de l’isolement. « Ce sont des complications. C’est surtout de la perte de temps, il y aussi la question du carburant », livre-t-il.
Le berger est aussi éleveur de cochons. Dans l’intérieur, la plupart des agriculteurs ont choisi la pluriactivité pour se maintenir. « Comme cette année les chèvres ont juste un litre de lait… C’est juste. Normalement, elles sont à 1,5 ou 1,7 litre. Cette année, c’est un peu moins, mais avec la charcuterie et la ferme-auberge, on arrive à s’en sortir. La ferme-auberge nous permet de vendre nos produits sur place sans avoir besoin d’aller en ville. On est assez loin de tout », livre Georges Grisanti.
Dans ces régions vidées de leurs habitants, comment aider ceux qui ont fait le choix d’y rester ? Comment en faire venir d’autres ? Pendant que les politiques réfléchissent à faire installer une zone franche pour la montagne, ou des mesures fiscales pour soutenir les familles les plus isolées, la famille Grisanti a décidé de créer les conditions elle-même pour continuer à faire exister la vie des villages.
« Avant tout le monde restait chez lui »
C’est à Quercetto, un petit hameau de Casabianca, que le couple de bergers a ouvert une ferme-auberge. Éleveurs en journée, cuisiniers le soir, du vendredi au dimanche.
Ils s’activent devant les fourneaux jusque tard dans la nuit. « C’est bien de voir le village qui revit. Tout le monde se connaît, tout le monde rigole, discute. Avant tout le monde restait chez lui », explique Marie-Jeanne Grisanti, gérante de la ferme-auberge.
Dans la petite salle du restaurant, les clients viennent des villages alentours, et même, parfois, de la ville : Bastia à deux heures de route aller-retour, pour goûter les produits de ferme. À toutes les tables, la solidarité entre les habitants s’exprime.
Ces habitants assument le choix de vivre, revenir et pour certains de travailler au village. L’envie et la passion sont deux ingrédients indispensables et aussi l’espoir que leur exemple inspire enfin de vraies politiques pour l’intérieur.