Malgré les précipitations liées aux récents orages dévastateurs, la situation hydrologique insulaire est critique, les restrictions d'usage de l'eau s'intensifient et la situation de sécheresse est annoncée pour durer. La mise en place du schéma d'aménagement hydraulique se fait de plus en plus pressante.
Dès le mois de juin la Corse enregistrait un déficit de précipitations de 90% par rapport aux relevés moyens des dix dernières années.
Et il n'est pas tombé une goutte au cours du mois de juillet.
En Corse-du-sud, les premières mesures de restriction ont été prises par la préfecture dès le 24 juin 2022, le niveau d'alerte sécheresse renforcé a été décrété le 19 juillet, et certaines mesures ont été intensifiées le 11 août.
En Haute-Corse, après la mise en place du premier niveau d'alerte sécheresse au 1er juillet 2022, imposant des restrictions provisoires des usages de l’eau afin de préserver les usages prioritaires, le passage au niveau d'alerte renforcée le 13 juillet a accentué les limitations et interdictions des usages de l'eau.
Tous les indicateurs dans le rouge
Déficit de précipitations, déficit d'humidité des sols, végétation en détresse, les indicateurs de la situation hydrologique insulaires sont critiques, et les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la Corse il y a quelques jours n'y changeront pas grand chose. "Ces pluies intenses ne vont pas réussir à pénétrer dans un sol très sec. C'est plutôt le ruissellement et l'évaporation qui vont dominer." explique Sébastien Santoni, hydrogéologue et maître de conférence à l'Université de Corse.
L'eau coule toujours
Sébastien SantoniHydrogéologue
Malgré cette situation alarmante, Sébastien Santoni constate : "Comme en témoigne la plupart des cours d'eau en Corse, l'eau coule toujours, même si le débit est faible. Dans un contexte où on a très peu de précipitations, le fait que ces cours d'eau aient encore une activité montre bien le rôle des eaux souterraines. Ce sont elles qui viennent alimenter ce débit d'étiage."
Une ressource précieuse
Les eaux souterraines sont abondantes mais pas inépuisables. Elles nourrissent les cours d'eaux, et les zones humides, sanctuaires de biodiversité. Y puiser pour faire face à la pénurie ne saurait être une solution salutaire à long terme. "Si c'est pour un usage public, une collectivité qui va faire son forage et l'exploiter, la règlementation est assez stricte et les conditions d'utilisations seront nécessairement durables. Mais cela ne veut pas dire que chacun peut faire son forage et utiliser l'eau de façon déraisonnable. Il va falloir faire attention à cette ressource qui reste précieuse." explique l'hydrogéologue.
Augmenter les capacités de stockage
Invité sur l'île pour une conférence, le mathématicien et ex-député Cédric Vilani était à Calvi pendant l'orage meurtrier du 18 juin dernier. Il rappelle que l'heure n'est plus aux diagnostics, mais à l'action : "Il y a un plan (ACQUA NOSTRA 2050. Schéma d'Aménagement Hydraulique de la Corse) qui a été discuté et voté. C'est une volonté politique de dire maintenant, nous allons discuter des usages et mettre en oeuvre ce plan en tenant compte du fait que la sécheresse que nous vivons là, on la retrouvera l'an prochain. Et si ce n'est pas l'an prochain ce sera l'année d'après."
Parmi les mesures identifiées dans le plan Acqua Nostra, une augmentation des capacités de stockage des eaux de pluies, qui s'appuie sur l'exemple sarde.
Actuellement, la Corse comme la Sardaigne enregistrent chaque année un cumul de précipitation de 8 milliards de m3. La Sardaigne en stocke 2 milliards de m3, la Corse seulement 0,1 milliard.
Menace de sécheresse jusqu'en novembre
Selon le centre de recherche scientifique de la Commission européenne, les régions méditerranéennes restent menacées de sécheresse anormale jusqu'en novembre.
Près de la moitié du territoire de l'Union Européenne (47%) restait, dans les dix premiers jours d'août, exposée à des niveaux de sécheresse dits "d'avertissement", c'est-à-dire enregistrant un déficit important d'humidité au sol, Et 17% sont placés en état d'alerte, avec une végétation et des cultures gravement affaiblies par le manque d'eau, contre 11% début juillet.