Ce que les éleveurs et les maraîchers redoutaient est arrivé. Un arrêté préfectoral interdit l'irrigation des cultures dans une bonne partie du département jusqu'au 1er septembre. Une décision qui fait peser une lourde incertitude sur leur activité dans les prochaines semaines.
Ils ne sont pas vraiment surpris. La sécheresse, lorsque l'été touche à sa fin, c'est devenu une habitude en Corse. Alors Sébastien Rossi, comme le reste de la profession, a appris à composer avec l'absence d'eau de pluie. L'irrigation des terrains est monnaie courante sur l'île. L'année dernière, en raison des fortes chaleurs, les agriculteurs avaient dû avoir recours à l'arrosage jusqu'à la fin du mois d'octobre.
Le problème, c'est quand ils ne peuvent pas contrebalancer la sécheresse par un arrosage. Et, das le Cap Corse, dans le Nebbiu et la Plaine orientale, c'est le cas depuis le 20 août dernier. Un arrêté préfectoral a été pris, qui interdit l'irrigation entre 9 heures et 19 heures.
Parmi les raisons invoquées, "le déficit des précipitations printanières et estivales et l’absence de précipitation à l’occasion des 15 premiers jours du mois d’août", ainsi que des "prévisions météorologiques saisonnières qui prévoient une fin d’été sèche et chaude".
Dilemme
Sébastien élève 2.000 brebis, du côté de Venzolasca. Il contemple ses 65 hectares de terrain arides, l'air soucieux. Ils s'apprêtait à semer, mais pour cela, les terrains devaient être préparés, ce qui signifie, dans le jargon, irrigués, pour recevoir correctement les semences. L'arrêté a bouleversé ses plans. Et il se retrouve face à un vrai dilemme.
"Si on ne met pas le terrain en culture, on aura aucune chance d'arriver à couvrir les besoins de pâturage au cours de l'hiver. Et si on met en culture, sans être sûrs d'avoir de l'eau dans les jours à venir, on prend le risque de perdre le pâturage. Et on sera obligés de compenser avec des achats extérieurs pour alimenter les animaux. Ce qui occasionnera des coûts supplémentaires pour l'exploitation".
Des inquiétudes récurrentes
La profession ne peut pas se contenter d'attendre que le temps soit plus clément pour leur activité. Ce matin, plusieurs représentants de filières agricoles prenaient part à une réunion, à l'Office d'équipement hydraulique de la Corse. Pour faire entendre leurs inquiétudes.
D'autant que, pour eux, l'arrêté, qui pointerait du doigt certaines filières, serait discriminatoire.
Mais la réunion a été surtout l'occasion d'échanger, pour prendre la mesure du problème et tenter de réfléchir à des solutions, comme nous l'explique Jean-Louis Paoli, président de l'interprofession laitière, ovine et caprine de Corse :
"On va faire en sorte que les gens soient le plus raisonnables possible pour parvenir à franchir cet épisode de sécheresse dans les meilleures conditions pour la profession".
Contraints de s'adapter
Sans surprise, la réunion n'a pas débouché sur des bouleversements immédiats, mais l'OEHC assure qu'elle travaille d'arrache-pied pour tenter de trouver des solutions sur le long terme. "Face à ces bouleversements et à ces mutations climatiques, nous avons l'obligation d'accélérer nos politiques publiques, et de travailler au côté des acteurs de la profession pour leur permettre d'adapter leurs méthodes d'irrigation et de gestion de l'eau", selon Gilles Giovannangeli, le président de l'Office.
En attendant, les maraîchers et les éleveurs, toutes celles et tous ceux qui vivent de la terre, devront se contenter d'espérer que le ciel fasse mentir les prévisions météo, pessimistes, et que quelques averses viennent s'abattre sur l'île plus tôt que prévu.
L'arrêté préfectoral, lui, prendra fin le 1er septembre prochain.