Un incendie, probablement d'origine criminelle, s'est déclaré dans la nuit de vendredi à samedi détruisant une salle de prière musulmane à Ajaccio (Corse-du-Sud), a-t-on appris auprès des services de secours.
L'incendie s'est déclaré vers 4h30 à l'extérieur de cette salle de prière située à Mezzavia, derrière le stade de foot Ange Casanova. Selon les premières constatations, le feu serait parti d'une structure en toile, accolée à l'édifice.
Cette salle de prière, qui est l'une des deux plus grandes de la ville, abrite l'association des Maghrébins de Corse-du-Sud.
Piste criminelle privilégiée
Malgré la mobilisation d'une dizaine d'hommes et de trois véhicules de pompiers, le sinistre a "largement dégradé l'édifice" a indiqué samedi matin le procureur de la République d'Ajaccio, Eric Bouillard, précisant que la piste criminelle est privilégiée.Sur place, le préfet de Corse Christophe Mirmand a évoqué "des traces d'hydrocarbures" découvertes lors des premiers relevés effectués par les agents de la police scientifique.
Les enquêteurs corses ont reçu en milieu d'après-midi le renfort d'une équipe technique spécialisée de Marseille pour mener des investigations supplémentaires.
Le reportage de Mickaël Martin et Franck Rombaldi
Dans un communiqué, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a fait part de sa "solidarité aux musulmans de Corse". "Si l'origine criminelle est confirmée elle donnera lieu à la recherche active des auteurs, qui devront répondre de cet acte inacceptable devant la justice.
Le ministre de l'Intérieur rappelle la détermination du gouvernement à assurer la protection de tous les lieux de culte, et à assurer la liberté de culte partout sur le territoire", a ajouté le ministre.
L'enquête ouverte pour dégradation par incendie a été confiée à la police judiciaire et aux enquêteurs de la sécurité publique.
Des dégâts très importants
Ce sinistre survient quelques mois après les débordements racistes et anti-musulmans qui avaient accompagné les manifestations ayant suivi l'agression de pompiers attirés dans un guet-apens dans le quartier populaire Les Jardins de l'Empereur le soir de Noël à Ajaccio.
Une salle de prière musulmane, située à proximité des Jardins de l'Empereur, avait notamment été saccagée et des exemplaires du Coran partiellement brûlés. Des slogans comme "Arabi fora" (les Arabes dehors, ndlr) ou "On est chez nous" avaient été scandés au cours de ces défilés dans le quartier populaire.
"Les dégâts sont très, très importants", a déploré Abdallah Zekri, le président de l'Observatoire contre l'islamophobie, qui "condamne avec force cet acte vil et odieux".
M. Zekri demande aux autorités "en qui (il a) toute confiance" de "faire toute la lumière sur cet évènement afin d'éviter l'escalade de la violence". "Il y a des gens qui veulent à tout prix mettre en péril le vivre-ensemble", a-t-il regretté, tout en appelant au calme.
Après les incidents des Jardins de l'Empereur, quelques actes anti-musulmans avaient été enregistrés dans les semaines suivantes, notamment le dépôt d'une dépouille de sanglier devant une salle de prière musulmane, et des graffitis "les Arabes dehors" au bord des routes.
"Il y avait eu une accalmie depuis la fin de l'année, malheureusement, certaines personnes mal intentionnées veulent mettre le feu", regrette M. Zekri.
Dans un communiqué, le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) a lui aussi condamné "avec la plus grande vigueur ces actes intolérables qui visent des lieux de culte, lieux de prière et de sérénité".
Je condamne avec force l'incendie de la salle de prière musulmane de Mezzavia. J'en appelle à l'apaisement ainsi qu'au bon sens de chacun.
— Laurent Marcangeli (@LMarcangeli) April 30, 2016
Les présidents du Conseil Exécutif de Corse Gilles Siméoni, et de l'Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni, déclarent que "s'en prendre à un lieu de culte est un acte incompréhensible et inacceptable, contraire aux valeurs fondamentales du peuple corse, et notamment à la tradition multiséculaire de tolérance religieuse héritée de Pasquale Paoli."
le communiqué des 2 Présidents
Le préfet de Corse quant à lui, condamne " avec la plus grande fermeté les actes commis contre la liberté de culte sur l’île, qui sont autant d’atteintes au pacte républicain, et assure les musulmans de Corse-du-Sud de son plein soutien."
Il indique que des mesures ont été prises par la police et la gendarmerie nationales afin de renforcer la sécurité des lieux de prière de Corse.