Justice et développement économique au programme du deuxième jour
Edition spéciale (1): Justice et développement
Circulaire pénale spéciale pour la Corse et signature de la 3 eme convention du Plan d'Investissement Exceptionnel. Edition spéciale du 26 novembre 2012 (10h40) consacrée à la suite de la visite en Corse du Ministre de l'Intérieur et de la Garde des Sceaux, Ministre de la Justice.
Les ministres de l'Intérieur et de la Justice, Manuel Valls et Christiane Taubira, poursuivent lundi leur chassé-croisé en Corse où ils effectuent une visite de 48 heures pour réaffirmer l'engagement de l'Etat contre la grande criminalité avec notamment de nouvelles dispositions pénales.
Le temps fort de ce déplacement sera la présentation par Mme Taubira, dans la matinée à Bastia, siège de la cour d'appel, d'une "circulaire de politique pénale territoriale pour la Corse".
Elle avait été annoncée le 22 octobre, après l'assassinat de l'avocat ajaccien Antoine Sollacaro, par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, avec un train de dix mesures pour enrayer la spirale criminelle dans l'île où 18 assassinats ont été commis depuis janvier.
Ce document doit notamment permettre d'améliorer les relations entre justice et forces de l'ordre dans les affaires économiques et financières.
Le procureur de la République à Bastia, Dominique Alzéari, a dressé dans un rapport interne un "constat alarmant" sur la "concurrence" entre les services d'enquête. Il a aussi dénoncé la "grande autonomie" des services de renseignement aux "retours quasi inexistants pour l'autorité judiciaire".
Le gouvernement prévoit aussi le renforcement et la réactivation du pôle économique et financier, spécialisé dans la lutte contre le blanchiment, du tribunal de grande instance de Bastia où se rendra Mme Taubira.
Avant de venir en Corse, la garde des Sceaux a souligné samedi, en marge du congrès du Syndicat de la magistrature, le besoin "d'un renouvellement des méthodes, une amélioration des fonctionnements internes et des relations avec les autres services collaborant avec la justice".
Arrivée dimanche en Haute-Corse, elle s'est entretenue à la maison d'arrêt de Borgo, près de Bastia, avec les personnels pénitentiaires. Elle a ensuite visité le centre de détention de Casabianda, où les prisonniers sont en semi-liberté.
Après une conférence de presse conjointe avec M. Valls, lundi en début d'après-midi à Bastia, elle se rendra à Ajaccio où le ministre de l'Intérieur était arrivé dimanche.
Il y a demandé aux responsables des forces de sécurité de mieux coordonner les enquêtes et de "renouveler leurs méthodes" pour obtenir plus de résultats face à la vague criminelle qui a fait une centaine de morts en dix ans.
Face à "la menace affairiste, mafieuse", notamment dans les secteurs de "l'urbanisme, la construction, la sécurité privée, le tourisme, la nuit, les jeux", il a annoncé l'envoi début 2013 en Corse d'une quarantaine de personnels supplémentaires.
Il a aussi insisté sur le développement des enquêtes économiques et financières contre l'argent sale, avec le concours des ministères de l'Economie et des Finances et du Budget.
M. Valls a enfin déclaré, après avoir survolé l'extrême-Sud de l'île, théâtre d'une intense spéculation foncière et immobilière, que "le contrôle de légalité doit se renforcer" pour mieux appliquer la protection du littoral.
Soulignant l'importance du rôle des élus et des associations de défense de l'environnement, il a qualifié "d'injustes et inacceptables" les critiques de l'action de l'Etat, souvent accusé de laxisme dans le contrôle de légalité des plans locaux d'urbanisme.
Son second jour de visite à Ajaccio sera consacré, lundi à l'Assemblée de Corse, à une réunion avec les responsables des groupes politiques. Il signera à la Collectivité territoriale un document sur l'attribution de 500 millions d'euros dans le cadre d'un programme exceptionnel d'investissements.
Il rejoindra ensuite Mme Taubira à Bastia, avant d'aller visiter dans l'après-midi une entreprise agricole de la plaine orientale.(Source: AFP)
Rendre la justice plus performante en Corse
La circulaire de politique pénale spécifique à la Corse présentée lundi par la garde des Sceaux, Christiane Taubira, vise à rendre la justice "plus performante" sur l'île en renforçant les effectifs et modifiant les méthodes de travail, a déclaré la ministre. "Nous tirons leçon de ce qui a déjà été fait, nous comprenons ce qui a pu mal fonctionner", a expliqué Christiane Taubira sur France Info en direct de Bastia. La garde des Sceaux y présentera en fin de matinée des directives de politique pénale, rassemblées dans une circulaire qui vise à "rendre la justice plus efficace, plus performante". Ce texte crée notamment "un comité stratégique régional qui implique la direction des affaires criminelles de la Chancellerie". Ce comité "centralisera toutes les informations utiles qui permettront de remonter jusqu'aux produits des infractions et, bien sûr, leurs auteurs", précise la ministre dans le quotidien Corse Matin. Elle annonce également un renforcement de la collaboration entre les procureurs, la Banque de France et la Chambre régionale des comptes "afin de mieux identifier les flux financiers frauduleux". Les effectifs du pôle économique et financier, "sous-dotés", vont bénéficier de "deux postes de magistrats" supplémentaires et les deux postes d'assistants spécialisés restés vacants seront pourvus, ajoute la ministre dans Corse-Matin. "Nous redéfinissons le profil des magistrats à affecter car ces dernières années, il y a surtout eu des magistrats +sortie d'école+, nous recherchons plutôt des profils expérimentés", a expliqué la ministre sur France Info. Christiane Taubira dit également travailler à un "décret sur les repentis", "un dispositif qui permet de protéger les gens qui acceptent de témoigner sous couvert d'anonymat", précise-t-elle à Corse Matin. "Je n'en suis pas forcément adepte, mais à situation exceptionnelle, outil exceptionnel", ajoute-t-elle. Se fixer un délai pour "ramener la paix publique et des conditions de vie normales" en Corse, serait "vaniteux", a-t-elle expliqué sur France Info mais "nous travaillons d'arrache-pied et je reviendrai en Corse aussi souvent et aussi longtemps que nécessaire pour s'assurer que les dispositifs que nous mettons en place sont efficaces".
Les priorités de la circulaire corse
La lutte contre la délinquance financière et une meilleure coordination des enquêtes sont parmi les priorités affirmées dans la circulaire pénale pour la Corse rendue publique lundi par la Chancellerie, ainsi que dans un autre texte spécifique à la région marseillaise. "La violence et l'affairisme ont atteint dans l'île un niveau sans commune mesure avec les autres régions françaises, qui menace les fondements mêmes de la société", indique en préambule la "circulaire de politique pénale territoriale pour la Corse", que la ministre de la Justice, Christiane Taubira, devait présenter à Bastia. Le texte développe quatre axes d'action: 1- "prévenir les assassinats en luttant contre l'affairisme et la délinquance économique et financière par les moyens préventifs et répressifs appropriés"; 2- "rechercher la plus grande efficacité judiciaire en favorisant un meilleur taux d'élucidation des affaires, une réponse pénale plus rapide et une action judiciaire mieux protégée"; 3- "améliorer la coordination des enquêtes et la réponse judiciaire"; 4- "améliorer l'articulation avec l'autorité administrative". BLANCHIMENT, SAISIES - La garde des Sceaux préconise des rencontres régulières entre les procureurs et les "acteurs de la régulation de la vie économique locale" en vue d'"opérer des déclarations de soupçon ou des signalements". "Une attention particulière sera portée à la lutte contre le blanchiment des fonds et les extorsions dans les secteurs d'activité économique qui y sont propices (immobilier, sécurité, jeux, bâtiment et travaux publics, sport...). Les avoirs provenant de l'économie souterraine devront être saisis. CO-SAISINE, TEMOINS ANONYMES - Pour une plus grande efficacité de l'action judiciaire, "les magistrats du parquet pourront, en tant que de besoin, utiliser les possibilités offertes par le code de procédure pénale en matière de co-saisine des services d'enquête". D'autre part, la "justice doit exercer sereinement son action sans qu'aucune suspicion ne pèse sur son impartialité". Certaines procédures pourront donc être renvoyées d'une juridiction à une autre si besoin, tandis que "l'action de la justice et de ceux qui y contribuent (...) doit être protégée". Le code de procédure pénale autorise victimes et témoins "à conserver l'anonymat le plus complet", est-il rappelé. COORDINATION JUDICIAIRE - Il est prévu de créer une "instance de coordination judiciaire", dont la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) de la Chancellerie "assurera l'animation et le secrétariat". RELATIONS AVEC L'ADMINISTRATION - Il est enfin recommandé d'intensifier "les relations avec les présidents de la chambre régionale des comptes, de la juridiction administrative et des services financiers et fiscaux". Un "comité stratégique régional d'échange et de coordination en matière de lutte contre la délinquance économique et financière" doit être rapidement mis en place. MARSEILLE - Une "circulaire de politique pénale territoriale pour l'agglomération marseillaise", qui était attendue depuis septembre, était également transmise lundi aux parquets. Elle vise à lutter contre "l'emprise très forte du trafic de stupéfiants" et "la recrudescence des assassinats". Elle préconise notamment de confisquer le produit des infractions" et d'enquêter "le plus en amont possible" sur "l'économie souterraine née de la délinquance urbaine organisée".
Développement économique et engagements de l'Etat
Le ministre de l'Intérieur a pour sa part signé à la Collectivité Territoriale de Corse à Ajaccio ce 26 novembre la troisième convention du Plan Exceptionnel d'Investissement (PEI): 537 millions d'euros dont 70 % financé par l'Etat pour la période 2014-2016.
La Corse, "un atout" pour la France
La Corse est "un atout" pour la France, a déclaré lundi à Ajaccio le ministre de l'Intérieur Manuel Valls à l'issue d'entretiens avec les responsables de groupes politiques à l'Assemblée territoriale. "La Corse ne doit pas être un problème pour la France, c'est un atout", a déclaré M. Valls au second jour de sa visite dans l'île. Il s'était auparavant entretenu avec les responsables des groupes à l'Assemblée de Corse dont la majorité est à gauche. Il a ensuite signé avec le président de l'éxécutif de la Collectivité territoriale, le député PRG de Haute-Corse Paul Giacobbi, et le préfet de région Patrick Strzoda un avenant au Programme exceptionnel d'investissement (PEI) pour la Corse. D'un montant de 537 millions d'euros, cette dernière tranche du PEI, jusqu'en 2016, permettra de financer des infrastructures (transports, éducation, eau, assainissement) des services collectifs (santé, éducation, sport, culture) et de mettre en valeur l'espace régional. M. Giacobbi, qui a exprimé un "immense sentiment de gratitude", a souligné qu'il s'agit "de la dernière exception sur l'investissement de l'Etat en Corse". Le montant total du PEI, démarré en 2003, est de 2 mds d'euros sur 15 ans, l'Etat y contribuant pour 70%. "La Corse a rattrapé le retard de développement qu'elle avait en 2002 par rapport aux autres régions", a dit M. Valls, qui a annoncé qu'il reviendrait "régulièrement pour constater sa mise en oeuvre". Il a ajouté que "la lutte contre les dérives" se traduira "par une action concrète" en matière de marchés publics. Le gouvernement, a-t-il dit, souhaite avec la Corse mettre sur pied "un partenariat de confiance dans le respect pour aider les Corses et la République à bâtir ensemble leur avenir". "Nous assumerons toutes nos responsabilités dans le domaine économique", a conclu M. Valls après avoir souligné que "l'Etat assumera toutes ses responsabilités dans tous les domaines", mentionnant la lutte contre le crime organisé, contre les réseaux mafieux, avec une meilleure coordination entre forces de l'ordre et justice. "C'est tout le sens de la circulaire de politique pénale présentée par Christiane Taubira à Bastia", a-t-il estimé.