Européenne et Atlantiste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Italie affiche depuis de nombreuses années une instabilité politique chronique doublée d’une fragilité financière. De Silvio Berlusconi à Giorgia Meloni, en passant par Matteo Salvini, la prise du pouvoir par des partis de plus en plus proches de l’extrême droite inquiète la scène internationale et les pays membres de l’UE. Faut-il y voir un changement de cap de la politique étrangère du pays ? L’Italie est-elle toujours pro-européenne et pro-atlantiste ? Ce mardi 13 juin à 20h45 sur ViaStella, « Democratia » remonte le temps pour évoquer ces thèmes d’actualité et en comprendre les fondements. Nous sommes en 1985 et l’Italie s’apprête à vivre la plus grave crise diplomatique de son histoire… Le jour où elle a tenu tête aux États-Unis ! Rappel des faits…
7 octobre 1985, le bateau de croisière italien Achille Lauro est détourné au large de l’Égypte par un commando terroriste palestinien se réclamant de l’Organisation de Libération de la Palestine. Très vite, des négociations s’engagent entre l’Italie dirigée par le socialiste Bettino Craxi, l’Egypte de Moubarak, les États-Unis de Reagan et Yasser Arafat. Le leader palestinien envoie Abou Abbas au Caire, pour prendre contact avec les terroristes et trouver un accord rapide. Chose faite 3 jours après le début du détournement, le bateau rejoint Port Saïd en Egypte, les 450 otages sont libérés en échange d’un sauf-conduit pour les membres du commando et Abou Abbas vers la Tunisie (qui abrite le siège de l’OLP).
Seulement, la prise d’otage a fait une victime : un otage américain d’origine juive. Ronald Reagan ne peut laisser passer ça, surtout qu’il est persuadé qu’Abou Abbas, l’émissaire palestinien, est le cerveau de l’opération. Il décide, sans en prévenir le gouvernement italien, de détourner l’avion en route vers la Tunisie sur la base militaire américaine de Sigonella en Sicile. Reagan veut que les terroristes soient extradés alors que Bettino Craxi souhaite qu’ils soient jugés sur le sol italien. A ce stade, la rupture entre les 2 pays est consommée. À l’atterrissage de l’avion, militaires italiens et américains entament un face à face armé tendu. Chaque camp étant prêt à ouvrir le feu.
Le gouvernement italien tient bon, Reagan cède et retire ses hommes de Sigonella. Finalement, les terroristes seront jugées en Italie sauf Abou Abbas. En grand secret, Craxi l'a autorisé à se réfugier à Belgrade le 12 octobre 1985 et donc à échapper aux poursuites américaines. Pourtant, Ronald Reagan n’en tiendra pas rigueur à Bettino Craxi et lui témoignera son amitié et son soutien dans une lettre qui mettra fin à cette crise diplomatique sans précédent.
La crise de Sigonella : un exemple de l’ambivalence de la politique étrangère italienne ?
En 1985, l’Italie a un positionnement pro-palestinien affirmé. Bettino Craxi entretient de bonnes relations avec l’OLP. Il ne peut en aucun livrer Abou Abbas au Président Reagan sans risquer de compromettre l’engagement politique de son pays au Moyen-Orient. Parallèlement, la Botte est historiquement liée aux États-Unis. Dès 1948, dans un contexte international d’après-guerre, la naissance de la Première République italienne met fin à un enracinement communiste. Le parti chrétien-démocrate, pro-européen et pro-atlantiste, est élu à la tête de cette nouvelle démocratie, faisant le choix du modèle occidental et de la protection de l’OTAN. Cette ambivalence fondatrice va conduire l’Italie à se positionner continuellement dans le jeu entre les grandes puissances que sont la Russie, les États-Unis et aujourd’hui la Chine. En découle aussi, le rapport à la fois polémique et incontournable entre l’Italie et l’Union Européenne.
Membre fondateur de l’UE, l’Italie est attachée à la politique économique européenne. Les mouvements eurosceptiques de 2018 et 2019 ont été balayés par le plan de relance initié par la France et l’Allemagne après la pandémie de COVID. Cette crise sanitaire a également mis fin au rapprochement souvent mercantile entre l’Italie et la Chine. De même, la guerre en Ukraine a éloigné les tendances pro-russes initiées par le gouvernement de Matteo Salvini. Même Silvio Berlsuconi, décédé ce lundi 12 juin à l’âge de 86 ans, est revenu sur son soutien indéfectible à Vladimir Poutine dans le conflit ukrainien. Après le déclenchement de l'offensive russe en avril 2022, Le Cavaliere a publiquement critiqué son ami, se disant être "profondément déçu et peiné par le comportement de Vladimir Poutine", qui a pris selon lui une "très grave responsabilité face au monde entier".
L'immigration : point noir des relations entre l'Italie et l'Union Européenne
En octobre 2022, l’élection de Giorgia Meloni, membre du parti d’extrême droite "Fratelli d’Italia", à la tête du Conseil italien des ministres a créé des inquiétudes partout en Europe. Elle soutient l’Ukraine et est pro-atlantiste, mais sa position sur l’immigration en Méditerranée fait polémique. En novembre 2022, elle refuse, conformément à sa promesse de campagne, d’accueillir les 230 migrants du bateau "Ocean Viking", considérant que l’Italie est abandonnée par l’Europe. Cette opposition déclenchera un conflit diplomatique avec la France, qui aujourd’hui encore défraie l’actualité. Loin d’être réglée, l’immigration clandestine en Italie connaît une augmentation de 300% par rapport à la même période en 2022. Pourtant, Giorgia Meloni a assoupli sa politique en créant des centaines de places d’accueil pour les migrants et en axant sa lutte contre les passeurs.
📺 "Democratia : Italie : une politique étrangère ambiguë", à voir mardi 13 juin à 20h45
- Documentaire "La nuit de Sigonella : le grand refus italien" de la collection " Aux frontières", réalisé par Edoardo Malvenuti, coproduction France 3 Corse ViaStella / Mareterraniu
- Débat animé par Jean-Christophe Galeazzi avec Alberto Toscano, journaliste et écrivain et Jean Pierre Darnis, Directeur du master en relations franco-italiennes, Université Côte d’Azur
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