L'américain Lance Weller est l'un des invités de la cinquième édition de Libri Mondi à Bastia. L'auteur, dont l'oeuvre romanesque raconte le XIXème siècle américain, vient de publier Le cercueil de Job, aux éditions Gallmeister. Interview.
- Le cercueil de Job, c'est l'histoire de Bell Hood, une jeune esclave noire qui tente de fuir le Sud alors que la guerre de Sécession fait rage. Un sujet brûlant aux Etats-Unis en ce moment...
Ecrire sur un tel sujet, ca peut vraiment vous donner l'impression de traverser un champ de mines. Politiquement, moralement, spirituellement... Il m'est arrivé, parfois, de me demander de quel droit je racontais cette histoire. Et puis je tentais de me rassurer en me disant que je le faisais de manière honnête. J'écris des romans dramatiques, qui se déroulent à une époque dramatique. Ce qui était important, avec ce livre comme avec les précédents, c'était de ne pas trahir la vérité, en édulcorant cette époque, en la rendant moins nsombre qu'elle ne l'était.
je suis un homme blanc qui essaie de traiter de sujets raciaux dans un pays qui semble prêt à exploser à tout moment.
- Le sujet de vos livres explique-t-il, selon vous, que vous ayiez du mal à être publié aux Etats-Unis alors que vous êtes célébré ailleurs dans le monde ?
Il faut que je trouve une réponse qui ne me donne pas l'air d'un gars aigri et ronchon (il éclate de rire). De manière générale, j'ai l'impression que Américains se désintéressent de plus en plus de la littérature. Je dois aussi avouer que mes romans ne sont pas exactement des romans qu'on lit à la plage. Ils sont exigeants, d'une certaine manière... Même si j'espère que les lecteurs qui s'y attaquent sont récompensés, quand ils referment le livre ! Et puis, pour être totalement honnête, je suis un homme blanc qui essaie de traiter de sujets raciaux dans un pays qui semble prêt à exploser à tout moment. Et le spectre de l'appropriation culturelle plane sur toutes les créations artistiques, même les livres qui s'appuient sur de solides recherches historiques, tels que les miens. J'imagine que tout cela ne facilite pas ma diffusion dans mon pays...
- Lorsqu'on lit vos livres, on est impressionné par le souffle romanesque, mais également par la méticulosité historique. On imagine que cela demande beaucoup de travail en amont.
Oh oui... laissez-moi vous raconter une histoire, pour résumer à quel point ça peut être compliqué. Avant d'écrire Wildnerness, mon premier roman, j'ai passé deux ans à compulser des tonnes de livres sur la Guerre de Sécession. Après avoir terminé un premier jet du livre, j'ai visité le champ de bataille de Wilderness, en Virginie. Il m'a fallu moins de deux minutes pour comprendre à quel point j'avais tout faux. Et j'ai tout repris depuis le début.
- Mais c'était le premier. Aujourd'hui, vous devez être rodé.
Non, c'était exactement pareil pour le dernier, Le cercueil de Job. Disons plutôt que c'était difficile, mais pour d'autres raisons. Le problème, c'est que le moment de basculement du livre - le massacre de Fort Pillow - reste un sujet très controversé aux Etats-Unis. Et les livres que j'ai consultés devaient être lus avec un œil critique. Il fallait que je sois vigilant, les points de vue étant souvent très partisans, particulièrement dès que l'on aborde le sujet de Nathan Bedford Forrest [L'officier confédéré considéré comme l'un des fondateurs du Klu-Klux-Klan - NDLR]. Quant aux champs de bataille, ils n'existent plus, ils ont été recouverts par le Mississippi.
- Est-ce que l'estime critique et le succès que vous rencontrez en France vous étonnent ?
Oui. J'ai beaucoup de chance. Quand je suis venu pour la première fois en France, pour Wilderness, j'ai été estomaqué par le nombre de questions liées la guerre de Sécession. Et j'ai dû me rendre à l'évidence : en France, il existe un intérêt réel pour cette période historique. Bien plus, il me semble, qu'aux Etats-Unis, où la question qu'on me pose le plus souvent, c'est si je peux pistonner quelqu'un pour qu'il soit publié...
- Y a-t-il une chance que vous écriviez un jour un roman qui se passe de nos jours ?
C'est drôle que vous me posiez cette question ! J'ai passé tout le confinement, qui a duré bien plus d'une année au Etats-Unis, à travailler sur une eco-fiction, qui prendrait place dans un futur proche. Et puis je l'ai laissée de côté en faveur d'un autre épisode historique du XIXème siècle, qui a enflammé mon imagination. J'espère que j'y retournerai un jour ou l'autre, mais le fait que j'ai lutté su longtemps pour arriver à un premier jet en dit long... Je pense, avec le recul, que ce que j'écrivais était juste une réaction épidermique à l'état dans lequel se trouvait le monde, plutôt qu'une vrai histoire, qui avait un tant soit peu de valeur, et quelque chose à dire...
Tout ce que je sais sur la Corse est lié à Napoléon. J'ai hâte d'en savoir plus.
- Aviez-vous déjà entendu parler de la Corse avant l'invitation de Libri Mondi ?
Bien sûr, mais je reconnais que c'était principalement à travers mes lectures sur Napoléon. J'ai vraiment hâte d'en savoir plus sur la Corse. Au-delà du fait que l'île soit le lieu de naissance de Bonaparte...
- La situation épidémique aux Etats-Unis semble très compliquée. Est-ce que vous avez craint de ne pas pouvoir répondre à l'invitation ?
Au moment où on parle, mon départ pour la France est dans une semaine, et je passe mes journées à scruter les infos, pour m'assurer que rien ne va venir mettre en péril mon voyage... Mais bon, j'ai acheté une nouvelle chemise, et un nouveau chapeau pour l'occasion, alors j'espère que tout va bien se passer !
Retrouvez ici le programme complet des rencontres littéraires Libri Mondi à Bastia. www.librimondi.com