Ce vendredi 31 mars, Fernand de Varennes, rapporteur spécial auprès des nations unies sur la question des minorités a participé aux débats sur la langue corse à l’Assemblée. Il a accordé un entretien à France 3 Corse ViaStella.
Début mars, le tribunal administratif de Bastia a retoqué les articles des règlements intérieurs de l’Assemblée prévoyant que le corse et le français sont les langues du débat. Une décision qui a suscité l’indignation dans l’île.
Lors de la session de l’Assemblée de Corse qui s’est tenu ces 30 et 31 mars, le rapporteur spécial auprès des nations unies sur la question des minorités a participé aux débats sur la langue corse. Une visite rendue à titre d’observateur, car il n’a pas été saisi officiellement pour que des démarches juridiques soient engagées. Une saisie que l’Assemblée de Corse envisage d’entreprendre prochainement.
Fernand de Varennes a accordé un entretien à France 3 Corse ViaStella
Vous avez participé au débat sur la langue, tribunal administratif de Bastia a refusé l’idée que la langue corse et la langue française sont les langues des échanges. Un premier avis ?
Surprise. Surprise parce que c’est un peu étonnant lorsque l’on lit la décision. La première impression que l’on a ce que c’est une interdiction. Une interdiction complète d’utiliser la langue corse. C’est surprenant parce que la langue corse est essentielle. Elle est au centre de la culture, de l’identité, et de l’Histoire de la Corse. Donc il y a vraiment une question très importante d’interprétation et il faut le clarifier. Parce que si on interdit complètement la langue corse dans les services publics et d’autres activités comme celles à l’Assemblée, ça semble être une situation qui pourrait être discriminatoire, en d’autres mots, qui porte atteinte au droit international, soit le droit à l’égalité, sans discrimination.
Vous avez dit que les langues ne meurent pas de manière naturelle et que la main de l’homme se trouvait forcément quelque part…
Effectivement, souvent, lorsqu’une langue est affaiblie, par exemple, c’est l’État, le gouvernement, l’a étouffée. On restreint son utilisation, on interdit qu’elle soit enseignée peut-être. Donc il faut regarder jusqu’à quel point la langue corse est utilisée, protégée, à quel point on lui permet de s’épanouir finalement, y compris dans l’Assemblée de Corse. C’est là finalement qu’il faut regarder de beaucoup plus près cette interprétation de l’article 2 de la Constitution qui est assez surprenant. Dans énormément de pays, même s’il n’y a qu’une langue officielle et nationale, on permet et on utilise d’autres langues lorsque la situation l’exige.
S’il y avait eu des échanges en langue anglaise dans cette Assemblée, est-ce que le même phénomène se serait produit ?
Je ne sais pas. Mais je peux vous dire qu’il y a énormément d’exemple d’institutions publiques et d’universités publiques qui utilisent couramment la langue anglaise. Et on ne semble pas voir là une controverse. On utilise très souvent l’anglais, sans invoquer l’article 2 de la Constitution. Il y a même des programmes entiers qui sont enseignés en anglais dans des universités publiques. Je crois même que certains diplômes sont remis en anglais. C’est-à-dire que l’on doit subir des épreuves finales en anglais. Alors pourquoi ces deux poids, deux mesures ? Alors que la langue corse n’est pas utilisée dans la même mesure et que l’anglais est facilité. Ça peut être une situation de différence de traitement qui peut être considérée comme discriminatoire, il faut vraiment regarder ça de plus près.
Comment on sort de cette situation ?
On accommode la langue là où elle est utilisée. Il est naturel, normal, d’utiliser la langue corse ici en Corse. À ce moment-là, il faut reconnaître cette réalité et prévoir par mesure législative ou même constitutionnelle des façons de faciliter ce qui est la réalité sur le terrain. La langue corse est la langue de la Corse et donc elle devrait être non seulement reconnue, mais aussi utilisée dans des endroits comme l’Assemblée de Corse.