Le couteau corse, miroir de lame insulaire...

À la fois premier outil de l'humanité et arme redoutable, le couteau occupe une place particulière dans l'histoire... En Corse plus qu'ailleurs, il symbolise une identité, une culture et un savoir-faire ancestral. Les hommes qui forgent, au sens propre comme au sens figuré, la légende cet objet noble, se racontent ce soir à 20h45 sur ViaStella dans "Stazzunà u so fatu", un documentaire inédit, en langue corse.

Ce sont les Romains qui ont mis au point le premier couteau pliant de l’histoire.
Au 2ème siècle, la Corse Romaine décide de fabriquer les siens.
Au fil des époques, les forgerons insulaires perfectionnent le travail du métal et créent des milliers de couteaux qui serviront d’outils ou encore d’armes contre les envahisseurs.
Depuis, il n’a jamais vraiment quitté la ceinture des Corses.
Des maîtres du feu qui le forgent, à son utilisation, en passant par sa transmission de génération en génération, le couteau s’affiche aujourd’hui comme un objet identitaire de la culture Corse.

Le couteau à travers les âges...

Les premiers outils tranchants, qui peuvent être considérés comme des ancêtres du couteau, remontent à la Préhistoire. En pierres taillées ou sculptés dans les os d'animaux, ils étaient utilisés pour la chasse, la découpe et la préparation des aliments, et à d'autres tâches quotidiennes. Les premiers couteaux en métal apparaissent pendant l'Antiquité, fabriqués à partir de cuivre, de bronze ou de fer. Utilisés comme armes et outils, ils étaient également symboles de statut social.
Le Moyen Âge marque une amélioration des techniques de fabrication, permettant la production de lames plus tranchantes et plus résistantes. On utilise alors l'objet comme arme de poing, pour la guerre ou pour la chasse.
Au cours des siècles, le couteau "s'anoblit", s'orne de décorations luxueuses, personnalisées et devient un véritable accessoire de mode, porté par les riches, notamment durant la Renaissance.
La révolution industrielle et le progrès technique amènent une démocratisation : il devient un objet courant dans les foyers, les ateliers et les industries. Il est produit à grande échelle, avec des matériaux tels que l'acier inoxydable ou le titane. Il se démocratise, se popularise, et devient multifonctions, comme le démontre l'exemple parlant du célèbre couteau suisse.

Et en Corse ?

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Les différents types de couteaux corses... ©France 3 Corse ViaStella / Pasta Prod
Le couteau occupe une place spéciale dans l'histoire et la culture de l'île, en tant qu'outil polyvalent, symbole culturel et objet d'artisanat traditionnel.
Les premiers couteaux utilisés dans l'île étaient probablement similaires à ceux utilisés sur le continent européen pendant la Préhistoire, fabriqués à partir de matériaux tels que la pierre et l'os, avant d'évoluer vers le cuivre, le bronze puis le fer....
Au fil des siècles et des occupations, la Corse a été influencée par les cultures méditerranéennes. Cela a probablement influencé les styles de couteaux utilisés sur l'île, du "cultellu" droit, à la "cultella" à la forme plus courbée, jusqu'au stylet, plus long...

Au 13ème siècle, l'influence de l'occupation génoise sur la vie quotidienne et culturelle des Corses va crescendo. Malgré un décret interdisant les armes, dont le port était passible d'emprisonnement sans autorisation spéciale, on peut dire que l'arme blanche usuelle de l'époque ressemble au "poignard à la génoise", et s'apparente au stylet actuel. Les insulaires, dont le rapport historique et anthropologique avec les armes et la violence est (parfois trop !) bien connu (notamment au travers de la "vendetta"), ne cesseront toutefois jamais réellement de produire et de porter un objet qui est un pour eux un véritable emblème.
On trouve cependant des spécificités au stylet corse avec des manches de "stilettu" plus anciens, fusiformes, et des lames plus larges et symétriques, à double tranchant, telles qu'on les conçoit pour une dague. 
Le couteau corse traditionnel, connu sous le nom de "curnicciulu', est quant à lui pliant, avec une lame généralement courbe, et en manche en bois ou en corne de chèvre. Il est souvent utilisé comme outil polyvalent dans diverses activités, de la chasse à la cuisine en passant par l'artisanat.
Symbole culturel, il est souvent associé à des valeurs telles que l'honneur, la loyauté et l'indépendance. Il se transmet de génération en génération, objet précieux, apprécié pour son esthétique, chargé d'histoire et de traditions. De nos jours, le couteau traditionnel continue d'être utilisé par les Corses pour une grande variété de tâches. 
La fabrication des cultelli est un artisanat important. À côté d'une production "à grande échelle", quasi industrialisée, de nombreux artisans locaux fabriquent aujourd'hui des couteaux "à l'ancienne", utilisant des techniques traditionnelles et des matériaux nobles, ce qui contribue à perpétuer cette tradition ancienne.
Jean-Charles Marsily est parti à leur rencontre dans un documentaire de 52 minutes inédit, à voir ce soir à 20h45 sur ViaStella...

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Le documentaire "Stazzunà u so fatu", à voir ce soir... ©France 3 Corse ViaStella / Pasta Prod

"Stazzunà u so fatu", à la découverte des forgerons-couteliers de corse...

Et il nous emmène pour cela aux 4 coins de Corse, De Farinole à Venzolasca, en passant par Cuttoli-Corticchiato et le Musée de Bastia, pour faire la connaissance d'historiens et d'artisans passionnés par leur métier, mais surtout par le patrimoine culturel de leur île.

Parmi eux, à Guaïtella, Jean-Dominique Susini, président du syndicat des "cultellaghji corsi" qui voit son activité non pas comme un métier mais comme "una manera di campà", un militantisme culturel au quotidien. Il nous explique sa vision de la coutellerie, ses techniques à la forge, les particularités des objets créés, du "sapè fà nustrale", et surtout la nécessité de transmission...

"Tramandà", faire passer son savoir, c'est aussi le leitmotiv de Jean Biancucci, personnage bien connu de la vie politique en Corse, mais également coutelier et auteur d'un ouvrage sur le sujet, intitulé "Couteaux et stylets corses".
Il sera aussi question d'histoire et d'économie, avec Tony Casalonga. Il évoque le travail de la "Corsicada", une des premières coopératives artisanales de France, en 1964 dans le succès commercial d'un couteau corse, réhabilité dans les années qui ont suivi, notamment par 2 hommes, "génies du métal". Christian Moretti et Joseph "couteau" Antonini ont contribué, par leur engagement et leur talent, à maintenir la passion, la tradition, la mémoire et la création coutelière, bien avant le "riacquistu" de la filière des années 80. Pratiquement disparue sur l'île en 1974, la Corse compte aujourd'hui en effet près de 50 couteliers...
La dimension philosophique ne sera pas oubliée, dans un métier ou l'objet créé et la matière première, comme le dit si bien Antoine Tramini, ont un côté ambivalent. Le métal, et par extension le couteau, est un symbole de protection, et a pourtant parfois pour finalité de "faire le mal"...
Une dualité qui symbolise peut-être un peu toute la complexité de la société corse...

3 questions à Jean-Charles Marsily, réalisateur.

"Stazzunà" est-il un documentaire sur les forgerons, les couteliers, ou plus généralement sur un savoir-faire artisanal corse qu'il est nécessaire de préserver ?

Le documentaire se propose de revenir sur un savoir-faire ancestral, un temps disparu, qui est celui de la coutellerie.
Au-delà de la fabrication, on y évoque la maîtrise du feu, et la mise en valeur des matériaux qui accompagnent la fabrication de ces couteaux...

Le couteau est, de par sa double utilisation, entre arme et outil, un objet très spécial. Que symbolise-t-il pour vous ? Votre représentation du "cultellu" a-t-elle changé après le tournage ?

Il est vrai que le couteau peut être considéré comme une arme, mais je préfère retenir sa fonction d'outil qui accompagne l'homme depuis des siècles dans son quotidien. Aujourd'hui il est aussi considéré comme une œuvre d'art et l'exemple d'un savoir-faire artisanal de haute compétence. 

Dans le documentaire, on évoque la création d'un label "couteau corse". En se tournant vers ces productions qualitatives, au détriment d'une "démocratisation", les couteliers du syndicat choisissent-ils la "bonne voie", où se mettent-ils au contraire en péril, dans un monde toujours plus concurrentiel ?

Avec la création du syndicat des couteliers corses, et au vu de la demande toujours croissante de la clientèle, on peut considérer que le choix d'éclairer le client sur l'origine et la fabrication de ces couteaux est une évolution positive pour les artisans adhérents. Il permet le maintien d'un "sapè fà" et la possibilité de vivre de son activité. Une solution contre une concurrence toujours plus agressive... 

"Stazzunà u so fatu", un documentaire en langue corse sous-titrée, réalisé par Jean-Charles Marsily, une coproduction France 3 Corse ViaStella / Pasta Prod, à voir ce vendredi 12 avril à 20h45 sur ViaStella.
Rediffusion samedi 13 avril à 17h15, et disponible en replay sur notre plateforme France.TV.

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