La loi d'orientation agricole fait débat en Corse. Votée à l'Assemblée nationale, elle prévoit de déléguer aux chambres d'agriculture des missions de service public partout sur le territoire. Mais sur l'île, l'ODARC, l'office du Développement Agricole et Rural de Corse, pourrait récupérer certaines missions.
Devant la chambre d'agriculture de Vescovato, la tension monte, et les craintes se lisent sur certains visages, ce lundi 3 juin.
"Nous demandons à l'exécutif de Corse de restaurer les chambres d'agriculture dans leurs missions, nous demandons aux sénateurs de Corse de déposer un amendement en ce sens concernant la loi d'orientation agricole avant le 6 juin", déclare Jean-Baptiste Cantini, responsable CFE-CGC à la Chambre d’Agriculture de la Haute-Corse.
Au cœur des discussions : la loi d'orientation agricole qui pourrait transférer vers l'office du Développement Agricole et Rural de Corse (ODARC) leurs missions de service public relatives à l'installation et la transmission.
Une aberration pour les syndicats car pour eux, ce serait retirer le cœur de leur métier.
"Cela nous fait peur parce qu'on touche à l'ADN des chambres d'agriculture, à leurs missions fondamentales, explique Maddalena Serpentini, secrétaire nationale du STC pour le secteur agricole. C'est un vrai coup qu'on porte. Quid de la centaine d'emplois qui tourne autour de ces missions-là ?"
Amendement
Pourtant, un amendement allant dans leur sens avait été déposé avant l'adoption de la loi par l'assemblée nationale le 28 mai.
Amendement retiré juste avant le vote par le député Jean-Félix Acquaviva. "J’ai décidé de retirer l’amendement pour que le dialogue s’instaure entre l’ODARC et les Chambres d’Agriculture sans passer par la loi. C’est une volonté de discussions profondes dans le cas du statut d’autonomie qui s’annonce", indique-t-il.
Des explications qui ne rassurent pas du tout Joseph Colombani, le président de la Chambre d'Agriculture. Pour lui, le retrait de l'amendement attise les tensions avec la Collectivité de Corse et l'ODARC : "On enlève la possibilité pour la chambre d'agriculture d’être la porte d'entrée de l’agriculteur dans sa vie professionnelle. On perd le contact avec l'agriculteur, et à partir de là, d'autres peuvent prendre le relais, c'est ce qui se passe et on perd cette notion de vision transversale et générale qu'a aujourd'hui la chambre d'agriculture."
Il serait temps en effet de connaître le contenu réel du projet "Autonomia". https://t.co/ITuWlIipUM
— Colombani Joseph (@JosephColombani) June 2, 2024
"Polémique stérile"
Les salariés auraient aimé une réponse directe du président de l'Exécutif Gilles Simeoni. Mais c'est Dominique Livrelli, le président de l'ODARC, qui la formule et qui assume cette possible évolution. Elle serait voulue dans un souci d'efficacité et de cohérence.
Il assure que c'est une "polémique stérile" et "qu'aucun emploi n'est menacé" : "Une des deux missions, l’installation, n'est pas du tout exercée par la chambre d'agriculture. Il n'y a que deux emplois au niveau de la chambre d'agriculture concernant la transmission et ces deux emplois seront conservés. Une convention sera faite entre la chambre d'agriculture et l’ODARC."
L'étape suivante sera l'examen de la loi devant le Sénat fin juin.
Mais la décision des sénateurs ne mettra pas un point final sur les répartitions de ces missions entre les chambres d'agriculture et l'ODARC. Un vaste chantier technique... et politique.
Le reportage de Juliette Vincent et Typhaine Urtizverea :