Suite à l’assassinat du préfet Claude Erignac, Bernard Bonnet est nommé pour restaurer l’État de droit en Corse. Ses méthodes désastreuses ont surtout dégradé l'image de l'État. Le préfet Bonnet restera dans l'histoire pour avoir ordonné à des gendarmes l'incendie d'une paillote.
« L'homme qu'il faut, là où il faut ». C'est par ces mots que le ministre de l'intérieur Jean-Pierre Chevènement intronise Bernard Bonnet préfet de Corse.
Au sein de la population corse les attentes sont fortes en ce début 1998. L'assassinat du préfet Claude Erignac suscite l'émoi. 40 000 personnes défilent dans les rues d'Ajaccio et de Bastia. Dans ce contexte, la mission du plus haut représentant de l'Etat est de restaurer l'Etat de droit.
L'homme se montre ferme. « Il y a une exigence forte qui est celle de faire respecter dans toutes les circonstances, par qui que ce soit, les lois de la République », souligne-t-il alors.
Mi-juin, le gouvernement diligente une mission d'enquête parlementaire. Confiée au député socialiste Jean Glavany, elle dressera l'inventaire des dysfonctionnements réels et supposés des institutions et de ceux qui les occupent.
Les mises en cause tous azimuts d’élus et de chefs d'entreprises pleuvent. Ajoutées à la multiplication des gardes vues en lien avec les errements de l'enquête sur l'assassinat du préfet Erignac, elles créent un sentiment de suspicion.
"Monsieur le préfet, quand comptez-vous partir ?"
La critique est d'abords portée par les nationalistes, notamment au sein de l'assemblée. « Nous n’avons qu’une seule question à vous poser Monsieur le préfet : quand comptez-vous partir ? », lance un élu. « Je partirai quand vos amis cesseront le racket, je partirai quand vos amis cesseront d’assassiner dans les fêtes de village, je partirai quand vos amis cesseront de déposer des explosifs », répond Bernard Bonnet.
La contestation va vite dépasser la sphère politique. Lors de l'audience solennelle de rentrée du tribunal d'Ajaccio, l'avocat Antoine Sollacaro sonne la charge. Bernard Bonnet quitte la salle. Les mauvaises nouvelles vont s'accumuler. Aux territoriales, en mars, les nationalistes totalisent 17% des suffrages. Ce alors que le précédent scrutin, annulé pour cause de fraude électorale, avait été un échec.
Le préfet se crispe. L'impossibilité de faire appliquer la loi sur l'occupation du domaine public maritime sert de détonateur. Dans la nuit du 19 au 20 avril une paillote est brûlée à Coti-Chiavari. L'enquête révèle que l'ordre d'incendier a été donné par Bernard Bonnet à des gendarmes. Comble de l'ubuesque, la préfecture, symbole de l'État, est perquisitionnée.
Malgré la condamnation qui suivra, l'homme reste droit dans ses bottes. « Pour poursuivre la destruction d’un bien d’autrui, il faut que le bien d’autrui existe. Or, sur une plage publique il n’y a pas de propriété privée. Cette erreur de droit est monumentale », estime Bernard Bonnet.
Outre le préfet, le directeur de cabinet Antoine Pardini, le colonel de gendarmerie Henri Mazère et six de ses subordonnés sont condamnés. Le passage de Bonnet en Corse aura duré en tout 14 mois.